Il n’était alors pas encore l’ennemi numéro 1 du Pentagone. Entre l’Egypte et le Soudan voisin, où son mentor Oussama Ben Laden avait trouvé refuge au début des années 1990, Ayman Al Zawahiri lorgnait déjà l’Afghanistan, conquis par les Talibans en 1996. Mais pour ce médecin, ophtalmologue de formation, un seul but s’imposait déjà: semer la terreur dans les rangs des pays occidentaux et frapper au cœur tous ceux, dont son propre pays, qui en étaient selon lui les complices. Quelle meilleure cible, pour un pareil fanatique islamiste, que les temples égyptiens de Louxor et leur cohorte de touristes?
17 novembre 1997, date fatale
C’est en effet à Louxor, alors que le sang des 62 personnes tuées dont 36 touristes suisses vient de couler sous la balles d’un commando de tueurs, que le nom d’Ayman Al Zawahiri émerge pour la première fois au sommet de la nébuleuse terroriste islamiste. Dès le lendemain de l’attentat commis le 17 novembre 1997 par six hommes déguisés en membres des forces de sécurité, la CIA publie sa photo et l’accuse d’être le principal commanditaire des «Avants gardes de la conquête», la faction du djihad islamiste égyptien responsable de l’attaque, liée aux très influents Frères musulmans. Les circonstances, maintes fois reconstituées par les diplomates et les policiers suisses dépêchés sur place, préfigurent les massacres de masse et la volonté de perpétrer des tueries symboliques qui frappent l’opinion mondiale.
A l’aube, dans le temple de Hatchepsout
Al Zawahiri n’a pas participé lui-même à la tuerie dans le temple de Hatchepsout, où le commando terroriste pénètre vers 8 heures du matin et commence à tirer dans tous les sens sur les visiteurs à peine débarqués de leur bus. C’est en revanche lui qui, le premier, a théorisé ce type d’attentats destiné à engendrer le chaos en Occident et à diaboliser le tourisme sur les lieux sacrés non islamiques des pays musulmans.
Les Suisses, en cette journée fatale, se répartissent en deux groupes, l’un du tour operator Imholz, l’autre de l’agence Kuoni. Pas moins de 400 personnes, dont de nombreux Occidentaux, sont présents dans le temps au moment de la fusillade: 62 seront tuées, dont plus de la moitié sont des ressortissants helvétiques. Certains durent s’agenouiller avant d’être exécutés au pistolet et à la kalachnikov.
Rapport de la police suisse en mars 2000
Trois ans plus tard, en 2000, le rapport de la police fédérale mentionne, comme principal commanditaire de la tuerie, un certain Mustapha Hamza, accusé d’avoir conçu une tentative d’assassinat du président Moubarak en Ethiopie en 1995. Hamza, un temps incarcéré, ne sera jamais inculpé pour ce massacre. «Je suis reparti d’Egypte avec plus de questions que de réponses», soupire cette année-là Blaise Godet, qui était ambassadeur de Suisse au Caire au moment de l’attentat, cité alors par «Le Temps».
Mais une ombre se profile derrière cette tuerie, celle d’Ayman Al Zawahiri. Son implication dans les attentats de Louxor lui vaudra d’ailleurs d’être condamné à mort par contumace par la justice égyptienne en 1999. Par contumace… car le docteur est déjà loin de son pays natal. L’année précédente, en 1998, il a rejoint celui dont il sera le bras droit jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001 à New York: Oussama Ben Laden.