À la découverte du vin genevois
Ces 3 domaines viticoles dans le canton de Genève méritent d'être découverts

Avec ses vignobles délicieusement pittoresques, le canton de Genève est marqué par une grande variété de cépages et une grande curiosité d’esprit. Une petite visite s’impose.
Publié: 25.10.2024 à 11:55 heures
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Dernière mise à jour: 25.10.2024 à 14:13 heures
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Les couleurs automnales sont splendides dans les vignobles autour du village viticole de Dardagny.
Photo: Getty Images/500px Plus
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Ursula Geiger

Tout d’un coup, la circulation s’évanouit comme par magie, l’industrie et les centres commerciaux cèdent la place aux champs et aux prés. Les rues deviennent plus étroites, sinueuses et cahoteuses.

Des arbres apportent de l’ombre. Et cinq minutes plus tard apparaissent les vignobles de Peissy, délimités par des murs de moellons. Pris de court par cette transition brutale entre la ville et la campagne, je manque de peu ma première destination, le Domaine des Charmes.

Avec son vignoble de 1354 hectares, Genève est le troisième canton viticole de Suisse en surface, après le Valais et le canton de Vaud. Bien que Genève n'offre pas de paysages spectaculaires, comme les vignobles en terrasses escarpés de la vallée du Rhône ou encore la région vaudoise du Lavaux, le charme de la région réside à l’écart des grands axes routiers.

Plus que le chasselas et le gamay

Le chasselas est en tête des cépages blancs, le gamay des cépages rouges. Il y a quelques décennies encore, lorsque de nombreux viticulteurs livraient leur production aux coopératives, il n'y avait presque rien d'autre. Mais au fil du temps, le chardonnay, le sauvignon blanc, l'aligoté, le savagnin, le pinot noir et bien d'autres cépages ont fait leur apparition.

Le mérite revient aux vignerons encaveurs ayant pris en main l'élaboration et la commercialisation des vins. Avec beaucoup d'esprit et de nouvelles idées, ils ont donné une impulsion considérable à la réputation des vins du canton.

Voici trois domaines de la région genevoise qui méritent une petite visite, cet automne: 

Le domaine des Charmes: un griset au parfum de pêche

Olivier Conne, 38 ans, dirige le Domaine des Charmes depuis deux générations. Son père Bernard et sa mère Anne, âgés de 71 et 63 ans, ont vinifié leur première récolte en 1989, à Peissy, et possédaient autrefois des vignes près de Montreux (VD). Bernard travaillait alors comme ingénieur agronome à l'EPFZ, mais était destiné à rejoindre le domaine du vin. 

«Ma mère a eu du mal à abandonner nos terres, raconte-t-il. Elle me disait constamment que si j'avais un jour la possibilité d'acheter un vignoble, elle m'aiderait. Quand j'ai quitté la vie d'universitaire pour l'artisanat, elle a tenu sa promesse.»

La ferme de Peissy date du XVIIe siècle, mais Anne Conne a transformé les bâtiments en cave et aménagé la maison d'habitation en un charmant paradis qui jouxte les vignes. Depuis 2016, on y pratique l'agriculture biologique, tandis que le vignoble compte aujourd'hui 9,5 hectares. Parmi ceux-ci figure notamment un demi-hectare de la rare variété Griset, également connue sous le nom de Findling ou Bouvier blanc, dont il ne reste que 49 hectares dans le monde — et un seul hectare dans le canton de Genève. Ce vin blanc aux arômes délicats de pêche et au parfum de fleurs blanches est meilleur bu jeune.

Dans le canton de Genève, la hauteur des vignes et les parcelles densément plantées conviennent parfaitement à l'utilisation des tracteurs enjambeurs, qui permettent une bonne mécanisation. Mais la taille, l'ébourgeonnage et les vendanges restent des travaux manuels au Domaine des Charmes.

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Le domaine Les Hutins: un classique genevois et un vin naturel

Quelques kilomètres plus loin, à flanc de colline, se trouve le petit village pittoresque de Dardagny, à la frontière française: «Genève est trop souvent oubliée», déplore Emilienne Hutin Zumbach, 55 ans, en débouchant une bouteille de Chasselas de Dardagny 2023, un classique genevois délicieusement léger, à 11,5 % de volume, qui se vend toujours très vite. Le fruit à chair jaune, l'acidité juteuse et la vivacité en bouche sont rafraîchissants en cette journée chaleureuse. L'humidité de l'orage de la veille flotte encore dans l'air, mais une douce brise souffle depuis le Jura.

Les Hutin exploitent la ferme depuis cinq générations. Jean, le père d'Émilienne, a repris la ferme avec son frère Pierre: «Mon père fait partie des viticulteurs ayant reconnu le potentiel de la région dans les années 1980 et qui ont osé prendre un nouveau départ, raconte la technicienne viticole. En 1982, les prix du chasselas étaient au plus bas, et en 1982, mon père a planté du sauvignon blanc. Avec Hermann (Stikel) Schwarzenbach, au bord du lac de Zurich, il était l'un des premiers en Suisse à oser ce cépage». En tant qu'autodidacte (Jean Hutin est ingénieur et a joué au Théâtre populaire romand de 1969 à 1976), on est souvent plus libre, puisque les traditions pèsent moins lourd.

Vers la fin de la visite, nous dégustons le Savagnin blanc L'effiJe 2022. Le parfum de traminer est pur, les épices herbacées fraîches très profondes et les arômes de rose typiques habillent le palais comme de la soie. Emilienne en rajoute une couche en présentant ensuite son vin naturel, un gamay 2022: aux baies noires et juteuses, fermenté spontanément en cuve inox, rempli sans filtration. «La production de vins naturels m'aide aussi à comprendre mes autres vins», précise-t-elle. 

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Le domaine des Curiades: les pionniers de l'aligoté

Je traverse le Rhône pour me rapprocher à nouveau de la ville, en passant par quelques collines. Bernex se trouve sur le coteau de Lully, où la famille Dupraz vit une tout autre histoire, au Domaine des Curiades. Leurs liens familiaux remontent à plus de cent ans. Les 14,5 hectares de vignes de la propriété sont tous situés sur le flanc de la douce colline qui protège le petit village de Bernex des vents froids venant du Jura. Les moines bénédictins y ont planté des vignes pour la première fois au XIIIe siècle. Aujourd'hui, la famille achète des raisins sur huit hectares et produit ainsi 26 vins différents issus de treize cépages.

Les Dupraz ont toujours vinifié leur propre vin. S'ils ont commencé par fournir des tonneaux à la gastronomie genevoise, ils sont rapidement passés au vin en bouteille, car les marges sont plus élevées. «Nous produisons environ un quart de million de bouteilles par an et vendons 95 pour cent de notre production dans la région», explique Xavier Dupraz, 34 ans. Sur ce total, 30 à 40% sont destinés à la restauration. La famille est particulièrement fière de l'aligoté, un cépage blanc originaire de Bourgogne, car c'est Jules Dupraz qui planté pour la première fois dans la région, au début du XXee siècle. 

Un tiers de ce cépage, associé à deux tiers de pinot noir, constitue d'ailleurs la cuvée d'un vin mousseux délicieusement frais, mais qui ravit par son élégance et sa fine onctuosité de champagne. L'innovation et l'envie d'explorer de nouvelles opportunités sur un marché du vin très concurrentiel constitue un pari d'avenir pour cette exploitation familiale traditionnelle.

«En vérité, Genève n'est pas oubliée, me dis-je en rentrant chez moi. Ce joyau parmi les régions viticoles suisses n'a pas encore été vraiment découvert.»

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