Ça coûte cher, de cuisiner? En ces temps d'explosion des prix des produits alimentaires, la question a le mérite d'être posée. En recherchant des bonnes recettes qui ne vident pas le porte-monnaie, je suis tombé sur les «One pound wonders», mini recueil de recettes économiques à une livre sterling la portion, publiées sur le site de Jamie Oliver et tirées de son nouveau show, diffusé ce printemps sur la chaîne Channel4.
Entre les conséquences du Brexit, de la guerre en Ukraine et des pénuries alimentaires, le pays est l'un des plus durement touchés par la flambée des prix. Jamais avare d'astuces, le médiatique chef britannique s'est mis aux fourneaux pour prouver qu'on peut se régaler avec des recettes saines et pas chères. Mais ce qui vaut pour les sujets de Sa Majesté est-il transposable en Suisse? C'est ce que j'ai voulu vérifier avec deux recettes, un risotto aux champignons et du poulet sauce barbecue.
Le choix de ces deux recettes n'est pas tout à fait anodin: j'ai voulu expérimenter une recette végétarienne, et une autre contenant de la viande, les tarifs étant généralement très différents surtout par ici. Je m'attendais à voir la facture exploser, mais ce n'est finalement pas le cas: ici aussi, les recettes de Jamie s'avèrent aussi bonnes qu'économiques. Du moins, à condition de tirer un trait sur l'espoir de manger un plat de viande pour moins d'un franc.
Comment calculer le prix des recettes?
Pour mettre au point ses recettes, Jamie Oliver a calculé la moyenne des prix des ingrédients dans 4 chaînes de supermarchés britanniques entre septembre 2022 et janvier 2023. Il n'a pas compté pas les choses que chacun possède déjà dans ses placards, principalement le sel, le poivre et l'huile d'olive. Le reste est calculé en fonction du poids entrant dans la composition de la recette.
Pour rester dans des tarifs tout doux, il a éliminé les produits bio ou ceux aux meilleurs labels de qualité, autrement dit les plus chers. Seules exceptions: les œufs sont pondus par des poules élevées en plein air, et la viande est labellisée Red Tractor, dont le logo assure son origine britannique, ainsi que des normes d'élevage et abattage un peu plus respectueuses du bien-être animal.
Pour rester fidèle à cette méthodologie, j'ai compté la moyenne des prix observés dans les Coop et Migros. J'ai suivi les recettes au plus près, en ne procédant à des substitutions que lorsque des produits étaient introuvables ici. Pour la viande, j'ai choisi le label Naturaplan de Coop et Optigal de Migros, qui sont à peu près similaires au Red Tractor britannique. Lorsque j'ai effectué les calculs, 1 livre sterling valait 1,11 franc.
Le risotto végé vraiment économique
Commençons avec le «risotto aux champignons, thym, ail et huile au persil express». Affiché à 88 pennies la portion (98 centimes ici), ses ingrédients sont raisonnables. Il utilise des champignons de Paris surgelés, sûrement parce que moins chers que des frais. Je note l'absence de vin blanc, qu'on utilise souvent pour déglacer le plat et parfumer le riz: sûrement une concession pour éviter de gonfler la facture. Il n'y a pas de beurre en fin de recette, mais il est remplacé par une huile au persil qui apporte une petite fraîcheur bienvenue. Le cheddar étant un fromage anglais, je l'ai remplacé par du gruyère pour rester cohérent avec l'esprit de la recette.
Ingrédients:
- champignons
- bouillon de légumes
- ail
- thym
- oignons
- branches de céleri
- persil
- riz à risotto
- cheddar
Résultat des courses: ramenés aux quantités exactement utilisées, les ingrédients de cette recette m'ont coûté 5,98 francs. Pour 4 portions, cela représente donc 1,49 franc par tête. Pas cher! Je ne m'attendais pas à obtenir un risotto pour si peu.
Surtout, sa recette est irréprochable. Je l'ai faite deux fois, et lors de la seconde itération, j'ai ajouté une poignée de champignons séchés dans le bouillon, pour le corser un peu. La petite huile au persil fait office de pesto du pauvre, mais elle apporte vraiment une agréable fraîcheur végétale aux saveurs puissantes des champignons. Ka-tching, c'est validé!
Le poulet sauce BBQ: bien plus cher (mais vachement bon)
Passons maintenant à la difficulté supérieure avec un plat qui contient de la viande, terreur des porte-monnaie suisses. Voici donc le «poulet sauce BBQ, épis de maïs et coleslaw express»: des belles cuisses de poulet laquées de sauce gourmande, servies avec des patates en nombre, un coleslaw et même du maïs. Ça vous semble cher? Eh bien, pas tant que ça, car à part le poulet, les ingrédients sont vraiment bon marché.
Ingrédients:
- ketchup
- miel
- sauce Worcestershire
- paprika
- vinaigre
- cuisses de poulet
- épis de maïs cuits
- chou rouge
- carottes
- oignon
- yogurt
Résultat des courses: la recette complète a coûté 5,43 francs par portion quand de l'autre côté de la Manche, Jamie Oliver parvient à boucler ses courses pour 99 pennies, soit 1,10 franc. Sans surprise, manger de la viande coûte considérablement plus cher qu'un plat végétarien, surtout lorsqu'on vit en Suisse. Et on ne parle pas du bilan carbone…
À noter qu'on peut diminuer le coût à 4,40 francs en se passant du maïs. Non pas qu'il ne soit pas bon (encore que, je le préfère grillé), mais il était franchement superflu tant les portions étaient généreuses. J'ai également répété le calcul en prenant les cuisses les moins chères: on descend alors à 3,17 francs par personne. Mais c'est alors consommer de la viande d'animaux élevés et abattus à l'étranger, sans doute dans des conditions plus discutables. À chacun de décider.
Reste qu'avec ces épices, cette sauce et cette technique de cuisson, c'était un très bon plat, très gourmand, très comfort food. Bon courage pour trouver quelque chose de comparable à ce tarif avec des plats en livraison ou des plats préparés. Si vous avez envie d'expérimenter ces recettes économiques, ça tombe bien: elles sont sur notre site.