Six ans après l'immense succès de «The Legend of Zelda: Breath of the Wild» (BotW), le nouvel épisode de la saga, «Tears of The Kingdom», est sorti le 12 mai sur Nintendo Switch. Pas encore décidé de me faire extorquer de 90 francs par Mario et ses copains, j'ai relancé le pénultième opus pour peut-être raviver la flamme. Mais plus franchement motivé à l'idée d'explorer les vastes (et vides) étendues du monde d'Hyrule, je me suis contenté d'aller cuisiner des plats avec les ingrédients qui traînaient encore dans mon inventaire. Du fond du chaudron, une évidence a jailli: ce «Zelda» est sans doute l'un des meilleurs jeux de cuisine qui soient.
«Zelda» n'est évidemment pas un jeu de cuisine à proprement parler: il n'a rien à voir avec les incontournables que sont «Overcooked!», «Cook, Serve, Delicious» ou encore «Cooking Simulator», qui placent l'acte de cuisiner au centre du gameplay. Dans ces jeux, on cuisine car notre vie, du moins notre partie, en dépend. Et qu'il n'y a rien d'autre à faire ou presque.
Ta-da-da-da-da
Dans BotW, la cuisine n'est rien d'autre qu'une activité parmi d'autres. On peut très bien traquer l'infâme Ganon, s'exercer à l'escalade ou planer en paravoile. Ce qui fait qu'on cuisine non pas parce qu'on doit, mais puisqu'on en a envie, un détail qui change beaucoup l'expérience.
La cuisine récompense la curiosité et les expérimentations du joueur. Le jeu nous encourage à mélanger dans un chaudron tous les trucs qui ont l'air comestible ramassé lors de notre périple, et à observer le résultat, c'est-à-dire le plat obtenu et ses effets.
On mémorise alors petit à petit les mécaniques de la cuisine d'Hyrule. Les champis glagla redonnent des cœurs et confèrent de la résistance au feu, la carotte vigueur remplit la jauge d'endurance, les insectes servent à la confection d'élixirs, etc. Ce principe tout simple suscite la curiosité et l'envie - voire la frénésie - de mélanger toujours plus de choses, juste pour voir si l'on découvre de nouvelles recettes.
Dans la forme, la cuisine de BotW est tout aussi géniale. Fouillez dans le bazar de votre sac, jetez tout dans la marmite et c'est parti. Même après des centaines de plats, on ne se lasse pas de voir les ingrédients danser la gigue avant de bondir et de se recombiner dans un nuage de fumée. Tout ceci au son d'un petit jingle sonore que tous les joueurs qui lisent cet article ont forcément en tête, et qui suggère soit une réussite, soit au contraire un désastre. «La cuisine de Breath of the Wild est un vraiment concentré de joie», résume parfaitement le site spécialisé Eurogamer.
Soupe aux loots
Mais ce qui rend la cuisine de «Zelda» particulièrement savoureuse selon moi, c'est qu'elle parvient à donner l'illusion parfaite de la liberté et de la créativité culinaires. Pour moi, la cuisine, c'est tout l'inverse de ce qu'on vit dans ce jeu. Je procède totalement à l'envers: je me donne d'abord un mal fou à trouver de bonnes recettes (que je partage ensuite sur Blick), puis je pars en quête des ingrédients (sans tuer de monstres, en plus), et enfin, je suis à la lettre les instructions, en sachant pertinemment quel résultat je vais obtenir. C'est d'un ennui mortel.
Alors que dans le jeu, je suis un vrai petit Ratatouille, un Mister Ajikko sauce Hyrule, à l'imagination délurée. Je n'ai aucune idée de ce que je vais obtenir, et cela ne me terrorise pas pour autant. Je commence par ramasser tout un tas de trucs dont je ne sais même pas s'ils se mangent. Ensuite, j'inspecte mon butin. Ce n'est qu'alors que je commence mon processus culinaire, en mettant un peu de ça, un peu de ci et en jetant un œil dans le chaudron, comme le fait Link, les mains sur les hanches, avec un air curieux et pressé (notez que cuisiner comme il le fait, sans rien toucher, en plus d'être fun, c'est pratique pour ne pas salir sa légendaire tunique des landes).
Ici, peu importe le résultat obtenu: le chemin était finalement bien plus intéressant que la destination - et c'est d'ailleurs certainement pourquoi, six ans après, il me restait encore des cargaisons de plats cuisinés dans mon inventaire.