Longtemps, l’ascension du Brunello di Montalcino a semblé irrésistible. Il y a encore 60 ans, ils étaient onze domaines à se partager un vignoble d’un peu plus de 60 ha. Aujourd’hui, sa superficie a atteint plus de 2000 ha et le nombre de producteurs plus de 250.
Cela n’a rien de surprenant quand on pense que ce vin à la robe rouge sombre issu du cœur de la Toscane se distingue par un profil unique, avec des arômes de griotte, une forte corpulence, une acidité bien présente et des tanins fins et abondants. Son caractère, le Brunello di Montalcino le doit pour beaucoup au cahier des charges rigoureux qui définit les conditions de sa production.
Quand la typicité fait défaut
Dans les millésimes un peu plus froids, le Brunello, très tanique par nature, peut sembler encore plus rustique, au détriment du plaisir en bouche. Selon la législation, seul le cépage sangiovese peut entrer dans la production du Brunello di Montalcino.
Au début des années 2000, plusieurs journalistes dans le domaine du vin ont commencé à s’interroger à propos de certains vins de cette appellation: où étaient donc passés les arômes de petits fruits rouges, si caractéristiques du sangiovese? D’autres vins très précoces, exprimant des arômes de fruits noirs, presque compotés, ont contribué à nourrir le doute quant à l’utilisation exclusive de sangiovese.
Après plusieurs signalements, les autorités italiennes ont ouvert une enquête fin 2007 en toute confidentialité. Mais le scandale éclata au grand jour le 21 mars 2008, grâce à un article rédigé entre autres par le critique James Suckling.
L’enquête fut donc rendue publique et plusieurs producteurs de Brunello se virent accusés d’utiliser des cépages interdits. Ces pratiques illégales avaient pour objet de modifier le profil gustatif des vins afin de les rendre accessibles à un plus large public et ainsi d’augmenter les ventes.
Plus de six millions de litres saisis
Quand le journal italien L’Espresso enfonça le clou quelques semaines plus tard en annonçant qu’une vingtaine de producteurs de Brunello faisaient l’objet de soupçons concrets de fraude, c’est toute l’Italie du vin qui se retrouva sous le choc. Par la suite, plusieurs domaines décidèrent de déclasser les vins en question pour pouvoir les mettre sur le marché. Les prix étaient naturellement moins élevés sans l’appellation Brunello di Montalcino.
Bien que certains producteurs se soient vu refuser le droit de vinifier du Brunello, ce scandale n’a pas eu finalement l’ampleur attendue. Il n’a pas eu d’impact significatif sur la popularité des vins et aucune peine de prison de longue durée n’a été prononcée. Aujourd’hui, le scandale du Brunellogate n’est plus qu’un mauvais souvenir.