Le chancelier allemand Olaf Scholz, en mauvaise posture dans les sondages, a multiplié les attaques sur la politique migratoire et l'économie contre son rival conservateur favori des législatives lors de leur premier duel télévisé dimanche. Olaf Scholz a reproché au leader de l'opposition d'avoir "trahi sa parole" en présentant au parlement des textes soutenus par l'extrême droite.
Il a estimé que la manoeuvre de Friedrich Merz avait «brisé un tabou» dans la politique allemande et qu'il avait en conséquence «perdu confiance» dans les engagements de son adversaire. Après que les conservateurs ont fait adopter fin janvier une motion sur la politique migratoire avec le soutien du parti d'extrême droite AfD, «personne ne peut dire de quoi l'avenir sera fait lorsque les choses redeviendront difficiles», a lancé Olaf Scholz à son adversaire.
Friedrich Merz a lui de nouveau rejeté toute idée d'alliance avec l'AfD, créditée de la deuxième place aux législatives du 23 février derrière les conservateurs et devant le parti social-démocrate (SPD) du chancelier. Une telle collaboration «n'aura pas lieu», a martelé Friedrich Merz car «il n'y a pas de terrain d'entente» possible entre sa formation et l'AfD que tout «sépare» sur des questions de fond comme «l'Europe, l'Otan, l'euro, la Russie, l'Amérique».
Un agressivité suprenante
Le camp conservateur CDU/CSU a provoqué une onde de choc politique en s'appuyant sur l'AfD pour faire adopter le 29 janvier au Bundestag une motion non contraignante visant à bloquer tous les étrangers sans papiers à la frontière, y compris les demandeurs d'asile. Deux jours plus tard, il a échoué de peu à faire passer un texte de loi sur l'immigration avec les voix de l'AfD.
Cette charge contre l'immigration illégale est intervenue après une série d'agressions meurtrières commises par des étrangers, qui ont suscité une forte émotion dans l'opinion. Mais l'amorce de rapprochement entre la droite et l'extrême droite, inédite au niveau national, a fait descendre dans les rues des centaines de milliers d'Allemands s'y opposant, comme à Munich samedi ou Berlin il y a une semaine.
La politique migratoire a occupé une place importante dans le duel télévisé entre les deux rivaux. «Les rôles étaient inversés», a commenté l'hebdomadaire Der Spiegel: le chancelier, dont la communication est souvent jugée trop terne, a agi «avec une agressivité qu'on lui connaît rarement». Friedrich Merz, régulièrement décrit comme rhétoricien impulsif voire cassant, «a joué les hommes d'Etat».
Passe d'armes sur l'immigration
«Comment peut-on être aussi stupide?» s'est emporté Olaf Scholz sortant à propos de certaines des propositions de son adversaire sur les questions d'asile. Il lui a reproché de risquer «une crise européenne» en prônant une fermeture des frontières allemandes. Il a énuméré les mesures depuis fin 2021 par son gouvernement de coalition pour contrôler l'immigration clandestine, mais Friedrich Merz l'a accusé de «vivre dans un autre monde», un «conte de fées».
Friedrich Merz, dont le parti est crédité de 30% dans les sondages, parie que ses propositions radicales sur l'immigration séduiront le nombre croissant d'électeurs tentés de voter pour l'extrême droite donnée entre 20 et 22%, devant les sociaux-démocrates (16 à 17%). La crise industrielle dans laquelle est plongée l'Allemagne, qui vient d'enchaîner deux années de récession, pèse particulièrement lourd dans le bilan du chancelier sortant.
Le projet de Trump à Gaza unanimement critiqué
Olaf Scholz a invoqué la hausse des coûts de l'énergie provoqués par l'invasion russe de l'Ukraine. A son adversaire qui lui reprochait d'avoir «désindustrialisé» le pays, il a rétorqué : «ce n'est pas moi qui ait envahi l'Ukraine». Le ton a été plus consensuel sur les sujets de politique étrangère. Olaf Scholz qualifié de «scandale» le projet de Donald Trump de prendre le contrôle de Gaza et de déplacer la population du territoire palestinien.
A l'instar d'autres observateurs, Carsten Brzeski, de la banque ING, a jugé que le débat de 90 minutes s'est terminé par un "match nul" et «n'a probablement pas fait bouger l'aiguille de la campagne électorale de manière significative». Malgré les piques entre les deux candidats, «la porte reste ouverte à une autre grande coalition (entre CDU et SPD, ndlr) après les élections, même si les négociations risquent d'être compliquées».