Les jeunes sont de plus en plus dépendants
Clinique TikTok: Quand les réseaux sociaux deviennent une addiction

L'UE a ouvert une procédure contre Tiktok. La raison? Les algorithmes de la plateforme créeraient une forte dépendance. Une nouvelle clinique suisse traite les jeunes adultes qui se sont perdus dans les réseaux sociaux. Et la demande est plus importante que jamais.
Publié: 04.03.2024 à 20:01 heures
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Dernière mise à jour: 05.03.2024 à 09:46 heures
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Tiktok fait partie des applications les plus populaires parmi les jeunes de 12 à 19 ans, selon l'étude JAMES de 2022.
Photo: Getty Images
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Cécile Rey et Thomas Meier

Quand on attrape son téléphone, c'est parce qu'on veut faire une petite pause. Se changer les idées. On ouvre TikTok, avec la ferme conviction qu'on se remettra au travail dans dix minutes. 

Mais le réseau social a plus d'un tour dans son sac. Il sait avec précision ce que les utilisateurs viennent chercher sur cette plateforme. Plus qu'une vidéo, on se dit. Et soudain, une heure, deux heures se sont écoulées – sans même que l'on s'en soit rendu compte.

Une addiction non comportementale

TikTok fait partie des apps les plus populaires chez les 12-19 ans, comme l'a révélé l'étude James de 2022. Mais alors que TikTok reste un simple divertissement inoffensif pour certains, d'autres ont du mal à se défaire de son emprise. Selon une étude HSBC de 2023, environ 7% des jeunes de 11 à 15 ans en Suisse ont une utilisation problématique des réseaux sociaux. Autrement dit, ils ont des difficultés à se déconnecter, allant jusqu'à négliger leur sommeil, les devoirs scolaires et la vie de famille.

Une dépendance aux réseaux sociaux est une dépendance dite comportementale, donc non liée à une substance. La dépendance aux achats ou aux jeux en sont d'autres exemples. Peu d'endroits existent en Suisse pour traiter de telles addictions.

La clinique privée de Meiringen, responsable des soins psychiatriques de base dans l'Oberland bernois, a voulu combler cette lacune. Elle a décidé d'ouvrir un nouveau site à Thoune dédié à ces troubles. Depuis le début de l'année, les personnes âgées de 18 à 25 ans concernées peuvent trouver du soutien dans le centre psychiatrique pour jeunes adultes. Stephan Kupferschmid, médecin-chef et directeur du centre, explique ce projet: «Nous nous concentrons délibérément sur cette tranche d'âge. On reçoit aussi des demandes de jeunes de 16 ans, mais actuellement, le mandat de prestations s'adresse aux 18-25 ans.»

La clinique est déjà complète

Les chambres individuelles disponibles sont déjà toutes occupées. D'ici fin avril, 30 places en thérapie sont prévues au total. Chaque chambre dispose d'une salle de bain privée, d'un grand lit et d'un bureau. La salle à manger est baignée de lumière, des plantes sont suspendues au plafond. On remarque tout de suite la grande télévision dans le coin arrière de la pièce. Les médias ne sont-ils pas censés être strictement interdits, ici?

Stephan Kupferschmid s'amuse de cette question et secoue la tête. Il ne croit pas aux interdictions de consommation médiatique. L'objectif est de trouver une solution avec les personnes concernées. La clinique mise sur la thérapie comportementale dialectique. Des thérapies individuelles ont lieu deux fois par semaine en plus des thérapies de groupe, à raison de trois à quatre séances hebdomadaires. Le sport, la peinture et la pleine conscience font également partie de l'emploi du temps. Les jeunes doivent apprendre à organiser leur quotidien de manière autonome et à trouver des alternatives à la consommation des réseaux sociaux.

Quatre semaines seulement après son ouverture, la clinique était déjà complète. Le délai d'attente s'élève actuellement à plusieurs semaines. Au cours des dix dernières années, le nombre de jeunes cherchant de l'aide a massivement augmenté, explique le médecin-chef. «Nous ne parlons pas ici de 5 ou 6%, mais plutôt de 25%.» Les jeunes profitent notamment d'une prise en charge adaptée à leur âge. Il s'agit de leur proposer des solutions spécifiques à leur situation, poursuit Stephan Kupferschmid: «Un jeune de 20 ans a d'autres besoins qu'une personne de 50 ans qui a déjà vécu plusieurs épisodes pathologiques, par exemple.»

«Tiktok est un aspirateur à attention»

Bien que la prise en charge proposée comprenne un large éventail de traitements psychiatriques et psychothérapeutiques, la clinique prête également une attention particulière à l'utilisation des réseaux sociaux. «Lorsque des jeunes gens sont traités chez nous pour des dépressions ou des troubles anxieux, les réseaux sociaux jouent souvent un rôle important», explique le directeur du centre. Lorsqu'on demande aux jeunes adultes ce qui les stresse le plus, les réseaux sociaux reviennent souvent en tête des réponses.

«Tiktok est un aspirateur à attention, explique le médecin-chef. On les utilise même si ce n'est pas bon pour nous, parce que le sentiment de bien-être à court terme l'emporte sur les conséquences à long terme.» Selon lui, c'est une caractéristique typique de la dépendance.

Lulzana Musliu, responsable politique et médias chez Pro Juventute, voit également un potentiel de dépendance dans l'utilisation non régulée de TikTok. La fondation suisse soutient les enfants, les jeunes et leurs familles dans l'apprentissage des compétences médiatiques ou le conseil en cas de cyberharcèlement notamment. 

Selon Lulzana Musliu, il ne s'agit toutefois pas d'interdire le réseau social addictif, mais d'enseigner une bonne utilisation de ce dernier: «TikTok fait désormais partie du quotidien. Il serait irréaliste de prétendre que les réseaux sociaux vont disparaître.» Néanmoins, il serait bon de rappeler aux géants du domaine qu'ils ont des responsabilités vis-à-vis des utilisateurs de leur application.

Procédure ouverte par l'UE

C'est précisément ce que tente de faire la Commission européenne en ouvrant une procédure contre TikTok. Le dossier a pour objectif de vérifier si le géant en ligne agit suffisamment contre la diffusion de contenus illégaux et s'il enfreint les règles de l'UE en matière de protection des mineurs et de transparence de la publicité notamment.

En Suisse, le Conseil fédéral élaborera d'ici fin avril un projet de consultation sur la réglementation des plateformes de communication. Un tel projet devrait permettre de renforcer les droits de la population suisse et d'exiger davantage de transparence de la part des plateformes. Un système de contrôle de l'âge des jeunes est également prévu.

Stephan Kupferschmid salue le fait que la politique s'active. Selon lui, la plateforme ne fait actuellement pas assez d'efforts pour protéger les jeunes en ce qui concerne les algorithmes qui conduisent rapidement à des contenus extrêmes et potentiellement dangereux. Il se dit aussi favorable à une prévention renforcée: «Cela permettrait de renforcer de manière globale les compétences médiatiques», estime le directeur.

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