Deux cuistots, pas de resto
On a visité une «ghost kitchen» à Lausanne

Une cuisine mais pas de salle, ni de serveurs: les «ghost kitchen» misent tout sur Uber Eats. Visite de ce qui serait la première du genre à Lausanne.
Publié: 07.04.2022 à 09:49 heures
Marion Diserens et Pierre Majoux, les âmes de Crock Meal à Lausanne.
Photo: DR
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Fabien GoubetJournaliste Blick
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En plein quartier de Montchoisi, à deux pas du café des Avenues, c’est une adresse presque invisible que celle de Crock Meal. Invisible, le terme n’est pas exagéré: Crock Meal est une de ces cuisines invisibles, ou fantômes, voire une «ghost kitchen» dans la langue de Gordon Ramsay.

Si l’on hésite encore sur l’appellation, c’est que le phénomène est neuf: les «ghost kitchen» sont en quelque sorte les rejetons nés de l'union d'Uber Eats et des mesures sanitaires de la pandémie: des restos sans tables ni chaises ni pignon sur rue, et même sans clients sur place, en fait. Ils n’ont pour seule pièce qu’une cuisine où sont préparées les commandes, que des livreurs d’Uber Eats, Smood ou d’autres plateformes de livraison de repas à domicile viennent emporter. Le phénomène cartonne aux États-Unis et en Europe, et dans une moindre mesure en Suisse où l'on compterait une septantaine d’adresses de ce genre, selon la FRC. Ouverte en juin 2021, Crock Meal serait la plus ancienne de Lausanne, d’après ses fondateurs.

Une cuisine, mais beaucoup moins chère

Crock Meal a pris ses quartiers dans un lieu singulier: c’est l’ancienne cuisine de la cantine de l’école Mont-Olivet. Pierre Majoux, qui bossait à l'étage du dessus chez Solar Impulse, a jeté un oeil dans la pièce un jour, alors qu'il descendait des cartons. Il y a vu cet espace reconverti en débarras, avec ses équipements tout en inox qui ne demandaient qu'à rutiler à nouveau. Or la copine de Pierre, Marion Diserens, cuisinière amatrice accomplie, rêvait d’ouvrir un resto. Pourquoi pas commencer avec un tel concept, bien moins onéreux?

Quelques négociations plus tard, et après que Marion a obtenu sa patente pour exercer dans la restauration, la jeune femme ouvre sa «ghost kitchen», avant d'être rejointe par Pierre, qui a lâché son job entre temps. Bien équipée, la cuisine est ridiculement grande pour les deux cuisiniers et leur employé - un luxe que n’ont pas de nombreux restaurants.

Un concept, trois restos

Les repas sont vendus sur Uber Eats ainsi que d’autres plateformes de livraison sous trois noms de restaurants: CrockMie, pour les croque-monsieurs (Pierre est Français, faut-il le préciser), CrockBowl pour les poké bowls et enfin Smaggy, dernier restaurant virtuel créé spécialement pour les hamburgers. Oui, c’est un peu compliqué, mais «avoir plusieurs restaurants nous permet de proposer des cartes plus claires et plus cohérentes, et aussi d’augmenter nos chances d’être vus sur les applications de livraison», explique Pierre, qui précise que la plupart des «ghost kitchen» parisiennes ou londoniennes tournent avec sept ou huit noms en moyenne.

«Nous travaillons avec un maximum de produits suisses», souligne Marion. Le couple, qui a mis le premier orteil dans la restauration en vendant ses poké bowls au marché de la Riponne à Lausanne, a pu y rencontrer des producteurs et trouver les produits qui lui conviennent. Le boeuf et les buns des burgers sont fièrement vaudois, les fromages sont suisses, tout comme une bonne partie des boissons. On est loin de l’à priori quelque peu sordide que l’on peut avoir sur ces cuisines fantômes. Le couple est fier de ses plats - on va les goûter dans un instant - même si cette cuisine constitue avant tout un tremplin vers leur objectif principal: avoir leur propre adresse ouverte aux vrais clients, et pas qu'aux livreurs.

Smashed burgers

Onze heures et demi, l’iPad trônant sur le comptoir émet une sonnerie, la première commande arrive. Avant de prendre congé d'eux, Marion et Pierre nous préparent quelques plats pour goûter, on ne va pas refuser. On commence avec un croque-monsieur XXL, bien gourmand avec son jambon, son gruyère AOP et sa béchamel. Ces contenus gourmands s'effacent un peu face au pain brioché, aux tranches et aux croûtes un peu trop épaisses.

Pierre s’attèle ensuite à un BSCB, pour «beef smashed cheeseburger». Dans cette variante du hamburger en vogue aux États-Unis, le pattie de bœuf haché est fermement écrasé avec une presse durant la cuisson, afin de lui donner une belle croûte tout à fait appétissante. Le bun brioché, souple et moelleux, a compris ce qu’on lui demande: il éponge impeccablement le jus de cuisson et la sauce maison (secrète, qui rappelle celle du Big Mac). On ne s'attendait pas à être si agréablement surpris par un burger.

De son côté, Marion garnit un intéressant poké bowl qui ne se contente pas d’être une palette de crudités insipides: les aubergines sont grillées et crémeuses, à la limite du caviar, le chou rouge est mariné, les tomates sont confites… et pour faire passer tout ça, une chouette sauce à la moutarde et au beurre de cacahuètes. On valide, et pour celles et ceux qui sont dans les environs, vous pouvez tout de même passer sur place, car ils font de la vente à l'emporter - et ce sera sans doute meilleur qu'après une livraison!

Ouvert du lundi au vendredi: 11h30-14h30 puis 17h30-20h30

Ch. de Montolivet 19a / Lausanne

079 951 31 27

linktr.ee/crockmeal


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