Battue à coup de tuyaux
La journaliste agressée en Tchétchénie détaille son calvaire

La Russie enquête sur la violente agression de la journaliste Elena Milachina, sévèrement battue alors qu'elle se rendait au tribunal ce mardi à Grozny, en Tchétchénie. Selon ses proches, son état de santé est préoccupant.
Publié: 06.07.2023 à 09:09 heures
|
Dernière mise à jour: 06.07.2023 à 09:38 heures
1/5
Plusieurs agresseurs ont sévèrement battu la journaliste d'investigation Elena Milachina, à coups de tuyaux en plastique.
Photo: keystone-sda.ch

Sa tête chauve, ses doigts cassés et son corps recouvert d'hématomes après un passage tabac à coups de pied, de poing et de matraque trahissent la violence de l'agression: la journaliste d'investigation Elena Milachina a été sévèrement amochée mardi par des agresseurs en Tchétchénie, et arrosée d'antiseptique vert.

Entre-temps, elle a été hospitalisée à Moscou. «Son état est franchement préoccupant», a déclaré mercredi à l'AFP Dmitri Mouratov, le rédacteur en chef de «Novaïa Gazeta» pour lequel travaille la journaliste. Cette dernière a raconté que dix à quinze agresseurs l'avaient battue avec des tuyaux en plastique.

«Cela a fait très mal»

Elena Milachina évoque depuis des années les violations des droits de l'homme en Tchétchénie. La journaliste a déclaré que les tuyaux utilisés par les assaillants étaient fréquemment employés par les autorités pour maltraiter les détenus en Tchétchénie. «Ça a fait très mal», a-t-elle confié.

Lorsqu'elle a été attaquée mardi matin, elle était en compagnie de l'avocat Alexander Nemov, qui, lui, a été blessé par un coup de couteau. Elena Milachina a émis l'hypothèse que l'attaque avait un lien avec son travail avec l'avocat. Elle aurait en effet entendu les agresseurs dire à l'avocat qu'il défendait «trop de gens».

Une arme sur la tête

Selon le rédacteur en chef Dmitri Mouratov, les agresseurs ont frappé Elena Milachina, lui ont brisé les doigts et ont exigé qu'elle donne son smartphone. L'organisation russe de défense des droits de l'homme Memorial avait annoncé mardi qu'en plus des doigts cassés, Elena Milachina souffrait de contusions «sur tout le corps» et perdait parfois connaissance. Selon l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, les agresseurs ont rasé les cheveux d'Elena Milachina et l'ont aspergée d'antiseptique vert.

Avant d'être transférée à Moscou, Elena Milachina a d'abord été soignée dans un hôpital de Grozny, la capitale tchétchène, puis en Ossétie du Nord voisine. Dans une vidéo tournée à l'hôpital, Elena Milaschina a décrit l'incident: «Ils ont jeté le chauffeur de taxi dehors, ont sauté dans la voiture, ont appuyé sur nos têtes, m'ont attaché les mains (...) et nous ont mis une arme sur la tête.»

Ramzan Kadyrov les avait déjà menacés auparavant

Les enquêteurs russes ont ouvert une procédure pénale. Une enquête est en cours pour blessures légères et moyennes, ont-ils annoncé sur Telegram.

Elena Milachina avait déjà été menacée de mort en 2020 par le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov après avoir publié un article critiquant le traitement brutal de la population lors de la pandémie de Corona.

Ramzan Kadyrov a assuré mardi qu'il avait chargé les services compétents de «tout mettre en œuvre pour identifier les agresseurs». Le ministre tchétchène de l'Information, Akhmed Doudaev, a attribué la responsabilité de l'attaque aux «services secrets occidentaux», sans fournir de preuves. Dans le même temps, il a accusé Elena Milachina d'avoir «insulté les services de sécurité tchétchènes pendant des années».

Elle était venue couvrir un procès

La journaliste d'investigation de «Novaïa Gazeta» a couvert pendant des années les graves violations des droits de l'homme en Tchétchénie, notamment des exécutions extrajudiciaires. En février 2022, selon les informations de son journal, elle avait reçu des menaces de Ramzan Kadyrov, qui la qualifiait de «terroriste».

Mardi, la journaliste couvrir l'issue d'un procès retentissant contre Zarema Moussaeva, mariée à un opposant à Ramzan Kadyrov et mère de trois opposants aujourd'hui exilés.

Au sein de la «Novaïa Gazeta», dont le rédacteur en chef Dmitri Mouratov a reçu le prix Nobel de la paix en 2021, six journalistes et collaborateurs ont été tués depuis 2000, dont la reporter d'investigation Anna Politkovskaïa.

(Avec AFP)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la