Accusés d'être des mercenaires
Trois combattants étrangers condamnés à mort par les séparatistes prorusses

Les autorités séparatistes prorusses ont annoncé jeudi la condamnation à mort de deux Britanniques et un Marocain ayant combattu aux côtés des Ukrainiens, sur fond de bataille de plus en plus sanglante pour la ville-clé de Severodonetsk, dans l'est de l'Ukraine.
Publié: 10.06.2022 à 09:07 heures
Les deux Britanniques et le Marocain ont été condamnés à mort par la Cour suprême des séparatistes prorusses.
Photo: DUKAS

«La Cour suprême de la République populaire de Donetsk a condamné à mort les Britanniques Aiden Aslin et Shaun Pinner et le Marocain Brahim Saadoun, accusés d'avoir participé aux combats comme mercenaires», a annoncé l'agence de presse officielle russe TASS.

Même si les trois hommes - faits prisonniers dans la région de Marioupol, selon les Russes - vont faire appel, selon TASS, le Royaume-Uni s'est dit «gravement préoccupé» par cette annonce.

«Nous sommes évidemment gravement préoccupés. Nous répétons que les prisonniers de guerre ne devraient pas être exploités pour des raisons politiques», a affirmé un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson.

Quatre volontaires étrangers tués

Quatre militaires volontaires étrangers dont un Français ont été tués en combattant l'invasion russe en Ukraine, selon la Légion internationale pour la défense de l'Ukraine (LIDU), organisme officiel des combattants volontaires étrangers.

La Russie, qui dénonce fréquemment la présence de ces mercenaires, a elle affirmé cette semaine avoir tué «des centaines» de combattants étrangers depuis le début de son invasion le 24 février, et endigué le flux de nouveaux arrivants.

Le nombre exact de ces étrangers n'est pas connu. Début mars, peu après le début de l'invasion russe le 24 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait affirmé que 16'000 étrangers s'étaient portés volontaires, un chiffre invérifiable de source indépendante.

Le sort du Donbass

Cette annonce survient alors que les Russes et les séparatistes peinent à prendre le contrôle total de la ville de Severodonetsk, pilonnée depuis plusieurs semaines. «Severodonetsk, Lyssytchansk et d'autres villes du Donbass, que les occupants considèrent maintenant comme leurs cibles, tiennent bon», a déclaré le président Ukrainien dans une allocution jeudi soir.

Prendre cette ville ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville du Donbass, Kramatorsk, et marquerait une étape importante pour conquérir l'intégralité de cette région frontalière de la Russie, en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.

L'Ukraine pourrait toutefois reprendre Severodonetsk «en deux, trois jours», dès qu'elle disposera d'armes d'artillerie occidentales «de longue portée», a assuré jeudi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de Lougansk, l'une des deux régions du Donbass.

Kiev réclame des armes lourdes

Les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux des armes plus puissantes que celles de moindre portée dont ils disposent. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a dit avoir évoqué jeudi avec le président français, Emmanuel Macron, l'aide militaire de la France à l'Ukraine, y compris en «armes lourdes» a précisé le président français, ainsi que la candidature de Kiev à l'entrée dans l'Union européenne.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, d'une portée d'environ 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et par Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.

En attendant ces armes, Kiev déplore chaque jour «jusqu'à 100 soldats» tués et «500 blessés» dans les combats avec l'armée russe, a déclaré jeudi le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov.

La semaine dernière, Severodonetsk semblait sur le point de tomber aux mains de l'armée russe, mais les troupes ukrainiennes ont contre-attaqué, malgré leur infériorité numérique. Les forces russes ont regagné du terrain depuis, et contrôlaient mercredi soir «une majeure partie» de la ville, selon le gouverneur ukrainien.

«Hôpitaux visés»

Lyssytchansk, ville voisine de Severodonetsk, reste entièrement contrôlée par l'armée ukrainienne mais subit elle aussi des bombardements «puissants», a encore déclaré le gouverneur Gaïdaï, accusant les forces russes de viser «délibérément» les hôpitaux et les centres de distribution d'aide humanitaire.

Les Russes bombardent aussi la région de Donetsk, l'autre partie du Donbass, «sur tout le long de la ligne de front», avec notamment des attaques sur Sloviansk et Bakhmout, selon Kiev. «Les Russes ont tués trois civils dans la région de Donetsk, deux à Avdiïvka et un à Novooukraïnka», a indiqué sur Telegram le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko.

Selon un rapport de l'armée ukrainienne publié sur Facebook «les envahisseurs russes ont bombardé plus de 20 localités dans les régions de Donetsk et de Lougansk». Par ailleurs, selon la même source, les forces ukrainiennes ont «repoussé aujourd'hui (jeudi) sept attaques de l'ennemi. Sur deux sites, les combats se poursuivent toujours.»

«Vague de misère», selon l'ONU

Plus de 100 jours après le début l'offensive russe, les conséquences négatives de la guerre continuent de s'aggraver dans le monde, a alerté mercredi le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

«Pour les populations du monde entier, la guerre menace de déclencher une vague sans précédent de faim et de misère, laissant dans son sillage le chaos social et économique», a averti Antonio Guterres. «Il n'y a qu'un seul moyen d'arrêter cette tempête qui se prépare: l'invasion russe de l'Ukraine doit cesser.»

Le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe de la mer Noire, à commencer par le principal port, Odessa, paralyse ses exportations de céréales, notamment de blé, dont elle était avant la guerre en passe de devenir le troisième exportateur mondial.

Des pays africains et moyen-orientaux sont les premiers touchés et craignent de graves crises alimentaires.

Exclusion de la FAO

Le président Volodymyr Zelensky a demandé jeudi l'exclusion de la Russie de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

«Quelle y serait la place de la Russie si elle provoque la famine pour au moins 400 millions de personnes, voire plus d'un milliard?», a-t-il lancé dans un discours en visioconférence lors d'une réunion ministérielle de l'OCDE.

Interrogée, la FAO n'a pas immédiatement réagi à cet appel. Sous l'effet de la guerre, les crises alimentaires se sont aggravées, avec pour conséquence attendue en 2022 une hausse de la facture pour les pays importateurs, due à la flambée des prix des céréales et des engrais, a-t-elle cependant averti dans un rapport publié jeudi.

Alors que Moscou accuse les sanctions occidentales d'avoir déclenché cette crise qui fait flamber les prix alimentaires, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rencontré mercredi son homologue turc, Mevlut Cavusoglu, à Ankara pour discuter de «corridors maritimes sécurisés» qui permettraient de reprendre les transports de céréales en mer Noire.

Aucune proposition concrète n'a cependant été annoncée après leurs discussions.

Inflation galopante

La hausse des prix touche aussi de plein fouet la Russie, où l'inflation avait connu en avril une hausse vertigineuse jusqu'à battre un record de 20 ans. Malgré un recul en mai, elle atteint 17,1% sur un an, selon des données officielles.

L'Institut de la Finance internationale (IFF) prévoit une contraction de l'économie russe de 15% cette année et de 3% supplémentaires en 2023. Pour l'Ukraine, le Produit intérieur brut (PIB) a déjà chuté de 15,1% au premier trimestre 2022 par rapport à la même période l'année dernière, selon des données publiées jeudi par le service ukrainien des statistiques.

La guerre a fait des milliers de morts: au moins 4'200 civils, selon le dernier bilan de l'ONU, qui estime les chiffres réels «considérablement plus élevés», et des milliers de militaires, même si les belligérants communiquent très rarement sur leurs pertes.

Le conflit a conduit quelque 6,5 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays. Près de 5 millions ont été enregistrés comme réfugiés à travers l'Europe depuis le 24 février, a indiqué jeudi le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'ONU.

(ATS)

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