Nouvelle star
«Après 2 titres, avoir un article dans le «New York Fu***** Times», c’est dingue»

Sa musique est utilisée dans FIFA 21, elle est déjà chouchou de la presse internationale et Priya Ragu vient de jouer au Montreux Jazz. Interview avec celle qui se demandait il y a encore un an: «qui va écouter la musique d’une Suisse qui chante en anglais?».
Publié: 09.07.2021 à 17:52 heures
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Dernière mise à jour: 09.07.2021 à 18:02 heures
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Caroline Piccinin

On retrouve Priya dans le hall d’un hôtel montreusien. Petit top Chanel, grosses sneakers et yeux de biches sous un large trait d’eye-liner, en plus d’être la future reine des charts, la chanteuse tamil-suisse est aussi une reine du style. Priya irradie de son sourire que l’on est heureux d’attraper au vol, puisque l’on mise sur son succès international les yeux et les oreilles grands ouverts. C’est qu’en plus de distiller un son qui lui appartient vraiment, elle porte sur ses épaules et dans son cœur l’envie de mettre en lumière sa communauté et plus particulièrement les femmes du sud de l’Inde, rappelant ainsi que si elle a eu de la chance de grandir ici, tout n’est pas encore simple pour les nouvelles générations dans son pays d’origine et que la visibilité des femmes tamiles dans le monde de l’art n’en est qu’à ses débuts.

Elle qui se sent aussi suisse que tamile, a démissionné il y a à peine 2 mois de son emploi chez Swiss et vient d’emménager à Londres pour vivre de ce qu’elle fait de mieux: la musique. Toutefois, elle est attachée aux terres de son enfance car il faut savoir que si ses parents avaient dû fuir la guerre civile au Sri Lanka au début des années 1980, Priya et son frère sont nés et ont grandi à Saint-Gall. Un canton où elle aime retourner «pour se recharger dans sa safe place» et quand on lui demande ce que l’on pourrait lui souhaiter, elle répond tout en douceur qu’elle vit son rêve en ce moment même. Interview avant son show au Montreux Jazz hier, jeudi 8 juillet.

Vous vous produisez sur la grande scène du Montreux Jazz Festival avant même la sortie de votre premier album. Qu’est-ce que cela vous fait?
PRIYA RAGU: Oh mon Dieu, c’est hyper émouvant! Après ces temps de pandémie et surtout le fait que ma vie a pris un tournant à 180 degrés, je suis là et je joue dans un des plus grands festivals en Suisse c’est difficile à décrire. J’ai du mal à réaliser, c’est presque irréel. Je n’aurais jamais pensé pouvoir devenir une personnalité, parce qu’en Suisse, on a assez peu de grosses stars, je pensais vraiment que je ne pouvais pas faire ça en étant suissesse, encore plus avec le genre de musique que je fais. Je me demandais, «Mais qui écoute la musique d’une Suisse qui chante en anglais»? (rires).

Toutefois, pour «une suisse qui chante en anglais», vous avez déjà eu des articles dans le «New York Times», le «Rolling Stone», le «Vogue», le «NME» etc. Et ce, après avoir révélé uniquement 2 chansons!
Oui! En suisse allemande j’ai été assez soutenue, notamment par SRF3 qui a tout de suite passé ma musique, mais avoir de la presse telle que le «New York Fu***** Times» (rires) après mon premier single c’est dingue. C’est irréel d’ailleurs, il y a un an je m’étais fait une «vision board», et je ne m’étais pas fixée de limite, comme un article dans «Vogue» qui est un truc si prestigieux à mes yeux et là… C’est arrivé! Je ne sais pas qui a cette chance mais je l’ai.

Vous avez 35 ans aujourd’hui mais dans l’industrie musicale, on mise habituellement sur des stars en devenir plus jeunes. Comment vous vous ressentez ça?
L’an dernier, je faisais des chansons avec mon frère, c’est lui qui les envoyait aux radios, et aujourd’hui je suis là c’est fabuleux, mais j’admets que je ne m’attendais pas à tout ça. Je suis assez contente que tout ça m’arrive maintenant parce que j’ai laissé derrière moi une partie de ma naïveté, l’âge rend plus lucide. Je sais ce que je veux, ma vision est super claire de plus je pense que c’était le bon moment.

Et c’est un aussi le bon moment dans l’époque pour revendiquer vos racines qui sont très importantes pour vous?
Oui. Je crois que les gens d’Asie du Sud sont sous-représentés dans les milieux artistiques en général. Vu d’ici, vous pouvez les compter sur les doigts d’une seule main, encore plus dans les chanteurs. Alors oui, c’est le moment pour que tout le monde s’ouvre à d’autres cultures, d’autres sonorités. Et par rapport à la question d’avant, je pense aussi que si j’avais offert ma musique il y a une dizaine d’années, je ne suis pas certaine que les gens auraient eu suffisamment d’ouverture d’esprit pour l’accueillir. C’est encore une question de timing.

D’ailleurs vous venez de sortir le single «Kamali». Dessus vous chantez en tamil. Racontez-nous.

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La chanson est inspirée par un court-métrage de Sasha Rainbow, qui s’appelle «Kamali». C’est l’histoire d’une fillette de 8 ans qui est une skateuse en Inde du Sud. Sans le vouloir elle a brisé les stéréotypes de genre. C’est sa mère qui l’a élevée seule après une relation abusive et elle voulait à tout prix la laisser grandir comme elle l’entendait et pas comme elle en son temps, dans le fait qu’une fille indienne ne peut pas tout faire. Quoi qu’il arrive, la maman de Kamali était décidée à l’encourager dans ce qu’elle voulait faire, que ce soit du skate ou autre chose et ce même si ça demande beaucoup de courage face aux gens d’un village. Elle a des «couilles» comme on dit!

On sent ça dans le clip.
On a tourné le clip avec Sasha Rainbow, la réalisatrice du court-métrage. On pensait les deux que c’était important de raconter cette histoire ensemble, parce que c’est elle qui l’a mise sous les yeux du monde. On a décidé de mettre dans le clip des images du film et je crois que jusqu’ici, c’est ma vidéo préférée. D’ailleurs ma maman est dedans et mon frère aussi j’en suis si fière! Un jour je pourrais la montrer à mes enfants en leur disant que leur grand-maman était dedans.

Justement en parlant de famille, vous cartonnez, votre frère vous produit, d’où vient ce talent musical?
Je crois que ça vient de notre papa. Quand on était petits, il nous a encouragés à faire de la musique, je faisais du violon et mon frère du piano et lui, mon papa, jouait dans un groupe de musique Kollywood. Nos oreilles ont été bercées par la musique depuis toujours, même si à la base on était nuls en technique (rires). Ensuite, en 2017 quand j’avais vraiment envie de faire des chansons je me suis dit que ce n’était pas une coïncidence que mon frère est producteur, alors autant que l’on fasse ça ensemble. Au départ on faisait plus du R’nB et directement après mon frère est arrivé avec l’idée d’y inclure des touches tamiles, ça s’est passé naturellement et on s’est dit «WOW on a trouvé la formule» et on a sorti «Good Love 2.0» et tout s’est enchaîné.

D’ailleurs «Good Love 2.0» est présent sur la bande-son du jeu FIFA 2021. En parlant de foot, vous avez suivi la suisse à l’euro?
Bien sûr que je les ai suivis, ça m’a même rendu fière, surtout lors du dernier match ou ils se sont battus comme des fous à 10 contre 11. Mais depuis qu’ils sont sortis, j’ai arrêté de regarder la compétition.

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Si vous deviez définir votre style pour ceux qui ne le connaissent pas, comment l’expliqueriez-vous?
Je l’appelle «Ragu wavy» parce qu’il mixe beaucoup de genres différents et surtout aussi parce que je n’ai pas envie de me limiter à la pop ou au R’nB ni à aucun autre genre. Il y a tant en moi que je dois encore découvrir et je me réjouis d’explorer encore plus de facettes. C’est vrai que dans mon album à venir, il y a vraiment de tout, un peu comme avec mes looks ou je m’amuse à piocher entre l’Inde et les tendances d’ici. Je m’éclate à faire tout ça (rires)!

Évidemment vous n’êtes pas elle, mais beaucoup vont de tenter la comparaison avec M.I.A.. Que pensez-vous d’elle?
Évidemment, car il n’y a aucune autre chanteuse à qui me comparer n’est-ce pas? Je pense que c’est un honneur déjà, ensuite sa personnalité m’a plus inspiré que sa musique. La manière sans peurs dont elle a abordé et mis en lumière certaines problématiques liées à nos origines ethniques c’est admirable. C’est une femme forte et elle a ouvert la voie à des artistes comme moi. Ensuite, pour le côté «militante» je pense que chacun fait les choses à sa manière et pour ma part, oui, ça fait partie de mes responsabilités mais je le ferai d’une manière artistique.

Et maintenant la suite artistique, c’est «Damnshestamil» votre premier disque qui sortira bientôt, vous êtes excitée, que ferez-vous ce jour-là?
Oui, la sortie est prévue pour le 3 septembre! Ce jour-là je jouerai en première partie du groupe Jungle à la Brixton Academy, donc on peut dire que c’est cool et que ça va être une fête!

«Damnshestamil» de Priya Ragu, disp. le 3 septembre 2021 | Warner Music
Photo: Warner Music
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