Lecture angoissante s’il en est, la section «effets secondaires indésirables» des notices d’emballage de nos médicaments décrit tout ce qui peut potentiellement mal se passer au cours du traitement. Parmi les effets courants, on note les maux de tête, les vertiges ou encore les troubles digestifs. Ce que l’on sait moins en revanche, c’est que certaines classes de principes actifs ont été identifiées comme pouvant péjorer notre vie sexuelle.
Contrairement à ce qu'on peut entendre, les médicaments susceptibles de causer de tels effets sont plus ou moins les mêmes quel que soit notre sexe: «On pense souvent que ce sont les hommes qui sont les plus touchés, mais de nombreuses études ont permis d’établir que, bien que peut-être moins facilement observables, ces effets affectent également les femmes», explique le Dr. Lorenzo Soldati, médecin adjoint dans le Service des spécialités psychiatriques et responsable de l’Unité de médecine sexuelle et sexologie des HUG.
Les classes de médicament pouvant impacter la vie sexuelle
Selon le Dr. Soldati, si l’apparition de ces effets secondaires n’est heureusement pas systématique, certaines classes thérapeutiques sont toutefois particulièrement susceptibles d’induire de tels désagréments:
Les médicaments de la sphère cardiovasculaire
Fréquemment prescrits en cas d’hypertension artérielle, les antihypertenseurs, comme les diurétiques thiazidiques (Esidrex, Atacand plus) peuvent occasionner une baisse du désir ou une perturbation de la fonction érectile: «C’est un cas typique où l’on a longtemps avancé que les hommes étaient prioritairement touchés, du fait de la nature plus «visible» du mécanisme de l’érection, alors que les femmes sont aussi concernées et peuvent par exemple rencontrer des difficultés de lubrification», souligne le spécialiste.
La pilule contraceptive
Nous sommes nombreux à avoir déjà reçu les confidences d’une amie pour qui le début de la contraception hormonale a rimé avec dégringolade de la libido. Pourtant, selon le Dr. Soldati, les données en la matière ne sont pas significatives: «L’hypothèse la plus probable est qu’il existe des sous-groupes de femmes chez qui la pilule induirait plus facilement de tels effets, mais ce n’est pas un phénomène généralisable».
En cas de doute, il est conseillé de prendre rendez-vous avec son gynécologue: «Un changement de pilule peut permettre de résoudre le problème», rassure le Dr. Soldati.
Les psychotropes
Autre classe thérapeutique aux effets bien documentés, les psychotropes, et plus particulièrement les antidépresseurs issus de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (Deroxat, Cipralex, Fluctine), peuvent causer une baisse du désir, des troubles érectiles ou encore retarder ou empêcher l’orgasme.
Cependant, le Dr. Soldati insiste sur le fait que, lorsqu’il est question de troubles psychiques, il est souvent difficile de faire la différence entre les symptômes de la maladie elle-même et les effets du traitement: «La perte d’intérêt ou de plaisir faisant partie des principaux symptômes de la dépression, il faut prendre cela en compte pour déterminer lequel, de la maladie ou du traitement, a provoqué ces dysfonctions sexuelles», explique l'expert.
Par ailleurs, notre intervenant insiste sur l’importance de ne surtout pas interrompre son traitement sans en avoir parlé préalablement à son médecin: «Il faut garder en tête qu’au bout de quelques semaines de traitement, les antidépresseurs vont justement permettre de retrouver le goût de vivre, condition sine qua non d’une libido épanouie.»
Moins fréquemment prescrits, certains neuroleptiques, aussi appelés antipsychotiques (Risperdal, Haldol, Zyprexa), peuvent quant à eux occasionner des répercussions sur la vie sexuelle des personnes sous traitement via différents mécanismes d’action.
Que faire si on pense être concerné?
Avant d’évoquer la possibilité d’un changement de traitement, le Dr. Soldati insiste sur l’importance de conduire une évaluation détaillée, afin de distinguer les effets pouvant être attribués au médicament de ceux imputables à la maladie elle-même ou au vécu psychologique de cette dernière. Ensuite, le spécialiste encourage ses patients à prendre leur mal en patience durant quelques jours ou quelques semaines, les effets secondaires étant parfois de nature transitoire.
En cas d’absence d’amélioration, le Dr. Soldati propose généralement de baisser la dose prescrite: «Pour autant que cela soit compatible avec la thérapie, une diminution de la posologie suffit parfois à faire disparaitre ces effets indésirables.»
Autre possibilité évoquée par le médecin: arrêter le traitement et le remplacer par un médicament avec moins d’effets secondaires, pour autant qu’une telle alternative existe. Enfin, si rien de tout cela ne marche, le Dr Soldati évoque la possibilité de prescrire des traitements diminuant les effets secondaires ou améliorants la fonction sexuelle, comme des pro-érectiles ou des lubrifiants.
Et si le problème perdure?
Lorsque les effets persistent malgré un changement de molécule ou une adaptation de la posologie, un accompagnement psychologique de la personne et, cas échéant, de son partenaire, s’avère parfois nécessaire: «Être contraints, même temporairement, de faire une croix sur sa vie sexuelle nécessite un travail d’acceptation. Par ailleurs, le sexe répondant à beaucoup de nos besoins primaires tels qu’aimer et se sentir aimé, quand quelque chose cloche de ce côté-là, ça peut être très blessant pour la personne concernée, mais aussi pour son partenaire», explique celui qui reçoit régulièrement des couples au sein de sa consultation.
Selon le Dr. Soldati, la discussion permet une acceptation plus sereine, mais également de réfléchir à des pratiques sexuelles adaptées à la situation (masturbation du partenaire, utilisation de sextoys). Afin de terminer sur une note plus positive, le Dr. Soldati précise toutefois que ces effets cessent dans l’immense majorité des cas à la fin du traitement.