Ce ne sont plus des couteaux, mais des katanas laser. Ils coupent absolument tout, sans la moindre résistance. Alors que je m'amuse (prudemment) à tester mes couteaux fraîchement aiguisés par un professionnel, la seule question qui me reste en tête est: pourquoi ai-je attendu tant de temps pour procurer à mes outils quotidiens l'entretien qu'ils méritent?
Nos blagues bien aiguisées:
Il n'y a rien de plus rageant, de plus dangereux, de plus perfide que des couteaux émoussés. Rageant, parce que la découpe quotidienne des ingrédients devient fastidieuse. Dangereux, parce qu'il faut davantage appuyer – une invitation aux dérapages. Perfide, parce qu'on ne se rend guère compte de tout cela avant de retrouver le tranchant d'origine.
Faites aiguiser une à deux fois par an
Que faire? Pas question de les jeter et d'en racheter des nouveaux: je tiens à mes couteaux! Et puis, il vaut mieux réparer plutôt que jeter. Les aiguiser moi-même? Je le fais déjà, mais il n'empêche que leur tranchant décline, inexorablement.
Assez réfléchi, un passage chez un professionnel s'impose. Problème: ces personnes se font rares. L'époque des artisans itinérants qui proposaient leurs services d'aiguisage sur les places des villages est bel et bien révolue. Heureusement, il reste encore quelques ateliers.
A Lausanne, j'ai rencontré Vincent, artisan qui exerce son art dans un atelier sis rue des Echelettes. Dans la famille Besson, on a les couteaux dans le sang: dès la fin du XIXe siècle, son aïeul Ephise Besson a ouvert la première coutellerie familiale à Lausanne. L'affaire est depuis restée dans la même famille. L'atelier actuel a vu le jour en 1969 sous la houlette de Pierre Besson, l'oncle de Vincent. «J'ai appris à aiguiser avec lui, dans cet atelier», raconte-t-il.
Un métier de plus en plus rare
«Le métier se raréfie, confirme Vincent. Il y a de moins en moins d'artisans, si bien que je suis l'un des derniers en exercice à Lausanne». D'ailleurs, dit-on aiguiseur ou rémouleur, comme on l'entend parfois? «Mon oncle n'aimait pas ce terme de rémouleur, je préfère dire coutelier, ou coutelier-aiguiseur», répond-il. Aiguiser et rémouler correspondent en fait à deux techniques différentes, selon le sens de rotation de la meule. Dans les deux cas, on rend aux couteaux leur tranchant.
Prenant un couteau de cuisine dans les mains, Vincent applique la lame sur la meule, sur laquelle tombe un mince filet d'eau, afin de ralentir les phénomènes d'échauffement. L'opération nécessite doigté et précision. Il s'agit de retirer la bonne quantité de matière, avec le bon angle, pour redonner à une lame toute sa gloire. «Je sais à l'œil quand le travail est terminé», assure-t-il. Un regard de pro qui s'acquiert avec les années d'expérience.
Chez soi, un fusil à aiguiser fait l'affaire
Les services d'aiguisage tels que ceux proposés ici s'adressent surtout aux professionnels de la cuisine qui apportent leurs couteaux et autres ustensiles tranchants. Les ciseaux de coiffeurs, les lames de tondeuse peuvent aussi en bénéficier. Tout comme les outils des particuliers. Car tous les couteaux finissent par s'émousser, quelle que soit leur qualité. Selon la fréquence d'utilisation, un quidam devrait les faire aiguiser une ou deux fois par an, estime Vincent.
Une fois le travail accompli, la lame est parfaitement polie, et son fil comme neuf, bien brillant. «Attention à ne pas vous couper», dit l'artisan en emballant les couteaux dans plusieurs couches de papier journal.
Entre deux visites chez un aiguiseur, voici quelques astuces pour vos couteaux.
Fréquence: aiguisez vos lames lorsqu'elles sont incapables de couper une feuille de papier par la tranche. Ou lorsqu'une simple tomate commence à résister. En gros, une fois par mois pour une utilisation domestique normale.
Fusil à aiguiser: placez la lame à une inclinaison de 20 degrés sur le fusil, et ramenez le couteau vers la garde du fusil, en allant du talon à la pointe du couteau. Répétez cinq à dix fois de chaque côté.
Aiguiseur: posez le talon de la lame sur l'encoche fine sans exercer la moindre pression. Tirez le couteau vers vous, jusqu'à la pointe,e t recommencez une dizaine de fois, sans jamais appuyer. Utilisez l'autre encoche (la grosse) une ou deux fois par an, pas plus. Lavez le couteau à la main après l'avoir aiguisé.
Ne mettez jamais votre couteau au lave-vaisselle! La chaleur, les détergents, et les sels présents dans l'appareil vont fortement altérer la structure microscopique de la lame.
Entre deux visites chez un aiguiseur, voici quelques astuces pour vos couteaux.
Fréquence: aiguisez vos lames lorsqu'elles sont incapables de couper une feuille de papier par la tranche. Ou lorsqu'une simple tomate commence à résister. En gros, une fois par mois pour une utilisation domestique normale.
Fusil à aiguiser: placez la lame à une inclinaison de 20 degrés sur le fusil, et ramenez le couteau vers la garde du fusil, en allant du talon à la pointe du couteau. Répétez cinq à dix fois de chaque côté.
Aiguiseur: posez le talon de la lame sur l'encoche fine sans exercer la moindre pression. Tirez le couteau vers vous, jusqu'à la pointe,e t recommencez une dizaine de fois, sans jamais appuyer. Utilisez l'autre encoche (la grosse) une ou deux fois par an, pas plus. Lavez le couteau à la main après l'avoir aiguisé.
Ne mettez jamais votre couteau au lave-vaisselle! La chaleur, les détergents, et les sels présents dans l'appareil vont fortement altérer la structure microscopique de la lame.
Entre deux visites, Vincent conseille d'entretenir les couteaux chez soi. Il suffit de les passer régulièrement sur un fusil à aiguiser afin d'entretenir leur tranchant sans les abîmer. «Je déconseille d'utiliser les aiguiseurs, qui ont tendance à épaissir la lame.» Même chose pour les pierres à aiguiser japonaises: «Elles sont efficaces, mais leur utilisation est fastidieuse.» Pour les couteaux à dents tels que les couteaux à pain, point de salut: il faut utiliser des meules spécifiques que l'on ne trouve que chez les professionnels.
A l'heure où l'on peut se procurer un couteau pour quelques francs en supermarché, s'offrir les services d'un aiguiseur peut sembler superflu. Mais c'est aussi un moyen de donner une nouvelle vie à ces ustensiles du quotidien, de retrouver le plaisir de ciseler oignons et carottes, tout en luttant contre la culture du tout-jetable et en faisant vivre les artisans locaux. Cela vaut bien les 7,50 francs demandés pour ce modeste service.
Coutellerie Besson
Rue des Echelettes 3, Lausanne