Pourra-t-on encore boire son Coca Zero tranquillement? L'aspartame et le cancer: la controverse explosive est relancée. L'agence Reuters affirme, sur la base de deux sources ayant connaissance du processus, que l'édulcorant artificiel, l'un des plus répandus dans le monde, devrait être déclaré «cancérogène possible» le mois prochain par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l'organe de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) chargé de la recherche sur le cancer.
L'aspartame est utilisé depuis les années 1980. On le trouve notamment dans des produits tels que les sodas light Coca-Cola, certains chewing-gums sans sucre ou encore dans des céréales du petit-déjeuner allégées. Il apparaît sur les étiquettes sous le code E951, sous la dénomination «contient une source de phénylalanine» ou parfois plus simplement sous le terme aspartame.
Que signifie «cancérogène possible»?
Une telle classification par le CIRC signifie qu'il existe des preuves scientifiques, quoique modestes, de corrélation entre l'aspartame et le cancer. Au-delà de «cancérogène possible», il existe deux autres catégories: les cancérogènes «probables», puis «avérés».
Si elle est confirmée, cette décision ne manquera pas de faire couler beaucoup d'encre et de soda light. Dans le passé, le CIRC a essuyé bien des critiques pour avoir lancé de telles alarmes pour des produits du quotidien tels que la viande rouge et la charcuterie (cancérogènes probables) ou les téléphones portables (cancérogènes possibles).
La qualité de ses travaux ne fait guère de doute, mais les classements peuvent être source de confusion pour le public, d'autant qu'ils ne tiennent pas compte de la quantité d'un produit qu'une personne peut consommer en toute sécurité.
On reste loin des doses maximales…
Justement, que dire de ces quantités? Sortons la calculatrice. Aujourd'hui, la dose journalière admissible d'aspartame, autrement dit la quantité maximale ingérable quotidiennement sans risque pour la santé, est de 40 milligrammes par kilogramme de poids corporel (40 mg/kg/jour), ce qui représente, pour un adulte de 65 kg, 2600 mg d'aspartame par jour.
Au niveau légal, les boissons light ne doivent pas en contenir plus de 600 mg/litre. Un litre de Coca Zero ou de Coca Light en contient 130 mg, d'après le fabricant. Autrement dit, il faudrait boire 20 litres de Coca par jour, pendant toute sa vie, pour commencer à rentrer dans une consommation à risque. Même en considérant un hypothétique soda avec une teneur maximale de 600 mg/L, il faudrait boire plus de 4 litres de cette boisson chaque jour pour courir un risque. Il y aura toujours un influenceur pour tenter le défi, mais à part lui, personne ne consomme de telles quantités.
…mais celles-ci pourraient être revues à la baisse
Les chiffres sont donc largement en faveur d'une consommation «normale» d'aspartame. Sauf qu'à la lumière de cette classification, l'OMS pourrait très bien proposer de revoir cette dose journalière admissible à la baisse. A combien? C'est là toute la question.
Cela, les fabricants de soda light ne veulent probablement pas en entendre parler. «Le CIRC n'est pas un organisme de sécurité alimentaire», a déclaré Frances Hunt-Wood, secrétaire générale de l'Association internationale des édulcorants. «L'aspartame est l'un des ingrédients qui a fait l'objet des recherches les plus approfondies de l'histoire, avec plus de 90 agences de sécurité alimentaire à travers le monde qui déclarent qu'il est sûr, y compris l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui a mené l'évaluation de sécurité la plus complète de l'aspartame à ce jour.»
Les partisans de l'aspartame et des édulcorants préviennent que cette décision «pourrait inutilement inciter les consommateurs à consommer davantage de sucre au lieu de choisir des options sûres sans sucre ou à faible teneur en sucre».
Les édulcorants, pas mieux que le sucre
Consommé excessivement, le sucre favorise en effet le risque d'obésité, de diabète, et de maladies cardiovasculaires. Mais les édulcorants ne seraient pas une alternative viable, selon l'OMS. L'organisation a récemment émis un avis suggérant que l’utilisation des édulcorants artificiels ne confère aucun avantage à long terme pour perdre du poids ou se prémunir de ces maladies chroniques.
L'étau se resserre autour des édulcorants. L'année dernière, une étude française portant sur environ 100'000 adultes a conclu que les personnes qui consommaient de grandes quantités d'édulcorants artificiels, dont l'aspartame, présentaient un risque de cancer légèrement plus élevé. Il sera intéressant de voir si l'OMS revoit ses recommandations, et si les nouveaux seuils restent compatibles avec une consommation normale d'une canette de temps en temps.