«J'ai les pieds qui gèlent», arrive-t-elle encore à sourire. Après une nuit bloquée sur la route entre deux poids lourds, sans sommeil, la fatigue se fait sentir. Nina Le Theix est partie jeudi soir en direction de Dijon, vers 18h30, où elle devait suivre trois jours de formation. Un trajet d'environ deux heures et demie depuis Belfort en temps normal.
Mais après seulement quelques kilomètres, juste avant le péage de Colombier-Fontaine, la trentenaire se retrouve bloquée: neige et verglas font que des camions bloquent complètement l'autoroute A36. Une chance pour elle, elle avait fait le plein d'essence et emmené à manger. Son moteur a tourné toute la nuit, lui permettant de rester au chaud, alors qu'une bonne quinzaine de centimètres de neige tombaient dans le secteur de Montbéliard (Doubs).
Mais ce n'est pas le cas de tout le monde: «On a vu une dame avec son mari, dans une voiture électrique, ils n'ont plus de batterie depuis une heure», raconte Frédérique Lopin, 40 ans, elle aussi bloquée sur l'autoroute franc-comtoise. Avec Fabrice Guidet, un ami, elle arrive d'Altkirch (Haut-Rhin) et doit se rendre dans le Loir-et-Cher. «On en a marre, on est fatigué», confie Frédérique Lopin.
«J'avais un besoin de sororité»
Nina et Frédérique se sont rencontrées dans la nuit et ont sympathisé, en allant marcher un peu aux abords de leur voiture. «J'avais un besoin de sororité imminente, au milieu des camions», sourit Nina Le Theix. Elle a distribué quelques compotes à des automobilistes coincés comme elle. «On s'entraide comme on peut», ajoute la Belfortaine, «même si beaucoup ne parlent pas français.»
Pendant la nuit, ils n'ont vu aucun secours ou assistance, même s'ils ont bien entendu sur les ondes que des aides avaient été enclenchées. «Il n'y a rien, personne, pas d'autorité», déplore Frédérique Lopin. «Ce qu'on a sur Autoroute Info, c'est léger», abonde Nina Le Theix.
«On a mis sept heures pour faire Montbéliard-Besançon, c'était dantesque», a témoigné de son côté Jérémy Chevreuil, journaliste de France 3 Franche-Comté, parti à 19h00 de Montbéliard et finalement arrivé vers 02h00 du matin à Besançon, alors que sa voiture était équipée de pneus d'hiver. Pour sortir de l'autoroute, il a dû slalomer entre les camions. Ce trajet d'environ 80 kilomètres s'effectue en temps normal en 01h20. Finalement, la situation s'est débloquée vers 09h40 pour Nina Le Theix, qui a pu prendre une sortie d'autoroute... Pour finalement rebrousser chemin et rentrer chez elle.
2'000 à 2'500 poids lourds
De nombreux autres automobilistes et chauffeurs routiers ont aussi été longtemps bloqués dans la neige: après une amélioration sur certains secteurs, la chute des températures au petit matin a piégé tous les camions s'aventurant sur l'A36. «Environ 2'000 à 2'500 poids lourds» étaient ainsi stockés sur les aires de repos et le long de l'autoroute A36 en milieu de matinée, selon la préfecture du Doubs.
«Sur ces milliers de poids lourds, il y a ceux qui n'ont pas compris, ceux qui n'étaient pas informés et ceux qui ont essayé» de s'engager sur la route, note la directrice de cabinet du préfet, Saadia Tamelikecht. La circulation des poids lourds a été interdite sur l'A36 mais les difficultés de circulation peuvent perdurer, car «les plaques de verglas n'auront pas toutes fondu à 10h», note encore Mme Tamelikecht.
«La situation est devenue délicate, mais nous n'avons à déplorer ni accident, ni naufragé de la route, dit-elle. On n'a pas eu à évacuer ou accueillir des personnes, mais des gens ont passé une partie de la nuit dans leur voiture.»