Cachés au sein des diplomates
La Suisse, nouvelle plaque tournante des espions du Kremlin en Europe?

Des activités d'espionnage menées par les services secrets du Kremlin sont soupçonnées d'avoir lieu dans plusieurs pays européens. La Suisse est même considérée comme un hotspot: de nombreux diplomates seraient en fait des collaborateurs des services de renseignement.
Publié: 29.03.2022 à 20:21 heures
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Dernière mise à jour: 29.03.2022 à 21:13 heures
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Plusieurs pays européens expulsent des diplomates russes en raison d'indices d'activités d'espionnage.
Photo: AFP
Sven Ziegler

Après l’éclatement de la guerre en Ukraine, l’alerte a été donnée dans les centrales européennes de renseignement. Dans de nombreux pays, des indices laissent penser que des espions russes y seraient présents. Ces derniers se seraient infiltrés dans les États concernés en tant que diplomates officiels et tenteraient ensuite d’obtenir des informations.

La Suisse aussi serait infiltrée par les services secrets russes. Contacté par Blick, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) ne donne pas de réponses précises. On constate toutefois «des activités d’espionnage russe agressives et continues» en Suisse.

Agissements «sous couverture diplomatique»

Selon le SRC, la plupart des services de renseignement russes agiraient «sous couverture diplomatique». Environ «un tiers» des diplomates russes accrédités en Suisse sont soit des membres identifiés des services de renseignement russes, soit soupçonnés de travailler pour les services secrets sous couverture diplomatique, constate le SRC. Le service de renseignement ne précise pas le nombre de personnes concernées.

Toutefois, le SRC indique que sa lutte contre l'espionnage russe est régulièrement fructueuse. Ainsi, en 2016 et 2017, des traces d’une unité de renseignement ont été découvertes. Celle-ci a ensuite été arrêtée aux Pays-Bas. «Il est très probable que l’équipe aurait ensuite agi contre la Suisse; la coopération internationale a probablement permis d’éviter une cyberattaque contre le laboratoire de Spiez».

Par ailleurs, la Russie aurait régulièrement mené des attaques contre des organisations sportives basées en Suisse. Il y a quelques années, l’Agence mondiale antidopage (Wada) s’est par exemple retrouvée dans le viseur des renseignements russes suite aux enquêtes sur le programme de dopage dans le pays.

De nombreuses activités passent inaperçues

D’autres pays européens ont également découvert des espions russes dans leurs rangs diplomatiques. En Slovaquie par exemple, trois espions russes présumés ont été expulsés du pays en mars, rapporte le «Financial Times». Ceux-ci agissaient sous couverture diplomatique.

C’est le cas de l’attaché militaire russe Sergei Solomasow qui confiait des missions à des espions et dont le réseau s’étendait jusqu’aux services secrets slovaques. Il n’a été démasqué que parce que des agents slovaques ont filmé l’une de ses rencontres.

Dans le cadre de la guerre en Ukraine, quatre États baltes ont jusqu’à présent fait savoir qu’ils avaient prononcé des expulsions à l’encontre de 25 agents russes présumés. La Pologne a même expulsé 45 diplomates russes affirmant qu'il s'agissait d'«agents infiltrés».

De nombreuses activités passent toutefois inaperçues. Certes, on découvre régulièrement des taupes. Mais il ne s’agit là que de la «pointe émergée de l’iceberg», déclare l’expert russe Keir Giles du groupe de réflexion Chatham House au «Financial Times».

La Russie développe ses activités de renseignement à une telle vitesse qu’il est «difficile de suivre» avec des contre-mesures, déclare un militaire de haut rang au média britannique.

La bureaucratie ralentissent la lutte contre l’espionnage

En Allemagne, en France et en Belgique, par exemple, «des dizaines d’agents russes» sont actifs. L’Autriche est également «minée» par les activités d’espionnage du Kremlin. Un diplomate non identifié affirme que le ministère autrichien de la Défense est en fait «une antenne des services de renseignement russes».

La plupart des États s’appuient sur les informations fournies par la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les ressources au sein même des pays ne suffisent souvent pas pour découvrir entièrement les activités d’espionnage russes.

Il faudrait une action «unie et puissante» de tous les États européens pour lutter efficacement contre l’espionnage des Russes, déclare l’analyste russe Gustav Gressel au «Financial Times». Mais «la bureaucratie des pays européens n'est pas préparée à cela».

En Suisse, les activités d’espionnage russes restent «un point de mire principal» du SRC, font savoir les autorités. «La guerre en Ukraine a confirmé le bien-fondé de cette priorité.»

(Adaptation par Quentin Durig)

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