L'Irak a ordonné jeudi l'expulsion de l'ambassadrice suédoise à Bagdad en réaction à la profanation d'un exemplaire du Coran à Stockholm. L'initiative a aussi entraîné un assaut contre l'ambassade suédoise à Bagdad, incendiée par des manifestants.
Alors même que se déroulait le mini-rassemblement dans la capitale suédoise où le livre sacré de l'islam a été piétiné, mais pas brûlé comme prévu, le gouvernement irakien a ordonné l'expulsion de l'ambassadrice du pays scandinave à Bagdad, et rappelé son propre représentant.
Drapeaux suédois brûlés
Les autorités irakiennes ont aussi annoncé suspendre la licence du géant suédois de l'équipement télécoms Ericsson dans le pays. Jeudi soir, quelque 200 manifestants ont dénoncé à Bagdad la profanation du Coran. «Oui, oui, au Coran», ont-ils scandé, brandissant notamment le livre sacré de l'islam ainsi que des drapeaux irakiens.
Certains ont brûlé des drapeaux suédois, selon un photographe de l'AFP. «C'est une agression contre deux milliards de musulmans», s'est emporté Amjad al-Maliki, un fonctionnaire de 46 ans.
L'ambassade suédoise prise d'assaut
Après l'annonce mercredi de la police suédoise qu'elle autoriserait le mini-rassemblement où devait être brûlé un exemplaire du Coran, des partisans du leader religieux chiite Moqtada Sadr ont pris d'assaut à l'aube l'ambassade de Suède à Bagdad et l'ont incendiée avant d'être dispersés par la police avec des canons à eau.
Le ministère suédois des Affaires étrangères, qui a assuré que le personnel diplomatique était «en sécurité», a dénoncé une attaque «inacceptable». Il a ensuite convoqué le chargé d'affaires irakien à Stockholm.
La France et les Etats-Unis ont «condamné» l'attaque de l'ambassade, Washington jugeant «inacceptable que les forces de sécurité irakiennes n'aient pas agi pour empêcher les manifestants» d'y pénétrer. La Turquie, qui a longtemps bloqué l'adhésion de la Suède à l'Otan, a condamné la profanation «ignoble» et exhorté Stockholm à «prendre des mesures dissuasives» pour éviter tout nouvel acte similaire.
Le monde musulman prend la défense de l'Irak
Dénonçant de son côté la profanation du Coran, l'Organisation de coopération islamique (OCI) a elle parlé d'un «nouvel acte provocateur». Son secrétaire général, Hissein Brahim Taha, a exhorté Stockholm à «cesser de délivrer des autorisations (de rassemblements, NDLR) à des groupes et individus extrémistes», selon un communiqué.
Le chef du Hezbollah pro-iranien, Hassan Nasrallah, a réclamé de son côté l'expulsion de l'ambassadrice suédoise au Liban et a appelé à manifester. Durant l'incident de l'aube à Bagdad, certains manifestants ont été pourchassés avec des matraques électriques pendant que d'autres répliquaient avec des jets de pierres, selon un photographe de l'AFP.
Après plusieurs heures de tensions entre manifestants et forces anti-émeutes devant le bâtiment de l'ambassade suédoise, où l'ampleur des dégâts n'est pas encore connue, le calme a été rétabli. Environ 20 personnes ont été arrêtées, selon une source sécuritaire.
S'en prendre au Coran, le geste d'un réfugié irakien
Les autorités irakiennes ont décidé de «traduire en justice les auteurs de l'incendie qui ont été interpellés», selon les services du Premier ministre irakien. Quelques heures après les violences à Bagdad, l'organisateur du rassemblement à Stockholm, Salwan Momika, un Irakien de 37 ans réfugié en Suède, a profané un exemplaire du Coran, mais n'est pas allé jusqu'au bout de son projet.
Devant une assistance tenue à distance par des barrières et d'où montaient des cris et autres «Allah akbar!» («Dieu est le plus grand!»), il a piétiné à plusieurs reprises et mis en pièces un exemplaire du livre, sans y mettre le feu comme il l'avait annoncé. «Je n'aime pas le fait de brûler des textes sacrés donc je suis très heureux que cela n'a pas eu lieu aujourd'hui», a réagi auprès de l'AFP Rickard Wall, retraité de 66 ans habitant Stockholm.
«Ce n'est qu'un cirque, ce n'est qu'un spectacle, il veut de la publicité, ce n'est qu'un clown», a-t-il ajouté. La police suédoise avait autorisé le rassemblement au nom de la liberté de réunion, tout en soulignant que cela n'équivalait pas à approuver ce qui s'y produirait.
Fin juin, Salwan Momika avait déjà brûlé quelques pages d'un exemplaire du Coran devant la plus grande mosquée de Stockholm au premier jour de l'Aïd al-Adha, une fête célébrée par les musulmans à travers le monde.
Ce premier incident avait poussé les partisans de Moqtada Sadr à prendre d'assaut l'ambassade de Suède à Bagdad, mais ils en étaient vite ressortis. Le geste de Salwan Momika à Stockholm avait alors provoqué une volée de condamnations internationales.
Ce type d'actions a déjà eu lieu en Suède ou dans d'autres pays d'Europe, parfois à l'initiative de mouvements d'extrême droite. En janvier, l'extrémiste de droite suédo-danois Rasmus Paludan s'était plié à l'exercice à proximité de l'ambassade de Turquie.
(ATS)