Le vol et la falsification de vins onéreux ont permis de développer un marché très lucratif. Les arrestations de faussaires de grands vins font les gros titres dans le monde entier. Récemment, le plus célèbre faussaire de l’histoire du vin, Rudy Kurniawan, a été relâché après sept ans d’emprisonnement.
Afin de mettre fin aux agissements des voleurs et des faussaires dans le domaine du vin, l’entrepreneur suisse Jürg Richter a créé une base de données. Son site Bottleverification permet aux propriétaires de bouteilles volées de publier des photos des bouteilles en question. Lors d’un entretien avec Blick, Jürg Richter explique le but de ce projet et comment il est possible d’identifier avec certitude un vin contrefait.
M. Richter, quel est votre rapport au vin?
Le vin n’est pas qu’un loisir, c’est une véritable passion depuis plusieurs années. Pour moi, profiter de la vie, c’est se retrouver entre amis et partager une bonne bouteille de vin. J’organise par ailleurs régulièrement des dégustations, qui mettent en avant des vins rares ou très vieux.
Quels sont vos vins préférés?
Les bordeaux bien mûrs du Château Haut-Brion ou de La Mission Haut-Brion sont aussi exceptionnels que des anciens millésimes de Bourgogne. Je pense également aux vins exceptionnels de Martha et Daniel Gantenbein de la Seigneurie grisonne, qui me surprennent à chaque dégustation. Un ancien millésime de sauternes est le couronnement d’une belle soirée de dégustation, mais il convient également parfaitement pour un apéritif.
Vous rappelez-vous la première fois qu’on vous a volé un vin?
C’était il y a presque dix ans, à l’hôtel restaurant Langasthof Farnsburg, dans le canton de Bâle-Campagne.
Qu’est-ce que cela a suscité chez vous?
En tant que passionné de vin, cette perte m’a beaucoup peiné. Il s’agissait de bouteilles que je collectionnais depuis plusieurs années. Sans compter la perte financière, ces vins étaient originaires de mes régions préférées, à savoir Bordeaux et la Bourgogne, et certains d’entre eux étaient rares et ne sont d’ailleurs plus disponibles.
Ce type d’infraction tend-elle à se généraliser?
Dans notre cas, il s’agit certainement d’un vol commandité. Soit par un collectionneur de vins qui souhaitait les boire, soit par quelqu’un qui savait à quel point ces bouteilles étaient rares et précieuses. En général, le motif d’un vol est plutôt de nature matérielle. Les voleurs recherchent des bouteilles qu’ils peuvent revendre rapidement, quel que soit le canal.
À l’époque, réfléchissiez-vous déjà à lutter activement contre le vol de bouteilles de vin?
Oui, j’y ai tout de suite pensé. À l’époque, nous avions des photos de toutes les bouteilles volées et les avons immédiatement transmises à la police et à l’assurance. Malheureusement, il n’existait aucune base de données centralisée sur laquelle ces photos auraient pu être mises à disposition du monde entier.
Conseilleriez-vous aux propriétaires de vins onéreux de prendre des photos de toutes leurs bouteilles?
Je le conseille vivement. Il est en outre important de ne jamais vendre ni offrir les bouteilles vides de grands crus rares que l’on a soi-même dégustées. Si l’on ne souhaite pas garder les bouteilles vides, il faut impérativement les éliminer. Dans les mains d’un faussaire, une bouteille vide devient vite une bouteille pleine.
Et que pensez-vous d’assurer sa cave contre le vol?
C’est une option que je conseillerais à tous les collectionneurs ayant une belle cave. De nombreuses assurances proposent des polices adaptées. L’important est de bien lister les vins séparément du reste des biens.
Combien de vins volés ont déjà été enregistrés sur le site Bottleverification?
Actuellement, le site recense une centaine de bouteilles haut de gamme et facilement identifiables.
Votre cible compte-t-elle principalement des collectionneurs et des adeptes de vins très chers?
À la base, je ciblais les commissaires-priseurs, les marchands de vin et les courtiers. Mais, en effet, les collectionneurs et les passionnés qui n’achètent pas leurs vins auprès de ces trois sources, mais via des ventes aux enchères en ligne par exemple, font également partie de la cible.
Et qu’en est-il de l’authentification, sur laquelle vous travaillez également?
Au cours des dernières années, la falsification de vins chers et rares a pris des proportions démesurées. Des millions de vins contrefaits sont en circulation, et ce nombre augmente chaque jour. Lors des dégustations de vins rares, la contrefaçon est un sujet récurent. Alors qu’avant, elle se limitait à «améliorer» le niveau de remplissage des bouteilles ou à remplacer des étiquettes, aujourd’hui la bouteille complète, la capsule, le bouchon et le marquage des bouchons font l’objet d’une falsification professionnelle. Même les meilleurs contrôles visuels sont inutiles lorsque le contenu est manipulé.
Quelle est la solution?
En coopération avec la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse (FHNW), et avec le soutien d’Innosuisse, nous avons développé un procédé breveté qui permet de vérifier l’authenticité d’un vin en se basant sur la spectrométrie de masse. Nous en sommes encore à la phase de démarrage, et lors de la prochaine vente aux enchères, les premiers vins rares authentifiés par Genuine Analytics AG – c’est ainsi que s’appelle l’entreprise d’analyses – seront mis en vente. Une nouveauté internationale! Il existe donc enfin une méthode scientifique permettant de distinguer un vin falsifié d’un vrai. L’histoire des vins contrefaits fera donc bientôt partie du passé.