Inventée à Zurich
Leur bouteille trompe notre cerveau pour nous faire boire moins sucré

En jouant avec nos papilles gustatives à l'aide d'une gourde modifiée, ce chercheur et cet entrepreneur parviennent à nous faire boire des boissons de 30 à 40% moins sucrées, sans que l'on s'en rende compte. Un financement participatif a été lancé.
Publié: 10.07.2022 à 15:23 heures
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Dernière mise à jour: 11.07.2022 à 14:42 heures
Photo: Potiio
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Fabien GoubetJournaliste Blick

Et si au lieu de boire des boissons sucrées, on se donnait simplement l'illusion de sucré? Un scientifique zurichois a inventé une bouteille qui, lorsqu'on boit à son goulot, joue un tour à notre cerveau en brouillant sa perception gustative. Celui-ci croit que c'est du liquide sucré (jus, soda...) qui se répand sur nos papilles, alors qu'en fait…ce n'est que de l'eau!

L'histoire a commencé, justement, autour d'un soda. Scientifique en physique des matériaux à l'École polytechnique fédérale de Zurich, Cédric Sax est un fan de Sinalco. Alors qu'il sirotait sa boisson préférée, il est frappé d'une gorgée «eureka». Immédiatement après avoir bu une rasade de son Sinalco, il enchaîne avec un peu d'eau. Surprise: l'eau a parfaitement la saveur du soda, surtout les notes sucrées. Comme tout le monde, Cédric Sax était parfaitement au courant que les sodas sont souvent trop sucrés. L'idée lui trotte dans la tête: et s'il parvenait à contrôler ce phénomène, pour ressentir le goût du sucre, mais sans en ingérer pour autant?

Le physicien s'est alors plongé dans la littérature scientifique pour en savoir plus. C'est ainsi qu'est née l'entreprise et la bouteille Potiio, du latin potio, la potion. Le principe - que l'on peut expérimenter chez soi - est le même que lorsqu'on regarde une ampoule qui clignote rapidement, comme celle d'un stroboscope: on a alors l'impression que sa luminosité est plus importante qu'elle ne l'est en réalité - ce que l'on nomme l'effet Brücke-Bartley. «Notre idée, c'est de reproduire un phénomène analogue, mais avec le sens du goût à la place de la vision», raconte Cédric Sax. Autrement résumé: plutôt qu'une ampoule lumineuse, ce sont les papilles gustatives responsables de la perception de la saveur sucrée qui devraient être successivement allumées et éteintes. Mais comment?

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C'est là qu'est venue l'idée de la bouteille. Imprimé en 3D, le prototype que nous avons pu voir lors d'une visioconférence ressemble à n'importe quelle gourde pour sportif, à deux différences près. L'intérieur est divisé en deux compartiments concentriques: une petite partie centrale dans laquelle on insère une capsule de 50 millilitres contenant la boisson sucrée, et un compartiment externe dans lequel se trouve de l'eau (50 centilitres). Deuxième différence: la valve sur laquelle on pose la bouche est spécialement conçue pour faire sortir un peu de boisson sucrée, puis ensuite de l'eau.

Les capsules de boissons sucrées, ici en forme de tubes à essai, s'insèrent dans le compartiment central.
Photo: Potiio
Sur ce modèle de langue filmé à l'aide d'une caméra à haute vitesse, on voit la boisson sucrée (foncée) atteindre la langue en premier, tandis que l'eau arrive seulement après (liquide transparent).
Photo: Potiio

L'hypothèse envisagée par Cédric Sax est que les papilles gustatives qui détectent le sucre restent transitoirement activés après que le soda passe sur la langue, si bien qu'une arrivée immédiate d'eau demeure ressentie comme sucrée, quand bien même elle ne contient aucun sucre. «Nous ne savons pas exactement ce qui se passe dans le cerveau, il pourrait y avoir une ou plusieurs cascades d'activation neuronales qui entrent en jeu. Reste à savoir lesquelles», dit le chercheur, qui précise vouloir effectuer des mesures sur des volontaires lors d'expériences faites à l'aide d'un électroencéphalogramme (EEG).

Les scientifiques étudient en parallèle les mécanismes cérébraux sur lesquels reposent ce phénomène d'illusion gustative.
Photo: Potiio

Avec son collègue Alessandro Hofman, Cédric Sax a lancé une campagne de financement participatif sur le site Crowdify. Les deux associés espèrent lever des fonds pour produire de premières bouteilles Potiio et démontrer ainsi la faisabilité de leur projet. Les premiers exemplaires pourraient arriver dès 2023, espèrent-ils. D'après eux, leur simple prototype permet déjà de réduire de 30 à 40% les sucres présents dans les boissons, sans que les consommateurs ne s'en aperçoivent. Les capsules, qui seraient selon leur souhait conditionnées par l'industrie des boissons, ne nécessiteraient par ailleurs qu'une fraction du PET utilisé pour les bouteilles habituelles (-65% de CO2 requis, toujours d'après les chiffres communiqués).

«Plus importante sera la somme levée, plus rapidement on pourra arriver sur le marché», espère Cédric Sax. Une invention simple et peu onéreuse, capable de répondre à des problématique de santé publique et environnementales: nul doute que ce projet zurichois refera parler de lui.

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