Journée mondiale de la contraception
Pilule, vasectomie, anneau… où en est la contraception masculine?

Le 26 septembre marque la Journée mondiale de la contraception. Afin d’élargir les options et d’encourager une prise de conscience plus égalitaire, la recherche se poursuit sur la contraception masculine. Point de situation.
Publié: 26.09.2024 à 16:32 heures
«Ce qui existe et qui est facilement disponible, ce sont le préservatif pénien et la vasectomie», résume Sara Arsever, médecin adjointe responsable de l’unité de santé sexuelle et planning familial aux HUG.
Photo: Shutterstock
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Margaux BaralonJournaliste Blick

«Au fait, tu prends la pilule?» Cette question, généralement formulée juste avant, voire pendant, un rapport sexuel hétérosexuel avec une nouvelle personne, est presque devenue comique, tant les femmes sont habituées à l’entendre. Avec les complaintes sur la gêne occasionnée par les préservatifs, elle fait partie du bingo des premières fois, de ces phrases incontournables. Elle est aussi très symbolique du fait que pendant longtemps, la contraception a été considérée comme une affaire de femmes. Et uniquement de femmes.

Pourtant, à intervalles réguliers, la recherche sur une possible contraception masculine est relayée par les médias. Une potentielle pilule serait en cours de développement, la vasectomie est en nette progression en Suisse romande, des Français participent à des ateliers pour se coudre un slip chauffant, en Inde, on teste une méthode par injection de gel… Signe que les choses sont en train de changer? Alors que ce 26 septembre marque la Journée mondiale de la contraception, force est de constater que si la recherche progresse, les options validées par la science restent limitées.

«Ce qui existe et qui est facilement disponible, ce sont le préservatif pénien et la vasectomie. Ce sont aujourd’hui les deux seules méthodes réputées sûres trouvables sans difficulté sur le marché», résume Sara Arsever, médecin adjointe responsable de l’unité de santé sexuelle et planning familial aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Le premier est sans nul doute le plus populaire. Il est même le moyen de contraception le plus utilisé en Suisse, selon l’Office fédéral de la Statistique, avec 46% de la population masculine qui dit l’employer.

Faisons le point sur les autres méthodes actuellement discutées ou en cours de développement: 

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La vasectomie

Pour la vasectomie, les choses sont plus complexes. Longtemps, cette opération, qui consiste à «bloquer les tubes qui transportent les spermatozoïdes des testicules vers l’urètre», comme l’explique l’urologue lausannois Nuno Grilo, est demeurée taboue. «Il existe plusieurs mythes persistants, notamment la croyance selon laquelle elle peut affecter la virilité ou la performance sexuelle, détaille le médecin sur son site Internet. La réalité, c’est que la vasectomie n’a aucun impact sur la libido, les érections ou le plaisir sexuel.»

Autre point d’inquiétude autour de la vasectomie: son irréversibilité. «Même si, dans certaines situations, on peut faire une opération qui peut mener à une reprise de la fertilité, ce n’est pas garanti, prévient Sara Arsever. Il faut donc partir du principe, quand on fait le choix de la vasectomie, qu’on ne veut pas ou plus d’enfant.»

En Grande-Bretagne ou au Canada, près d’un homme sur cinq y a recours. C’est beaucoup moins en France, mais cela progresse: le nombre de personnes qui ont opté pour la vasectomie a été multiplié par quinze entre 2010 et 2022, selon l’Assurance maladie française. En Suisse, les chiffres précis manquent.

«Nous effectuons en moyenne 20 à 25 vasectomies par an», indiquent de leur côté les HUG. «C’est un chiffre stable depuis de nombreuses années.» Mais il ne reflète pas la réalité, car l’opération est surtout pratiquée dans des cabinets privés par des urologues.

L’un d’entre eux, Nicolas Fleury, qui exerce à Fribourg, affirmait récemment auprès de «La Liberté» que la demande «a doublé depuis quatre ou cinq ans». Lui-même en réalise 150 par an, au point d’y consacrer un après-midi par semaine. L’opération se fait en ambulatoire, ne dure qu’entre vingt et trente minutes, et coûte entre 800 et 1’600 francs, qui peuvent être partiellement remboursés selon l'assurance complémentaire.

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La contraception hormonale, ou pilule

Cette méthode consiste à faire des injections de testostérone pour inhiber la production de spermatozoïdes. Ou les injections de testostérone et d’un progestatif, une hormone utilisée notamment dans la pilule féminine. Malgré de premiers essais satisfaisants, notamment menés par l’OMS dans les années 1990, «aucune étude n’a permis de valider de nouvelles techniques fiables, du fait d’un échantillon trop faible pour avoir un résultat significatif, qu’elles étaient de faible qualité ou n’étaient pas reconnues au niveau international», écrit Aurélie Schaub, infirmière en gynécologie à Fribourg, qui a consacré un travail de diplôme au sujet en 2021.

Par ailleurs, les effets secondaires de ces contraceptions hormonales pour hommes sont souvent jugés trop importants pour être supportés – affirmation qui a le don d’agacer de nombreuses femmes, elles-mêmes confrontées à d’importants effets secondaires.

Découvert dans les années 1980 en Inde, le gel hormonal est encore une autre option, qui consiste à injecter dans les canaux qui transportent les spermatozoïdes (les mêmes qui sont coupés ou bloqués par la vasectomie) un gel les rendant incapables de féconder l’ovule. Piloté par l’agence fédérale de la recherche américaine, le NES/T est aujourd’hui le produit le plus abouti, mais toujours en phase d’examen. De nouveaux résultats devraient être rendus publics dans quelques mois et «ils vont dépasser tous nos espoirs», assurait il y a quelques mois la coordinatrice de l’étude à nos confrères français du «Monde».

En Inde également, une phase 3 de test est toujours en cours. Encourageant, certes, mais «cette méthode est en phase test depuis plus de quarante ans», rappelle Aurélie Schaub.

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La contraception thermique

L’autre option envisagée est la contraception thermique. Le principe est simple: lorsque la température des testicules augmente de quelques degrés, la production de spermatozoïdes se retrouve bloquée. Plusieurs applications sont alors possibles, des slips chauffants à l’anneau pénien, qui remonte les testicules, les maintenant ainsi au chaud. Il faut porter ces dispositifs plusieurs heures par jour (généralement une quinzaine) pour que cela fonctionne.

«La contraception thermique ne rentre pas dans la catégorie des méthodes sûres, car on n’a pas assez d’études pour pouvoir quantifier le degré d’efficacité», explique Sara Arsever des HUG. Même si «cette efficacité existe probablement, et on se doute qu’elle n’est pas trop mauvaise». «De plus, sur la réversibilité et la sécurité, on a très peu de données», poursuit la spécialiste.

Or, «il y a un enjeu de sécurité avec les spermatozoïdes qui seraient quand même produits sous contraception thermique, car ils montrent des altérations de l’ADN. Il y a théoriquement un risque de grossesse plus à risque d’anomalie. Ce qui différencie la contraception thermique des autres méthodes, notamment la pilule testée sur des millions de personnes, ce sont ces points d’interrogation.»

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Inventé en France en 2018 par Maxime Labrit, l’Andro-Switch, le nom donné à l’anneau pénien, est toujours en quête de sa certification européenne. Celle-ci ne pourra être obtenue qu’avec des études de grande ampleur. Il est pourtant déjà utilisé par des centaines de personnes qui se le procurent sur Internet. «La commercialisation de l’anneau contraceptif masculin sur Internet a participé à la démocratisation de la contraception masculine, estime notre médecin à Genève. Il y a une augmentation du nombre de gens qui connaissent cette méthode.»

La contraception thermique est étudiée à Genève

L’intérêt pour la contraception thermique est tel que les HUG mènent en ce moment même une étude avec 34 participants qui l’utilisent. «Nous avons mis en place cette offre de suivi car beaucoup de gens nous ont sollicité, indique Sara Arsever. Nous pensons que chez certaines personnes, le fait de participer à un projet de recherche a fait passer le cap de la contraception masculine.»

Le choix du dispositif est à la discrétion des participants mais ils sont ensuite suivis et accompagnés et réalisent régulièrement des spermogrammes. «Ce n’est pas une étude interventionnelle, c’est-à-dire qu’on ne teste pas si le dispositif fonctionne ou non, avertit la responsable de l’unité de santé sexuelle et planning familial. On cherche à décrire notre cohorte, explorer le vécu de ces personnes, que l’on va suivre au maximum un an. On va également reporter le résultat des spermogrammes, qui permet cependant à chaque personne d’avoir un retour sur l’effet contraceptif sur lui-même. Le suivi prendra fin début 2025.»

La contraception thermique, solution pour les hommes jeunes?

Ce qui intéresse notamment les HUG, c’est le profil des personnes intéressées par cette contraception thermique. Dans le cas de la vasectomie, la plupart des urologues suisses notent que même si de plus en plus d’hommes jeunes font la demande, les pères de famille restent majoritaires.

Ce n’est pas le cas pour la contraception thermique. «Les résultats des questionnaires socio-démographiques que nous avons soumis aux participants montrent qu’il s’agit de gens relativement jeunes (l’âge médian est de 28,8 ans), plutôt citadins (les trois quarts d’entre eux), en couple (pour 70% d’entre eux), dans des relations relativement récentes (depuis deux ans en moyenne)», détaille Sara Arsever.

«Enfin, ce sont principalement des gens avec un haut niveau de formation et qui recourent à des contraceptions dites ‘masculines’: près de 80% utilisent des préservatifs, avec ou sans retrait. Moins de 20% d’entre eux utilisent des méthodes hormonales.»

Plus généralement, la médecin observe une prise de conscience du grand public: «On a l’impression que, selon les endroits, peut-être plus de personnes recourent à la vasectomie. En entretien, des hommes nous demandent ce qu’ils peuvent faire. On commence à considérer que la contraception pourrait ne pas reposer entièrement sur les personnes de sexe biologique féminin.»

L’intérêt pour la contraception thermique est tel que les HUG mènent en ce moment même une étude avec 34 participants qui l’utilisent. «Nous avons mis en place cette offre de suivi car beaucoup de gens nous ont sollicité, indique Sara Arsever. Nous pensons que chez certaines personnes, le fait de participer à un projet de recherche a fait passer le cap de la contraception masculine.»

Le choix du dispositif est à la discrétion des participants mais ils sont ensuite suivis et accompagnés et réalisent régulièrement des spermogrammes. «Ce n’est pas une étude interventionnelle, c’est-à-dire qu’on ne teste pas si le dispositif fonctionne ou non, avertit la responsable de l’unité de santé sexuelle et planning familial. On cherche à décrire notre cohorte, explorer le vécu de ces personnes, que l’on va suivre au maximum un an. On va également reporter le résultat des spermogrammes, qui permet cependant à chaque personne d’avoir un retour sur l’effet contraceptif sur lui-même. Le suivi prendra fin début 2025.»

La contraception thermique, solution pour les hommes jeunes?

Ce qui intéresse notamment les HUG, c’est le profil des personnes intéressées par cette contraception thermique. Dans le cas de la vasectomie, la plupart des urologues suisses notent que même si de plus en plus d’hommes jeunes font la demande, les pères de famille restent majoritaires.

Ce n’est pas le cas pour la contraception thermique. «Les résultats des questionnaires socio-démographiques que nous avons soumis aux participants montrent qu’il s’agit de gens relativement jeunes (l’âge médian est de 28,8 ans), plutôt citadins (les trois quarts d’entre eux), en couple (pour 70% d’entre eux), dans des relations relativement récentes (depuis deux ans en moyenne)», détaille Sara Arsever.

«Enfin, ce sont principalement des gens avec un haut niveau de formation et qui recourent à des contraceptions dites ‘masculines’: près de 80% utilisent des préservatifs, avec ou sans retrait. Moins de 20% d’entre eux utilisent des méthodes hormonales.»

Plus généralement, la médecin observe une prise de conscience du grand public: «On a l’impression que, selon les endroits, peut-être plus de personnes recourent à la vasectomie. En entretien, des hommes nous demandent ce qu’ils peuvent faire. On commence à considérer que la contraception pourrait ne pas reposer entièrement sur les personnes de sexe biologique féminin.»

Un (long) chemin vers plus d’équité

Derrière cette évolution des mentalités se cachent deux enjeux. D’abord, celui d’une contraception efficace, alors que les femmes supportent parfois mal les effets secondaires des traitements hormonaux ou le DIU (dispositif intra-utérin, ou stérilet) au cuivre. «Ce que l’on voit, c’est qu’il y a toujours des gens dans des impasses contraceptives, c’est-à-dire qui ne trouvent pas de solutions réputées sûres qui leur conviennent», pointe Sara Arsever. Ces personnes se débrouillent autrement. «Elles comptent les jours, pratiquent le retrait, utilisent un peu de préservatif…», énumère la spécialiste. Avec tous les risques que cela comporte. «Ce n’est pas toujours satisfaisant, et cela mène parfois à des grossesses non désirées.» D’où la nécessité, affirme la médecin, «d’élargir le spectre» des contraceptifs disponibles.

L’autre enjeu est celui de l’équité. «Au-delà des méthodes à disposition, c’est important d’avoir une société qui conscientise que l’enjeu de la reproduction est partagé par les couples, pas seulement par les femmes», estime Sara Arsever, qui rappelle que de nombreuses recherches sur la contraception masculine ont été menées dans les années 1980 mais pas à leur terme.

«Il faut normaliser le fait que la responsabilité contraceptive incombe à toutes les personnes qui s’engagent dans des activités pouvant déboucher sur une grossesse.» Avoir plus de possibilités de contraceptions va «favoriser cette prise de conscience», affirme la médecin.

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