Une carte postale géante est plantée, depuis ce week-end, devant le 10 Downing Street, adresse des bureaux et de la résidence du premier ministre britannique. Impossible, donc, pour Boris Johnson, de ne pas savoir qu’une partie du pays se réjouit de son départ programmé, ce début de semaine.
Dès que le nom du nouveau patron du parti conservateur sera connu ce lundi, après la proclamation des résultats du vote des militants «tories» qui s’est achevé vendredi 2 septembre, «Bojo» connaîtra son successeur. La grande favorite? Sa ministre des Affaires étrangères Liz Truss. Laquelle, contrairement à son adversaire Rishi Sunak, ex-ministre des finances, n’a toujours pas démissionné du gouvernement.
Le mépris et la colère
Sur cette carte postale, et sur les panneaux remplis de graffitis et de signatures posés à proximité, Boris Johnson, 58 ans, peut lire tout le mépris et la colère qu’il suscite chez de nombreux Britanniques, conservateurs et travaillistes.
Toutes les phrases renvoient le chef du gouvernement à sa réputation de «bouffon» et à ses frasques durant la pandémie de Covid 19. Excentrique, toujours les cheveux en pétard, costume froissé et verbe haut, Boris Johnson est arrivé au pouvoir le 24 juillet 2019 sur les ruines du Brexit qu’il a soutenu, après avoir un temps hésité sur le divorce du Royaume-Uni avec l’Union européenne.
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L’ancien journaliste, ex-correspondant à Bruxelles du Daily Telegraph, réputé pour tordre la vérité des faits quand ça l’arrangeait, avait «tué» politiquement Theresa May. L'ancienne cheffe du gouvernement conservateur était arrivée au 10 Downing Street après le référendum du 23 juin 2016 et le départ de son prédécesseur David Cameron. Trois ans après, «Bojo» a échoué. L’ancien maire de Londres (2008-2015) a été poussé vers la sortie, discrédité, par le «party gate», ces révélations sur des soirées tenues durant le confinement strict en vigueur lors de la pandémie.
Pas question d’oublier le pouvoir
Et pourtant: pas question d’abandonner pour de bon la quête du pouvoir. Pur produit de l’élite britannique mais très doué pour parler au peuple et notamment aux «brexiters» qu’il a cajolé, Boris Johnson garde une base politique solide auprès de tous les Britanniques qui rêvent de «dégagisme» et fustigent l’Union européenne.
Il a aussi gagné la sympathie de l’électorat de droite en remettant en cause le protocole nord-irlandais de l’accord du Brexit (soutenu par Liz Truss), qui prévoit de transformer en frontière la mer d'Irlande. Sa combativité en Ukraine, où il s’est rendu deux fois pour soutenir le président Zelensky, a réveillé en lui l’image d’un «Churchill», le lion britannique de la seconde guerre mondiale sur lequel il a écrit un livre. Beaucoup plus important: «Bojo» est malin, très malin. Il est aussi cynique, très cynique. Il n’a aucune pitié. Si Liz Truss, programmée pour le remplacer, fait le moindre écart, il sera à l’affût.
Boris Johnson à l’affût… comme Donald Trump
Demain, Boris Johnson de retour à la manière d’un Donald Trump qui rêve de reconquérir la Maison-Blanche aux Etats-Unis? Pas impossible. «Le Premier ministre britannique pourrait préparer un retour en force» affirmait la semaine dernière la chaîne américaine CNN. Explication selon CNN: comme Trump, avec lequel il a lié sympathie, l’ex premier ministre «père de sept enfants, au style de vie dispendieux mais sans propension au travail acharné, va sans doute profiter d’une carrière médiatique rentable qui lui donnera beaucoup de temps libre sans trop de surveillance».
Car «Bojo» reste adoré des médias, même par ceux qui le haïssent politiquement. Il sait faire le buzz. Il capte la lumière. «Les amis et collègues de Johnson ne croient pas qu’il a tourné la page de la politique de premier plan poursuit CNN. Il ne laissera pas passer l’occasion de réintégrer Downing Street, si l’occasion se présentait».
Rishi Sunak, l’image du «traître»
Le bouffon va-t-il, dans un premier temps, soutenir celle qui rêve de réincarner Margaret Thatcher? Liz Truss, donnée favorite, a en tout cas deux avantages à ses yeux sur Rishi Sunak, le richissime ex-ministre des finances. Première qualité: elle ne l’a pas trahi. Johnson la juge fidèle, donc défendable, et sa réputation justifiée de macho impénitent lui interdira de s’en prendre à une femme.
Seconde qualité pour l’ex locataire du 10 Downing Street: Liz Truss n’est pas hautaine. Elle n’a pas ce «style Macron» que les adversaires de Sunak reprochent à ce technocrate d’origine indienne, souvent comparé au président français.
Ironie du sort: ce dernier a toujours été, lui, favorable au Brexit. Son adversaire avait pour sa part voté «Non» au divorce avec l’UE en 2016. Mais depuis lors, tout a changé. La tornade Boris Johnson est passée par là. Et Liz Truss compte bien surfer sur la vague, avec le risque de trébucher vite dans un pays confronté à une crise sociale sans précédent en raison de l’inflation galopante et de la crise de l’énergie.