L'attaque mortelle sur Bourbon Street dans la ville américaine de la Nouvelle-Orléans le jour du Nouvel An a choqué le monde entier. Le vétéran de l'armée américaine Shamsud-Din Jabbar a foncé dans une foule de fêtards au volant d'un camion pick-up de location, entraînant la mort de 14 personnes et en blessant 35 autres. Selon les autorités américaines, le conducteur était un sympathisant de l'Etat islamique (EI). A première vue, l'attaque semble être un événement isolé. Mais les experts avertissent que l'EI a peut-être inauguré une nouvelle phase de la terreur efficace et insaisissable.
L'attentat de la Nouvelle-Orléans n'est pas le premier signe que l'EI emprunte de nouvelles voies. Bruce Hoffmann, expert en terrorisme au «Council on Foreign Affairs», remarque dans «The Economist» que 2024 était «l'année de la résurrection» de l'organisation. En effet, le nombre d'attentats djihadistes en Occident n'a cessé de diminuer depuis 2016, l'EI était visiblement affaibli. Mais l'année dernière, le nombre d'attentats à motivation djihadiste a de nouveau augmenté aux Etats-Unis et en Europe. Qu'est-ce qui se cache derrière ce regain d'activité?
L'activité djihadiste quadruplée l'année dernière
Et en Europe aussi, les djihadistes sont redevenus nettement plus actifs depuis octobre 2023, date du début de la guerre à Gaza. Le grand attentat contre une salle de concert à Moscou, qui était l'œuvre de la branche afghane de l'EI, est resté particulièrement en mémoire. Pourquoi l'EI se renforce-t-il justement maintenant? L'organisation aime l'instabilité et peut habilement exploiter les crises mondiales à ses fins. Les nombreux foyers de conflit dans le monde, notamment le conflit au Proche-Orient, offrent au groupe une base idéologique parfaite.
A cela s'ajoute une nouvelle tactique de recrutement et d'exécution des attentats, explique à Blick le spécialiste français du terrorisme Olivier Roy. Qu'est-ce qui distingue donc cette attaque aux Etats-Unis des opérations antérieures de l'EI, souvent de grande envergure? C'est le recrutement ciblé d'auteurs individuels. La radicalisation se fait aujourd'hui de plus en plus en silence par le biais des réseaux sociaux et d'une propagande sur mesure. «Cette nouvelle stratégie ne vise pas la victoire militaire, mais l'impact psychologique.» Les attentats complexes et voyants sont aujourd'hui moins un objectif stratégique qu'une méthode pour attirer l'attention et susciter la peur.
Car comme l'explique Olivier Roy, «nous avons affaire à une mise en scène de la grandeur d'antan». L'EI n'est plus que l'ombre de l'organisation qui, il y a près d'une décennie, a déclenché la terrible vague d'attentats en Europe, tuant des centaines de personnes. Elle ne dispose plus de la base ou des membres qu'elle avait à l'époque, et ses idées ne séduisent plus qu'une infime minorité. Elle a néanmoins survécu, ce qui constitue le défi le plus important et souvent le plus difficile à relever pour un tel groupe.
Que peut-on faire contre cela?
Les auteurs d'actes isolés comme celui de la Nouvelle-Orléans sont donc désormais au centre de cette nouvelle stratégie. Ils agissent de manière apparemment indépendante, mais sont inspirés par la propagande. «Tout indique qu'il s'agit d'un acte dit inspiré», a déclaré Hans-Jakob Schindler, expert en terrorisme, au «Frankfurter Rundschau». L'attaque de la Nouvelle-Orléans en est un exemple parfait: un auteur unique devient le visage d'une idéologie globale qui effraie les gens et déstabilise les sociétés. Et tout cela de manière rentable, décentralisée et difficilement prévisible. L'objectif: rendre la menace invisible jusqu'à ce qu'elle frappe. Un avantage imbattable pour l'EI et un cauchemar pour les services de sécurité.
L'expert Olivier Roy explique qu'il n'est guère possible de prendre d'autres mesures contre ce type de terrorisme. «On ne peut pas faire beaucoup plus que ce qui est déjà fait: échange international de renseignements et surveillance des voyageurs et de l'Internet.»