Dans ce dossier emblématique de l'ère #MeToo, Tariq Ramadan, 59 ans, a d'abord nié avoir eu des relations sexuelles extraconjugales avant de reconnaître des «relations de domination», rudes mais «consenties».
L'affaire a provoqué la chute de cette figure charismatique et contestée de l'islam européen. Elle avait été déclenchée fin octobre 2017 par les plaintes d'une ex-salafiste devenue militante laïque, et «Christelle», qui dénonçaient respectivement un viol en 2012 à Paris et en 2009 à Lyon.
Entre février 2018 et octobre 2020, Tariq Ramadan avait été successivement mis en examen pour viols sur ces deux premières plaignantes et trois autres victimes potentielles. Il avait été incarcéré dix mois.
Des éléments à charge
Deux des victimes avaient été identifiées par la police sur des photos et des messages retrouvés dans son ordinateur, tandis que la troisième, une ex-escort girl, l'avait accusé de neuf viols sur la période 2013-2014.
«Malgré les dénégations répétées du mis en examen, l'information judiciaire a permis de réunir de nombreux éléments à charge contre Tariq Ramadan», souligne le Parquet dans ses réquisitions. Il demande donc un procès aux assises pour des viols sur quatre femmes.
Une d'entre elles avait évoqué lors d'une audition en 2019 une relation physique «consentie» mais un «viol moral». Elle avait toutefois écrit fin juin 2021 au Parquet de Paris pour retirer sa plainte.
Le Parquet a confirmé à l'AFP «avoir requis par réquisitoire définitif daté de ce jour, la mise en accusation de l'intéressé devant la cour d'assises du chef de viol à l'égard de trois plaignantes et du chef de viol sur personne vulnérable à l'égard d'une plaignante, 'Christelle'.»
Un dossier fragile
«L'information judiciaire n'a pas permis d'établir la réalité d'un complot tel que dénoncé par Tariq Ramadan mais plutôt une prise de conscience commune ayant permis à certaines d'avoir le courage de dénoncer les faits dont elles ont été victimes», note le Parquet dans ses réquisitions.
C'est «une évidente satisfaction, une grande et essentielle avancée et surtout un soulagement d'être crues par la justice», a réagi Me Eric Morain, avocat de «Christelle» et d'une autre femme, sollicité par l'AFP.
«C'est un coup de poker maladroit du Parquet. Mais personne n'est dupe. Jamais le dossier n'a été aussi fragile», ont réagi Mes Philippe Ohayon, Ouadie Elhamamouchi et Nabila Asmane, trois des avocats de l'islamologue. La décision finale d'un procès revient aux deux juges d'instruction chargées de cette affaire.
(ATS)