Chaos au Stade de France
JO 2024 en France: l'avertissement des sénateurs

Les sénateurs français ont remis ce mercredi leur rapport sur le chaos survenu au Stade de France le 28 mai, lors de la finale Liverpool-Real Madrid de la Ligue des champions. Conclusion: la préparation des Jeux olympiques 2024 doit être sérieusement revue.
Publié: 13.07.2022 à 14:30 heures
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Dernière mise à jour: 13.07.2022 à 17:33 heures
Impossible de ne pas tirer les leçons du chaos survenu au Stade de France le 28 mai, avertissent les sénateurs français dans un rapport de leur commission d'information, rendu public le 13 juillet.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le chaos survenu au stade de France le 28 mai pour le match de football Liverpool-Real Madrid était tout, sauf une surprise. Au vu des multiples erreurs d'appréciation commises par le comité d'organisation de cette finale de la Ligue des champions de l'UEFA, qui devait initialement se tenir à Saint Pétersbourg, la commission d'information du Sénat français a estimé mercredi 13 juillet que ce fiasco était «inévitable».

Un constat grave, à deux ans pile des Jeux olympiques d'été qui se tiendront du 26 juillet au 11 août 2024 à Paris, ou plus exactement, pour l'essentiel, à Saint-Denis. Là même où se trouve le Stade de France autour duquel des émeutes ont éclaté le 28 mai, empêchant des milliers de supporters munis de tickets d'entrée valides d'accéder à l'enceinte sportive la plus célèbre de l'Hexagone.

Rapport de l'UEFA attendu en septembre

Les sénateurs ont pris soin, pour élaborer leur rapport, d'auditionner tous les responsables impliqués ce soir-là, tant du coté des autorités françaises que du coté des clubs concernés et de l'UEFA, l'Union européenne de football basée à Nyon (VD). Laquelle a prudemment décidé de publier son propre rapport d'enquête en septembre, en espérant sans doute que les vacances estivales auront refermé le couvercle sur ces incidents.

Le résultat: un avertissement clair à l'administration française, du Ministère de l'intérieur en passant par la préfecture de police, et à la Fédération française de football (FFF).

Scénarios de crise insuffisamment travaillés

Contrairement à ce qu’affirme le préfet Cadot, délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges), concernant en particulier le dispositif de sécurisation, ce n’est pas seulement «dans l’exécution que les problèmes sont survenus». En amont, les scénarios de crise ont été «insuffisamment travaillés et n’ont pas fait preuve de la souplesse nécessaire face à la multiplication des événements non anticipés», jugent les sénateurs.

Avec, en ligne de mire, les risques qui pèsent sur la prochaine organisation des Jeux Olympiques: «L’importance des événements sportifs internationaux attendus en France en 2023 (ndlr: Coupe du monde de Rugby du 8 septembre au 28 octobre) et 2024 peut permettre de transformer un grave échec collectif en opportunité pour réussir les échéances à venir». Selon les parlementaires, seule une remise en cause profonde des mécanismes de décision ayant conduit au chaos, qualifié de «coup de semonce», pourra permettre de reconfirmer «la capacité de la France à organiser de grands évènements sportifs».

Départ du préfet de police Didier Lallement

Une victime de ce désastre est déjà connue. Même si d'autres raisons sont invoquées pour le justifier, le départ du préfet de police de Paris (chargé de la sécurité de la capitale) Didier Lallement le 20 juillet prochain résonne comme une conséquence directe de ce fiasco sportif et politique.

En creux, le rapport du Sénat confirme que les abords du stade n'étaient pas suffisamment sécurisés, et que les menaces exercées par des bandes locales sur les supporters n'ont pas été prises en compte: «Les responsables publics ont été presque exclusivement attachés à gérer sous l’angle du maintien de l’ordre les supporters anglais sans billet, qui ont une habitude connue de venir soutenir leur équipe pour profiter de l’ambiance du match à l’extérieur du stade. Les organisateurs se sont ainsi privés des moyens sociaux qui permettent d’acheminer les flux de spectateurs au stade ou de les divertir aux alentours du stade ou à des endroits sécurisés en ville.»

Pas de prise en compte des spectateurs

La conclusion est encore plus sévère au regard des impératifs pour les JO à venir, édictés par le Comité international olympique basé à Lausanne: «Tout ceci laisse à penser que l’expérience spectateur n’a pas été prise en compte par les organisateurs de l’évènement.» Grave. Les pouvoirs publics français ont, purement et simplement, considéré les supporters comme des adversaires à surveiller (d'où l'utilisation contre eux de gaz lacrymogènes), et non comme des visiteurs à accompagner et à protéger.

Carton jaune à l'UEFA

Le message adressé à l'UEFA est toutefois tout aussi sévère. L'organisation basée en Suisse, responsable de la compétition, a manqué à ses devoirs, selon le Sénat Français. «La gestion de la billetterie par l’UEFA a été inadaptée, affirme le rapport. Certes, l’émission de billets sous format papier ne constituait pas en elle-même une situation exceptionnelle et cette possibilité était conforme à la réglementation. Ceci étant dit, il était connu que le recours à ce type de billets aurait pour conséquence une multiplication des faux billets, or l’UEFA ne semble pas avoir mis en place de dispositif particulier pour identifier l’ampleur de ce problème en amont alors que le nombre de faux billets a été dix fois supérieur aux moyennes observées habituellement (ndlr: 2471 faux billets scannés dont 1644 dans le secteur sud dédié aux supporters de Liverpool, selon la FFF).»

Pas question de dédouaner le monde du football de ses responsabilités: «(…) Il importe de rendre obligatoire le recours à des billets infalsifiables avec des dispositifs de contrôle fiables et de prévoir systématiquement un service de règlement des litiges de billetterie ainsi qu’un dispositif d’aide pour les personnes ne pouvant recourir à ce type de billet», jugent les parlementaires.

Le CIO doit lire ce rapport

Le Comité international olympique ne manquera pas de compulser ce document, même si la nature des JO, moins susceptibles d'attirer des légions de fans, peut rendre plus optimiste. «La solution réside dans la meilleure gestion des foules de spectateurs des grands événements sportifs en amont par la gestion des flux notamment par le moyen du recours à la vidéo intelligente et le positionnement d’unités de police équestres, voire de canons à eaux dont le caractère dissuasif est avéré», continuent les sénateurs. Lesquels exigent à l'avenir la conservation des images vidéos pendant au moins un mois, pour éviter leur destruction au bout de sept jours comme cela fut le cas pour la finale du 28 mai.

Verdict ans appel: «Nous ne partageons pas l’avis selon lequel les enjeux seraient différents compte tenu en particulier de la nature des épreuves et du public attendu. Les auditions ont mis en évidence le fait qu’il n’y avait pas de hooligans parmi les spectateurs et que les troubles ont été la conséquence de dysfonctionnements multiples aggravés par la présence d’un très grand nombre de délinquants. Ces différentes circonstances peuvent tout à fait se reproduire et il est donc indispensable de s’y préparer.» Autant dire que toute nouvelle impréparation, en 2024, serait impardonnable.

Pour lire l'intégralité du rapport, cliquez ici

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