«Disgusting!»
Le plat officiel du couronnement de Charles III est… une quiche

En désignant une quiche plat signature de son couronnement, Charles III a déçu ses sujets. S'il n'est pas très réjouissant, ce choix d'un plat français s'explique assez facilement, d'après une spécialiste.
Publié: 06.05.2023 à 11:05 heures
Une quiche digne d'un roi.
Photo: DUKAS
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Fabien GoubetJournaliste Blick

Est-ce une farce des Français? Pire, un cas d'appropriation culturelle en cuisine de la part des Britanniques? Le plat officiel des festivités du couronnement de Charles III, ce samedi 6 mai, est… une quiche. How disappointing.

Oui, une bête quiche, pas lorraine, mais aux légumes, avec des épinards, des fèves, du fromage et de l'estragon. La nouvelle a choqué, Outre-Manche. D'abord par la frugalité du plat. Le contexte économique est certes morose, mais les sujets de Sa Majesté s'attendaient à célébrer l'occasion durant trois jours de picnics de rue avec quelque chose de plus gourmand et de plus festif. Et de plus british aussi. Car quoi de plus français qu'une quiche?

«Ça a l'air dégoûtant», commente un sujet face aux caméras de France 24. «Les épinards pourquoi pas, mais alors sans les fèves», dit une autre en réprimant un frisson de dégoût. La quiche et ses légumes n'ont pas la côte.

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D'autres lui reprochent son coût (de 30 à 40 francs si l'on achète tous les ingrédients) ou encore ses piètres vertus nutritionnelles (environ 400 calories la petite part et un peu trop de gras selon les nutritionnistes). L'historienne spécialiste des dîners royaux Rachel Rich, de l'Université de Leeds, a examiné la recette: elle a également trouvé que le choix n'était pas terrible et que la quiche lui évoquait «un plat de midi ennuyeux plutôt qu'un élégant mets digne d'un roi». Une analyse que ne partage pas Anton Mosimann, le chef suisse qui a longtemps cuisiné pour Elizabeth et Charles, qui qualifie cette quiche d'un «bon choix».

Soit. Mais dans un sondage YouGov mené en 2019 sur les plats préférés des Britanniques, il y avait bien du rôti de bœuf, des fish and chips, le fameux petit-déjeuner full English ou encore des sandwiches au bacon. Mais rien, pas la moindre mention d'une quelconque quiche. Alors pourquoi Charles et son épouse Camilla ont-ils personnellement choisi un tel plat signature loin d'être consensuel?

Le riz Casimir des Anglais

En fait, les plats signature des couronnements sont généralement d'improbables fusions multiculturelles, relève «Libération». En 1953, Elizabeth célébrait le coronation chicken, un émincé de poulet servi froid dans un curry crémeux à la…mayonnaise. On n'est pas loin de l'accident du riz Casimir, tant il est vrai que les Anglais et les Alémaniques ne sont pas les peuples les plus réputés pour ce qui est de leur gastronomie. Mais ça marche: comme le riz Casimir, le coronation chicken est toujours consommé partout dans le Royaume (mais pas au-delà, donc).

En optant pour un plat d'origine française, Charles suit en fait les pas de ses aïeux, note Rachel Rich. Très friand de cuisine française, le roi George IV avait donné en 1821 un banquet absolument gargantuesque sous les voûtes de l'abbaye de Westminster: 47 tables de plus de 1600 invités y avaient englouti pour plus de 250'000 livres sterling de nourriture, l'équivalent de 27 millions d'aujourd'hui.

Un hommage aux anciens rois d'Angleterre

Le premier menu comportait 20 plats, incluant notamment des filets de poulards, des sautés aux champignons, des côtelettes d'agneau et du pâté chaud de caille à l'espagnole. Après cette petite mise en jambes, un second et un troisième menus attendaient les survivants, avec respectivement 22 et 31 plats, dont de la sole cuite au champagne, de la soupe de tortue et un temple fait en diverses pâtisseries et coiffé de glaces, de biscuits, de melons, de prunes et de nectarines. Cet appétit pour la gastronomie française s'est par la suite retrouvé dans le Christmas pudding de George V, conçu par un chef français, et même jusque dans le banquet de la reine Elizabeth en 1953, où le menu était rédigé dans la langue de Molière.

Photo: CC

Mais en choisissant un plat aussi frugal qu'une quiche, Charles III rend également hommage à Guillaume IV et George III, peu friands de ces agapes géantes. Surnommé Farmer George, («George le fermier») le monarque était ainsi connu pour son amour des plats simples issus de ses cultures potagères. Une passion partagée par Charles, fervent défenseur de l'agriculture biologique.

Tout cela, c'est ce que le futur roi veut montrer, un royaume multiculturel. Mais ces choix révèlent aussi l'héritage parfois difficile de l'empire britannique, pétri de conflits, de colonialisme et de destruction de la nature. «Les histoires que nous racontons sur nous-mêmes par le biais de notre nourriture mêlent les choses que nous voulons dire et celles que nous ne pouvons pas nous empêcher de révéler», conclut Rachel Rich.

Et si la quiche aux légumes vous tente pour vous accompagner lorsque vous regarderez la tête de Charles se faire couronner, voici la recette officielle:

Ingrédients:

  • Pour la pâte:
  • 250 g de farine, plus un peu pour saupoudrer
  • 50 g de beurre froid, coupé en dés
  • 50 g de saindoux (ou du beurre si vous préférez)
  • 4 cuillères à soupe de lait, plus un filet
  • Ou 250 g de pâte brisée prête à l'emploi
  • Pour la garniture
  • 125 ml de lait
  • 175 ml de crème double
  • 2 œufs moyens
  • 1 cuillère à soupe d'estragon frais haché
  • 100 g de cheddar râpé
  • 180 g d'épinards cuits, vidés de leur liquide et légèrement hachés
  • 60 g de fèves cuites (doublez la dose de fèves, si vous le souhaitez)
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1. Tamisez la farine dans un saladier avec ½ cuillère à café de sel. Ajoutez le beurre et le saindoux, pétrissez le mélange du bout des doigts jusqu'à ce que vous obteniez une texture sableuse, semblable à de la mie de pain. Ajoutez le lait, petit à petit, et à l'aide d'un couteau, commencez à assembler la pâte en utilisant vos mains, en vous assurant qu'il n'y a pas de parties sèches et qu'elle est lisse. Couvrez et laissez reposer au réfrigérateur pendant 30 à 45 minutes.

2. Placez un moule à tarte à fond amovible de 20 cm ou un cercle à pâtisserie de 20 cm sur une plaque à pâtisserie. Farinez légèrement le plan de travail et étalez la pâte en un cercle un peu plus grand que le dessus du moule et d'une épaisseur d'environ 5 mm. Insérer délicatement la pâte dans le moule et presser doucement dans les coins, en veillant à ce qu'il n'y ait pas de trous pour éviter que le mélange ne coule. Couvrir et laisser reposer pendant 30 minutes supplémentaires au réfrigérateur. Préchauffez le four à 190°C/170°C.

3. Tapissez le moule de papier sulfurisé - pour ce faire, découpez un disque de papier sulfurisé plus grand que le moule, faites-en une boule (cela le rend plus souple), puis déballez-la et placez-la dans le moule. Il doit dépasser les bords. Remplissez-la de haricots de cuisson ou de riz non cuit et faites cuire pendant 20 à 25 minutes jusqu'à ce qu'elle soit bien dorée et sèche. Retirez délicatement le papier sulfurisé et les haricots de cuisson, et remettez au four pendant 5 minutes pour sécher la base. Réduisez la température du four à 160°C/140°C (ventilateur/gaz 3).

4. Battez le lait, la crème, les œufs et les herbes avec un peu d'assaisonnement. Répartissez la moitié du fromage râpé dans le fond cuit à l'aveugle, recouvrez d'épinards et de haricots hachés, puis versez le mélange liquide. Si nécessaire, remuer délicatement le mélange pour s'assurer que la garniture est uniformément répartie, mais veiller à ne pas endommager la pâte. Saupoudrer le reste du fromage. Enfourner et cuire pendant 20 à 30 minutes jusqu'à ce que la pâte soit prise et légèrement dorée.

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