À partir de 1971
Total a sciemment minimisé l'urgence climatique

Le groupe pétrolier français Total avait connaissance des conséquences néfastes de ses activités pour le climat dès 1971, selon un article scientifique paru mercredi. Il a ensuite cherché à contrecarrer les efforts pour limiter le recours à ces énergies fossiles.
Publié: 20.10.2021 à 06:53 heures
Total aurait eu connaissance de l'impact négatif de la combustion d'énergies fossiles dès 1971.
Photo: AFP

Christophe Bonneuil, directeur de recherche au CNRS, Pierre-Louis Choquet, sociologue à sciences politiques, et Benjamin Franta, chercheur en histoire à l'université américaine de Stanford, ont étudié les archives du groupe pétrolier, devenu TotalEnergies, ainsi que des revues internes et des interviews, selon cet article paru dans la revue Global Environmental Change.

Une publication dans la revue de Total, en 1971, expliquait que la combustion d'énergies fossiles conduit «à la libération de quantités énormes de gaz carbonique» et à une augmentation de la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère. Une «augmentation [...] assez préoccupante», notait le texte de 1971. Pour autant, le groupe a passé ce sujet sous silence, relèvent les chercheurs.

Campagne contre la science

Au milieu des années 1980, le géant américain Exxon, via l'association environnementale de l'industrie pétrolière (IPIECA), prend la tête d'une campagne internationale des groupes pétroliers pour «contester la science climatique et affaiblir les contrôles sur les énergies fossiles», poursuivent les chercheurs.

Bernard Tramier, directeur de l'environnement chez Elf puis Total de 1983 à 2003, cité dans l'article, raconte avoir été informé de l'importance du réchauffement climatique lors d'une réunion de l'IPIECA en 1984. Deux ans plus tard, il alerte le comité d'exécutif d'Elf, disant: «Il est donc évident que l'industrie pétrolière devra une nouvelle fois se préparer à se défendre».

Parallèlement, Total et Elf ont fait «pression, avec succès, contre les politiques qui visaient à réduire les émissions de gaz à effet de serre», tout en cherchant à se doter d'une crédibilité environnementale à travers des engagements volontaires, avance l'étude de mercredi.

A la fin des années 1990, l'approche change. Les experts du climat de l'ONU, le GIEC, publient leur premier rapport en 1990. Le sommet de la Terre à Rio en 1992 débouche sur l'adoption de la convention-cadre de l'ONU sur les changements climatiques (CCNUCC). Le protocole de Kyoto est adopté en 1997.

«Les entreprises résolvent»

«L'industrie pétrolière française cesse de remettre en cause publiquement les sciences climatiques, mais continue à augmenter ses investissements dans la production pétrolière et gazière», à insister sur «l'incertitude, minimisant l'urgence [climatique] et à détourner l'attention des énergies fossiles comme cause première du réchauffement» climatique mondial, poursuivent les chercheurs.

Vers le milieu des années 2000, nouvelle stratégie. Le groupe Total, qui a absorbé Elf en 1999, accueille une conférence sur le changement climatique en septembre 2006. Son directeur de l'époque, Thierry Desmaret, reconnaît la réalité du changement climatique et les conclusions du GIEC.

Total «commence à promouvoir une division des rôles entre la science et les affaires, où la science décrit le changement climatique et les entreprises prétendent le résoudre», revendiquant ainsi sa légitimité à influer sur les politiques publiques et des entreprises et mettant en avant sa «transition énergétique».

Une étude de 2017 a montré que le groupe pétrolier américain ExxonMobil savait depuis les années 1980 que le changement climatique était réel et causé par des activités humaines. Mais le groupe s'est évertué pendant des années à entretenir le doute sur cette réalité, trompant ainsi ses actionnaires et les citoyens.

(ATS)

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