Elon Musk à la tête du Département de l'efficacité gouvernementale est devenu depuis janvier le «tsar» des dépenses publiques. Le milliardaire et allié de Donald Trump est parti en croisade contre ce qu'il estime être «le gaspillage gouvernemental», en taillant et licenciant partout. Pourtant, avant de devenir l'homme le plus riche du monde, il a largement profité de ces mêmes aides pour sauver ses entreprises. Ironie du sort: il est un des plus grands bénéficiaires de l’argent des contribuables.
Une enquête embarrassante pour Elon Musk, publiée le mercredi 26 février, par le «Washington Post» révèle qu'au cours des 20 dernières années, il a reçu au moins 38 milliards de dollars (34 milliards de francs suisses) du gouvernement américain. Cette somme colossale a pris la forme d’aides, de financements et de commandes publiques pour son entreprise de voiture électrique Tesla (près de 15,7 milliards de dollars) et sa société aérospatiale SpaceX (environ 22,6 milliards).
Plus frappant encore, les deux tiers de ces sommes ont été accordés sous l’ère Biden, avec un record de 6,3 milliards en 2024. Pourtant, Elon Musk veut aujourd'hui couper dans sept agences gouvernementales.... engagées contractuellement avec ses entreprises.
Musk implore le gouvernement
Dans les années 2000, Elon Musk mise sur la voiture électrique et l'espace. Pendant plusieurs années, il évite de justesse la faillite. En 2010, le Département de l'Energie octroie un prêt de 465 millions de dollars à Tesla. «Tesla n’aurait pas survécu sans ce prêt», confie un ancien cadre de l’entreprise au journal américain.
Cette aide lance la machine en permettant au Sud-Africain de développer son Model S et de racheter une usine dans la baie de San Francisco à 42 millions de dollars, valorisée en réalité à un milliard. Six mois plus tard, son entreprise entrait en bourse.
Elon Musk aurait lui-même souligné les défis auxquels faisait face Tesla avant l'aide gouvernementale. Dans des emails publiés par Free Beacon, celui-ci implore la cheffe de l'agence de l'environnement de lui venir en aide. «Tesla a lutté pour sa survie au cours de l'année écoulée et puis, juste au moment où nous pensions que tout irait bien, un problème est apparu», écrit celui qui est aujourd'hui l'homme le plus riche du monde.
Cette aide a depuis été remboursée par l'entreprise d'Elon Musk qui s'était fendu d'un communiqué remerciant le ministère de l'Energie et le Congrès. Mais surtout «le contribuable américain d'où proviennent ces fonds».
Des bénéfices grâce au carbone
Depuis 2014, un tiers des 35 milliards de dollars des bénéfices de Tesla provient de la vente de crédits réglementaires fédéraux et étatiques à d'autres constructeurs automobiles. Aux Etats-Unis, le gouvernement impose aux constructeurs de voitures des quotas de CO2. Et les entreprises qui produisent des voitures très polluantes doivent en acheter auprès de constructeurs qui vendent des voitures à zéro émission.
Ces crédits ont permis à Tesla de devenir rentable en 2020. Sans eux, l'entreprise aurait perdu 700 millions, marquant une septième année consécutive sans bénéfice.
Le gouvernement a aussi encouragé l’achat de véhicules électriques en offrant un crédit d’impôt de 7500 dollars par voiture. Une aide qui a contribué au succès de Tesla. Mais maintenant qu’il domine le marché, Elon Musk réclame la fin de ces subventions.
La NASA à la rescousse
Fondé en 2002, SpaceX reçoit 278 millions de dollars de la NASA en 2006, alors qu’il n’a encore rien mis en orbite. Après son premier succès en 2008, l’agence américaine lui accorde 1,6 milliard.
«Je suis incroyablement redevable à la NASA d’avoir soutenu SpaceX, alors que mes fusées s’étaient crashées. Je suis [son] plus grand fan», clamait Elon Musk, en 2016, au Congrès international de l’astronautique, au Mexique. Au total depuis 2003, la NASA a injecté 14,9 milliards de dollars dans les entreprises de Musk.
La présidente de SpaceX, Gwynne Shotwell, a reconnu dans une interview en 2013 que l'entreprise «serait probablement en train de boiter» sans le soutien de l'agence américaine. Ce soutien a d'ailleurs participé au développement de Starlink, un service Internet par satellite, qui aurait engrangé en 2024 9,3 milliards de dollars.
Alors aujourd’hui, voir Elon Musk s’attaquer aux dépenses publiques semble quelque peu culotté. Il taille dans un système qui l’a pourtant sauvé à plusieurs reprises. Sans ces financements, ses entreprises auraient pu disparaître. Grâce à l'Etat américain, le natif sud-africain a réussi à devenir l'homme le plus riche du monde.