Qui n’a pas déjà vécu des excuses complètement ratées? Il suffit de se pencher sur celles des célébrités dans la tourmente pour se convaincre de la difficulté de l’exercice. Il y a les excuses qui n’en sont pas vraiment, celles qui inversent la charge de la culpabilité, les autres qui euphémisent, celles qui n’annoncent aucun changement concret… trop de ratés pour qu’on y croit. Mais à l’inverse, à quoi ressemblent une présentation d’excuses sans faute? Des experts se sont penchés sur la question et voici huit étapes à garder en tête.
Faire court
Le premier conseil nous vient d’une étude menée dans le département de psychologie d’une université du New Jersey sur les excuses publiques de 183 personnalités par deux chercheuses américaines. De Bill Clinton s’excusant pour sa relation avec Monica Lewinsky au chanteur Chris Brown qui a démoli un plateau de télévision parce qu’il n’aimait pas la question d’un journaliste, en passant par des sénateurs racistes ou l’athlète Marion Jones regrettant de s’être dopée, tout a été savamment examiné.
Ensuite, ces excuses ont été comparées avec les résultats de sondages réalisés immédiatement après pour savoir si les Américains pardonnaient à la personne incriminée. L’une des conclusions de l’étude est sans appel: moins c’est long, plus c’est bon. Pas la peine d’en faire des tartines, il vaut mieux des excuses concises, plus susceptibles d’être acceptées.
Parler d’abord de l’autre
Cette même étude aborde un autre critère: la construction des excuses et ce qui vient en premier. Autrement dit, est-ce que la personne s’excuse en parlant d’abord d’elle, ou de celui ou celle à qui elle a pu faire du mal? Ce n’est pas très surprenant, mais il est toujours bon de le rappeler: «lorsque le repentir est centré autour des victimes, il est plus susceptible d’être pardonné. À l’inverse, lorsque les victimes ne sont pas mentionnées, c’est associé à un taux de pardon plus faible», écrivent les deux chercheuses.
Surtout, «démarrer des excuses en se focalisant sur le contexte, la personne incriminée ou n’importe quelle circonstance atténuante éclipse la restitution du regret». Quand on présente ses excuses, on commence donc toujours par reconnaître l’autre avant soi-même.
Reconnaître les sentiments de l'autre
Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi reconnaître la peine qu’il ou elle a pu éprouver. Carolyn Sharp, psychothérapeute américaine, consacre un chapitre entier à l’art de l’excuse dans son livre «Fire it up: four secrets to reigniting intimacy and joy in your relationship» (ce que l’on pourrait traduire par «Rallumer la flamme: quatre secrets pour raviver l’intimité et la joie dans votre couple»).
Et elle est très claire, dans le média américain «Psychology Today»: «‘Je suis désolé que tu le ressentes comme ça’ n’est pas une excuse. Cela revient à dire ‘Je suis désolé que tu sois taré au point de ressentir ça’, ‘Je suis désolé que quelque chose n’aille pas chez toi’ ou ‘Je suis désolé que tu sois assez bête pour éprouver de tels sentiments’.»
Autant dire que, selon l’experte, «cela ne répare rien et empire les choses. Vous ne prenez aucune responsabilité pour vos actions et croyez-moi, l’autre s’en rend compte».
Personnifier l’excuse
De son côté, la BBC a mené un test pour le moins original: un journaliste a testé des excuses rédigées par des humains et d’autres par l’intelligence artificielle pour voir ce qui fonctionnait le mieux. Tout s’est organisé autour d’un jeu pipé dès le départ. Le journaliste trichait donc et ses adversaires, qui jouaient à distance, ne pouvaient que perdre. Vers la fin du jeu, il a envoyé une excuse à l’autre joueur, parmi quatre possibilités (deux rédigées par l’IA, deux par un humain).
Ensuite, une dernière manche était organisée, et cette fois, c’était l’autre joueur qui avait la possibilité de tricher, donc de se venger. Il leur était par ailleurs demandé de noter l’efficacité de l’excuse reçue, et de dire s’ils étaient disposés à l’accepter. Résultat: la seule excuse qui prenait la peine de personnifier la réponse («Bonjour, je m’appelle Erin et je suis désolée…») était jugée peu efficace mais une majorité des répondants étaient en revanche disposés à l’accepter.
Et surtout, seulement 9% se sont vengés dans la dernière manche. Cette excuse était rédigée par un humain. Ryan Fehr, professeur à l’université de Washington qui étudie notamment l’art de l’excuse dans la construction des relations, a vu dans cette personnification une «touche d’humanité». Pensez-y si vous devez présenter vos excuses à quelqu’un que vous ne connaissez pas.
Montrer sa propre peine
Pour Judy Eaton, professeur de psychologie à l’Université Wilfrid Laurier au Canada, «les excuses ne consistent pas simplement à aligner les bons mots». Elles nécessitent aussi quelque chose qui vient des tripes, une mise à nu, explique l’experte à la BBC. «Si vous avez vraiment des remords, cela doit vous faire mal. Si cette douleur ne transparaît pas dans les excuses, les gens peuvent sentir qu’il ne s’agit pas d’une vraie manifestation de vulnérabilité.»
Ne pas se dénigrer soi-même
Mais attention à l’écueil inverse. Il n’est pas question, rappelle Carolyn Sharp, d’exposer sa propre souffrance au détriment de celle de l’autre. C’est ce que la thérapeute appelle «la foire à la pitié» et qui peut se traduire par des phrases grandiloquentes consistant à se dénigrer. «‘Je suis le pire partenaire du monde, je suis nul’... Cela inverse le scénario et détourne l’attention sur votre mal-être d’avoir fait du mal, plutôt que sur celui de la personne blessée au départ.» Pour Carolyn Sharp, cela place la personne à qui on présente ses excuses dans une position difficile. «Elle doit prendre soin de celui qui l’a blessée.» Le comble!
Ne pas minimiser, ni rejeter la faute sur l'autre
Les bonnes excuses sont celles dans lesquelles il n’y a pas de «mais». Car alors, «ce ne sont plus des excuses mais une porte d’entrée vers une explication, une rationalisation ou une justification», avertit Carolyn Sharp. «En général, cela empire les disputes et ne répare pas les dommages causés.»
Les tests de la BBC montrent exactement la même chose. L’excuse la moins bien notée, la moins bien acceptée, et surtout celle qui a engendré un taux de revanche supérieure à toutes les autres avait été rédigée par Gemini, l’IA de Google. Celle-ci était lacunaire, se trouvait des circonstances atténuantes et, surtout, minimisait le tort causé.
Promettre une amélioration
Enfin, s’excuser, c’est bien. Mais faire en sorte de ne pas avoir à le faire une deuxième fois, c’est encore mieux. C’est la conclusion de notre fameuse étude du New Jersey, qui examine si chaque prise de parole expiatoire comporte aussi une «mesure corrective». Autrement dit, si la personne qui s’excuse s’engage à changer, faire mieux, ou ne pas reproduire ses bêtises. «Si cette conclusion est absente, il est démontré que les excuses seront inefficaces», écrivent les deux autrices de l’étude.