Pourquoi tailler en pièces un chou-fleur quand on peut le cuire entier, dans son plus simple appareil? Croyez-moi, il y a un avant et un après le chou-fleur entier rôti, méthode de cuisson qui consiste à le placer au four, et… c'est à peu près tout. Ainsi résumé, ça a l'air un peu trop simple. Et pourtant, c'est la meilleure façon de l'apprécier.
Ce n'est pas un hasard si on en retrouve des déclinaisons dans tous les sites et livres de cuisine: le chou-fleur rôti change complètement la perception de cet humble brassicacée.
Visuellement d'abord: c'est beau, c'est original, c'est amusant. Fini, les fleurettes posées telles des faire-valoir dans un coin de l'assiette. Posé sur la table, un chou-fleur entier bien maousse devient le clou du spectacle, tout aussi époustouflant qu'une grosse côte de bœuf ou qu'un beau gâteau. Le légume se transforme alors en un plat convivial qu'on partage en se coupant de belles tranches ou encore mieux, en prélevant avec les doigts de gros morceaux qui se cueillent comme des fruits bien mûrs.
Les saveurs ne sont pas en reste: lentement rôti à température modérée, le chou cuit doucement en dévoilant peu à peu sa surface dorée, légèrement caramélisée. On mange tout, on ne gaspille rien: le cœur est moelleux et savoureux et les côtes, habituellement jetées, sont ici conservées et deviennent des petites chips croustillantes. C'est une méthode qui respecte le produit en tout point. Une fois qu'on y a goûté, on porte un regard différent sur le chou-fleur. On ne le massacre plus. On le respecte. On veut le demander en mariage.
Une origine israélienne
Ce plat magique a été inventé il y a une dizaine d'années par Eyal Shani, un médiatique chef israélien possédant de nombreux restaurants. Il raconte au quotidien «Haaretz» avoir piqué et développé l'idée en allant dîner chez un de ses amis, qui tenait la recette de sa mère. «L'histoire de ce plat a commencé il y a plus de dix ans. Je suis allé chez lui un vendredi soir et je lui ai demandé ce que nous allions manger. Il m'a dit d'ouvrir le four et j'ai vu le chou, dans toute sa splendeur dorée». «Jaloux» de ne pas avoir eu l'idée, et immédiatement séduit, il la développe et la fait connaître dans ses restaurants, puis dans le monde.
Aujourd'hui, les chefs les plus connus s'en sont inspirés. Yotam Ottolenghi en propose une version épurée très proche de celle d'Eyal Shani, tandis que Jamie Oliver ou encore Yannick Alléno le déclinent avec diverses épices, et carrément du zaatar maison du côté de Cyril Lignac.
Signe de ce succès, les Américains, qui ont longtemps méprisé ce chou qu'ils trouvaient ennuyeux, se bousculent désormais dans les chaînes de restaurants qui le servent. Et sur la chaîne de cuisine du «New York Times», le chou-fleur rôti est régulièrement la recette la plus partagée par les lecteurs. La première fois que j'y ai moi-même goûté, j'ai tellement été époustouflé par cette recette que je n'ai pu m'empêcher de la partager immédiatement autour de moi.
Eyal Shani se dit surpris par le succès planétaire de cette recette, mais avance tout de même une explication. «Il y a quelque chose de satisfaisant à toucher et démonter les formes précisément agencées par la nature, et c'est le cas avec le chou-fleur. Quand vous en prenez un morceau avec les mains, vous ressentez un plaisir impossible à éprouver en mangeant avec un couteau et une fourchette».
Je pense qu'il tient une bonne piste. Il y a réellement quelque chose qui se passe lorsqu'on goûte à cette recette, alors c'est le moment de l'essayer à la maison! La meilleure manière de s'initier aux joies du chou-fleur rôti est de commencer simplement, avec du sel et un peu de matière grasse. Voici la recette de Yotam Ottolenghi, que je fais régulièrement.
Une recette de chou-fleur entier rôti: Yotam Ottolenghi
- 1 beau chou-fleur
- 70 grammes de beurre pommade
- 3 cuillères à soupe d'huile d'olive
- 1,5 cuillère à café de fleur de sel
Retirez les éventuelles côtes abîmées, et taillez le dessous du chou-fleur de sorte qu'il soit bien stable une fois posé.
Faites blanchir le chou-fleur, tête en bas, pendant dix minutes dans de l'eau bouillante salée. Égouttez-le (sortez-le avec une pince ou une spatule robuste) et laissez-le sécher pendant dix minutes. Préchauffez le four à 170°C.
Dans un bol, ajoutez le beurre, l'huile d'olive, le sel, et mélangez bien.
Posez le chou sur une plaque, tête en haut cette fois. A l'aide d'un pinceau ou de vos mains, enduisez-le entièrement du mélange de beurre, y compris les côtes. Soyez méticuleux, c'est ça qui donne tout le caractère du plat.
Enfournez pour 1h30 à 2h pour un très gros chou, en enduisant le beurre restant toutes les vingt minutes environ (là, vous n'aurez plus le choix, il faudra y aller au pinceau).
Si vous êtes du genre pressé, vous pouvez le cuire à plus haute température. Comptez 20 minutes à 250°C pour un petit chou de 700 grammes.
A déguster tel quel, tout simplement, en coupant des tranches ou en cueillant de grosses fleurettes avec les doigts, une fois refroidi.