Le groupe Volkswagen (VW), qui a conquis les cœurs avec des modèles comme la Coccinelle et la Golf, lutte pour sa survie. Et pour cause, il doit fermer au moins trois de ses dix usines. Des dizaines de milliers d'emplois sont menacés.
Ce qui se passe en Allemagne sur le plan économique et politique est une honte pour l'ancien pays du miracle financier. Mais cette misère ne s'arrête malheureusement pas aux frontières. Les experts redoutent déjà les effets de ce séisme en Suisse.
Mercredi, VW a présenté ses derniers chiffres: les bénéfices du groupe ont chuté de 64% par rapport au trimestre précédent. Le directeur du personnel Gunnar Kilian a justifié la sévère cure d'austérité par «une situation grave». Si rien n'est fait, l'entreprise, qui emploie environ 300'000 personnes rien qu'en Allemagne, risque de se retrouver dans une situation délicate.
Jusqu'à 200'000 licenciements?
Volkswagen n'est pas le seul groupe à être dans le rouge. Les entreprises chimiques et les producteurs d'acier ont également pris des mesures d'économie draconiennes. Ainsi, BASF veut se concentrer sur son activité principale en vendant des parties de son entreprise et en fermant des usines chimiques. Chez Thyssenkrupp, une restructuration entraînera des licenciements et des réductions de prestations pour les employés.
Stefan Bratzel, de l'institut de recherche Center of Automotive Management, estime qu'au moins 200'000 emplois seront perdus dans les prochaines années dans l'industrie des constructeurs et des fournisseurs. Les syndicats menacent d'organiser des grèves.
A toute la misère de l'économie s'ajoute un gouvernement qui se paralyse lui-même en raison de ses divisions internes et de son manque de communication interne. Pour aider l'économie, le chancelier Olaf Scholz a rencontré mardi des associations. Le ministre des Finances Christian Lindner, n'ayant pas été informé au préalable, a organisé sans hésiter son propre sommet économique. Il n'est pas certain que ce gouvernement tienne jusqu'aux élections du 28 septembre 2025.
L'Allemagne a fait des erreurs dans ce domaine
Alexander Marguier, rédacteur en chef du magazine politique allemand «Cicero», définit l'Allemagne comme «l'homme malade de l'Europe». Les coûts élevés de l'énergie, la bureaucratie, le manque de personnel qualifié et les impôts élevés sont autant de facteurs qui mettent l'Allemagne en difficulté. Alexander Marguier précise pour Blick: «C'est un mélange problématique dans un contexte géopolitique difficile.»
Selon Alexander Marguier, l'Allemagne a fait exactement le contraire de ce qu'elle aurait dû faire ces dernières années. «Cela a commencé par la sortie du nucléaire, puis l'immigration, et enfin le gouvernement a voulu faire revivre de fait l'Etat social à l'ancienne avec le Bürgergeld. La politique allemande a pris le dessus et s'est laissé aller à un délire de faisabilité qui est aujourd'hui démenti par l'amère réalité.»
Comment l'Allemagne va-t-elle se sortir de ce mauvais pas? «Pas du tout pour le moment, nous sommes bloqués politiquement», estime Alexander Marguier. Cela se répercutera sur les élections, ajoute-t-il. Lors des élections fédérales de l'automne 2025, il s'attend à une nouvelle progression des partis extrêmes comme l'AfD et l'alliance Sahra Wagenknecht. «Une chose en entraîne une autre, ce qui ne laisse rien présager de bon», déplore le rédacteur en chef.
La Suisse est à ce point menacée
Les économistes sont convaincus que «l'homme malade de l'Europe» va également contaminer la Suisse ou l'a déjà contaminée. Alberto Silini, expert européen chez Switzerland Global Enterprise apporte quelques précisions. «Ce sont surtout les sous-traitants directs et indirects de la branche automobile qui sont concernés.» Depuis le début de l'année déjà, on constate un recul des commandes en provenance d'Allemagne – et pas seulement dans la technologie classique à essence, mais aussi dans le secteur électrique.
Le séisme allemand ne touchera la Suisse que de manière limitée, estime en revanche Jan-Egbert Sturm, directeur du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ (KOF). Que ce soit lors de la crise financière de 2008 ou lors du découplage du franc de l'euro en 2015, l'industrie suisse a toujours su surmonter les crises grâce à ses produits de niche, sa force d'innovation et sa flexibilité. «Quand il le fallait, la Suisse a montré qu'elle pouvait adapter rapidement ses processus et ses partenaires», ajoute Egbert Sturm.
Alexander Marguier voit surtout un grand avantage politique à la Suisse par rapport à l'Allemagne, ce qui apporte une stabilité économique. «Dans la politique suisse axée sur le consensus, il y a toujours des coalitions quelconques à l'œuvre. Elle semble – contrairement à l'Allemagne – avoir davantage en vue le bien du pays que le bien des partis», conclut le rédacteur en chef.