C’est le mois des rubans roses qui nous serrent le cœur. Le mois des campagnes de sensibilisation qui soulignent des chiffres sinistres: le cancer du sein touche 6500 femmes en Suisse chaque année, soit 1 femme sur 8, d’après la Ligue contre le cancer. S’il reste le plus fréquent pour la population féminine et constitue la première cause de décès par cancer, son taux de survie à 5 ans est estimé à 88%, tous stades confondus: un rayon d’espoir dans une liste de chiffres angoissants.
Parmi les facteurs pouvant augmenter les chances de rémission, une détection précoce est primordiale: «La globalité de toutes les études publiées à ce propos démontre que le dépistage peut réduire la mortalité de 20%, indique le Dr. Alexandre Bodmer, directeur du Centre du sein et responsable de l’Unité d’oncogynécologie des HUG. La qualité du programme de dépistage réside aussi dans l’importance d’avoir une double lecture du résultat, réalisée par deux radiologues.»
Le spécialiste note cependant que les programmes de dépistage suisses sont élaborés au niveau cantonal, créant une certaine inégalité à l'échelle nationale: «En suisse romande nous sommes particulièrement bien dotés, à l’image des programmes coordonnés dans les cantons de Vaud et de Genève, par exemple.»
Le dépistage commence dès 50 ans
L’un des objectifs des campagnes «octobre rose» est justement de rappeler l’importance de la prévention. Celle-ci démarre en force aux alentours de la ménopause, au moyen de mammographies réalisées tous les deux ans: «À Genève, 78% des cancers du sein sont diagnostiqués chez des femmes de plus de 50 ans, contre 22% chez les femmes de moins de 50 ans», poursuit le spécialiste.
Pour cette raison, le programme de dépistage commence généralement dès le cinquantième anniversaire: «la mammographie est d’ailleurs plus précise après la ménopause: le sein est moins dense, moins stimulé par les œstrogènes, ce qui permet une image plus claire et réduit les risques d’erreurs», précise le Dr. Bodmer.
Sur un total de 1000 femmes, la mammographie détectera une anomalie chez 300 d’entre elles: «Ceci doit conduire à des examens complémentaires, souvent source d’anxiété. Une fois ces tests réalisés, 240 de ces 300 femmes découvriront que l’anomalie observée est bénigne. Cela signifie malheureusement que 60 d’entre elles apprendront qu’elles sont touchées par un cancer du sein. Or, si celui-ci est détecté de manière suffisamment précoce, la probabilité de pouvoir en être guérie reste très élevée.»
Avant 50 ans, restez vigilantes
Qu’en est-il des femmes de moins de 50 ans, qui représentent moins d’un quart des diagnostics? «En l’absence d’une histoire familiale évoquant un risque augmenté, le dépistage ne commence pas avant 50 ans, explique le spécialiste. L'examen gynécologique et la palpation médicale annuelle sont toutefois essentiels.» Si une ou plusieurs femmes de votre famille ont été diagnostiquées d'un cancer du sein ou sont porteuses d'une mutation génétique pouvant favoriser le développement de la maladie, il est effectivement conseillé d'en discuter avec votre médecin, afin de réaliser un dépistage.
Par ailleurs, en ce mois d’octobre rose, des tutoriels d’autopalpation foisonnent sur les réseaux sociaux, encourageant les femmes à inspecter elles-mêmes leur poitrine. Si cette technique n’est pas considérée comme un moyen de dépistage, le Dr. Bodmer confirme l’importance de connaître son anatomie, afin de pouvoir remarquer tout changement qui pourrait se présenter: «Il est important de connaitre son corps et si quelque chose se modifie, au toucher ou dans l’apparence du sein, il est important de consulter son médecin», ajoute notre expert.
Le rôle du mode de vie
Diverses études ont suggéré une possible augmentation des cas chez les femmes jeunes: une recherche française publiée fin 2022 a notamment souligné une augmentation de 2,1% par an chez les moins de 40 ans, contre une augmentation de 0,8% par an chez les femmes de tout âge. Cette hausse est-elle due, en partie, à de meilleurs dépistages? Difficile, pour l'heure, de le savoir.
«Malgré des craintes concernant une augmentation des cancers chez les jeunes femmes, le nombre de nouveau cas par année semble rester plutôt stable, note le Dr. Bodmer. Or, il est vrai que face à une augmentation de certains facteurs de risque, comme les grossesses tardives, la surcharge pondérale et la présence de perturbateurs endocriniens comme les plastiques qui nous entourent, il convient de rester très vigilant.»
En plus du dépistage, quelques adaptations au niveau de notre hygiène de vie peuvent contribuer à réduire le risque: le spécialiste cite notamment une activité physique suffisante et régulière, le contrôle de la surcharge pondérale passant par une diminution de la masse grasse, une alimentation équilibrée, une exposition limitée aux perturbateurs endocriniens, une faible consommation d’alcool et l’arrêt de la cigarette. «Ces habitudes ne sont malheureusement pas infaillibles, mais peuvent faire une différence», conclut le Dr. Bodmer.
Plus d'informations sont disponible dans la brochure de prévention d'Unisanté, sur le site de la Fondation genevoise pour le dépistage du cancer du sein, ou encore auprès de la Ligue contre le cancer.