Même avant que la pandémie de Covid-19 ne modifie nos habitudes, l'envie de regarder des contenus sexuels était déjà l'une des principales raisons qui poussaient les gens à aller sur Internet. Plusieurs études menées dans différents pays montrent que 46 à 74% des hommes et 16 à 41% des femmes consomment régulièrement du porno en ligne.
La plateforme Pornhub concentre une énorme partie du trafic de consommation de pornographie. En 2019, le site avait enregistré 42 milliards de visites. L'année a été qualifiée de «juteuse» par les responsables - et les chiffres de 2020 promettent d'être encore plus juteux.
Le confinement a fait exploser la fréquentation de Pornhub
Lorsque les mesures de confinement ont fleuri un peu partout dans le monde en mars 2020, le site a connu une augmentation de fréquentation de 20%.
Pornhub n'as pas accepté de divulguer les données suisses pour cette période. Même si les Helvètes n'ont pas connu de mesures de confinement drastiques, il est probable que la fréquentation ait également augmenté. Notre pays était arrivé 31e dans un classement des nationalités qui passaient le plus de temps sur Pornhub. Toutefois, à trop grande dose, le porno est une drogue comme les autres.
Sans le contrôle social, la consommation n'a pas de frein
Le psychologue en chef du Centre des maladies et de la dépendance des cliniques psychiatriques universitaires de Bâle, Renanto Poespodihardjo, déclare qu'avec l'augmentation de consommation de contenu pornographique en ligne, «la demande de traitement et de conseil a augmenté pendant l'épidémie.» Avant la crise sanitaire, ses patients consommaient déjà de la pornographie dès un jeune âge et en visionnaient toujours plus, jusqu'à ce que cela ne vienne chambouler leur vie privée.
Depuis, confie-il, des patients - presque exclusivement des hommes - qui regardaient déjà du porno à outrance avant la pandémie, mais qui avaient réussi à maîtriser l'addiction, reviennent le voir. «Car maintenant qu'ils ne doivent plus se rendre au bureau et qu'il n'y a plus de contrôle social, certains replongent.»
Le niveau de dépendance est néanmoins très variable, précise le psychologue. «Certains consomment deux ou trois heures de porno par jour, d'autres six ou sept». Le problème commun, cependant, est que le fait de passer trop de temps sur des sites web - de façon générale - conduit à l'isolement social. Les amitiés et les partenaires sont négligés. Ceux qui se trouvent dans une telle situation devraient se demander s'ils ne souffrent pas de problèmes psychologiques.
Frustration, ennui, stress au bureau
«Une consommation excessive de porno est l'un des principaux moteurs de la dépendance sexuelle», affirme Andreas Hill. Il est psychiatre légiste à l'Hôpital universitaire psychiatrique de Zurich, psychiatre et psychothérapeute en cabinet privé et chargé de cours à l'Institut de recherche sexuelle et de psychiatrie légale de l'Hôpital universitaire de Hambourg. Presque uniquement des hommes venaient le voir pour une addiction au sexe. «Bien qu'il y ait aussi des femmes en traitement, mais surtout parce qu'elles changent fréquemment de partenaire et qu'elles en sont malheureuses.»
Les hommes qui demandent de l'aide, explicite-t-il, le font parce qu'ils regardent du porno pour compenser quelque chose. Frustration, humeur dépressive, ennui, stress au bureau... «Certains en regardent au travail, d'autres se font même porter pâle parce qu'ils ont consommé du porno toute la nuit», explique Andreas Hill. Le sexe par webcam est également très populaire.
Certains veulent faire de ce qu'ils voient une réalité
Dans certains cas, les conséquences négatives sont encore plus graves. «Il y a des hommes qui désirent essayer dans la réalité le comportement sexuel qu'ils voient dans les films pornographiques. Il peut s'agir d'un comportement sexuel agressif et éventuellement punissable», prévient Andreas Hill. Les personnes vulnérables à cela sont celles qui présentent d'autres facteurs de risque de violence sexuelle. Par exemple; ils sont déjà antisociaux ou impulsifs. Ils auraient alors du mal à faire la distinction entre les films et la réalité, et ne tiendraient plus compte des besoins de leur partenaire.
Mais il faut relativiser: si le porno avait une influence massive sur la violence sexuelle dans l'ensemble de la société, l'on pourrait également s'attendre à une augmentation significative des crimes sexuels. Toutefois, cela n'a pas été le cas au cours des dernières décennies. Malgré une augmentation des infractions liées à la pédopornographie en Allemagne ainsi qu'en Suisse, il n'y a pas eu d'augmentation des infractions sexuelles graves contre des enfants au cours des 20 dernières années.
Plus aucun abus d'enfants n'est détectable
Renanto Poespodihardjo affirme que la pornographie sur internet est devenue une partie intégrante de la société. Il est donc important de commencer enfin à s'en préoccuper: «l'éducation du passé, traitant uniquement de l'activité sexuelle, n'est plus suffisante.» Aujourd'hui, beaucoup ont leurs premières expériences sexuelles dans le monde numérique. C'est pourquoi nous devons nous occuper davantage de notre propre intimité.
Il aimerait voir une société dans laquelle «tous les aspects de la sexualité peuvent être discutés ouvertement et, surtout, sans jugement - et la pornographie sur internet en fait partie.»