Insatisfaction, perte de sens…
La Gen Z ne veut plus vivre ces 5 choses dans le monde du travail

D'après l'OFS, un quart des 15-24 ans rapporte une perte de sens professionnel, avec une baisse du sentiment d'utilité. Voici comment la Gen Z remodèle le monde du travail et ce qu'elle n'accepte plus de subir.
Publié: 16:03 heures
D'après l'OFS, un quart des jeunes actifs semble actuellement souffrir d'une certaine perte de sens dans le domaine professionnel.
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

«Les jeunes n'en ont jamais eu aussi marre du travail», martelait «Business Insider», fin janvier 2025. À l'origine de cet alarmant constat se trouve un grand sondage Gallup révélant que seuls 31% des employés américains se sont réellement sentis engagés dans leur poste, durant l'année 2024. Les 69% restants seraient donc démotivés et lassés de tout, un peu comme des plantes fanées vivotant dans un recoin sombre de l'open space…

En Suisse, un tout nouveau rapport de l'OFS souligne une tendance comparable: parmi les 15-24 ans, l'impression générale d'avoir un travail «utile» a baissé d'environ 6% depuis 2012. En d'autres termes, un quart des jeunes actifs semble actuellement souffrir d'une certaine perte de sens dans le domaine professionnel. Sans parler d'un spleen collectif, ces chiffres relèvent un shift notable, depuis que les nouvelles générations se sont hissées dans le wagon de la vie professionnelle. 

Une phase d'«errance» est normale

Jon Schmidt, psychologue FSP et auteur de l'ouvrage «Adolescence en quête de sens», tend cependant à relativiser ce phénomène: «Il est courant de voir des adolescents confrontés à des doutes et à des questionnements sur le sens qu’ils souhaitent donner à leur vie, tant sur le plan personnel que professionnel.»

Selon le psychologue, le jeune doit «se perdre» pour mieux se retrouver et opérer la transition identitaire de l'enfance vers l'âge adulte. Une phase d'«errance» est donc totalement normale, bien que ces périodes puissent s'avérer plus longues aujourd'hui, en raison des mutations que connaît le monde professionnel: «Je pense notamment à l'essor de l’intelligence artificielle, l’impact durable de la pandémie sur certains secteurs d’activité ou encore les conséquences des catastrophes naturelles», liste notre intervenant.

Face à un monde transformé, la Gen Z semble effectivement réfuter certaines «normes» avec lesquelles ses collègues plus âgés composaient sans (trop) broncher: 

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Des postes de management qui les épuisent

Une étude publiée dans la revue «Humanities and Social Sciences» démontre par exemple que la Gen Z souffre davantage des charges de travail excessives et des horaires prolongés, qui contribuent à renforcer son insatisfaction au travail. 

Après avoir vu leurs aînés, dont les Millénals, vaciller sous la pression, les plus jeunes souhaitent s'en protéger à tout prix, quitte à refuser certains postes de management. Ainsi que le soulignait «Fortune», 72% de la Gen Z préfère progresser individuellement dans son rôle, plutôt que de gravir les échelons. Le phénomène (surnommé conscious unbossing) est défini par un effort conscient d'éviter le surmenage, en laissant l'ambition de côté. Et en rejetant ne serait-ce que la mention d'une casquette de chef. 

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Une trajectoire qui ne les épanouit pas

Ainsi que le remarquait «The Economic Times» fin 2024, la définition d'un «job de rêve» est donc en train d'évoluer drastiquement avec la Gen Z, qui s'éloigne du prestige traditionnel pour prioriser le développement personnel et certaines valeurs profondes, comme le respect de l'environnement. Mais cette idée n'est pas encore pleinement intégrée dans nos sociétés, qui continuent de valoriser la renommée d'une entreprise et les évolutions hiérarchiques potentielles. 

Il faut donc savoir se libérer de toute influence au moment de choisir une carrière. Pour le Dr Michaël Mettraux, Chef de clinique du Département de psychiatrie du CHUV et de la Consultation psychothérapeutique pour étudiants à l'UNIL, une insatisfaction au stade professionnel pourrait venir, en partie, d'un manque d'exploration de certaines difficultés ou interrogations au niveau des études.

«Chez les étudiants, nous constatons en effet beaucoup de choix "par défaut", par "non-choix" ou par élimination, explique-t-il. L'étudiant est donc souvent là par intérêt, certes, mais sans réelles perspectives. Le problème est qu'une fois le diplôme en poche, la réalité les contraint souvent à en faire leur métier malgré tout.» Selon notre intervenant, il est essentiel que l'étudiant se projette concrètement en se posant les bonnes questions: «Ce travail de projection et de mentalisation est capital.» 

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Un mauvais équilibre entre le job et la vie privée

Pour lutter contre des niveaux de stress croissants (qui concernent 45% des membres actifs de la Gen Z, d'après la plateforme américaine «Owl Labs»), les jeunes imposent et normalisent certaines limites: par exemple, 20% d'entre eux ne répondent pas au téléphone en dehors des horaires de bureau, alors que leurs aînés se seraient sans doute rués sur leur smartphone. 

«C’est une génération qui valorise différemment la notion de travail et de profession par rapport à celles de leurs parents et grands-parents, confirme Jon Schmidt. La plupart des jeunes que je rencontre sont désillusionnés à l’idée de 'faire carrière'. Ils cherchent plutôt une activité professionnelle en adéquation avec leur mode de vie. Et comme ce dernier est en constante évolution, il n’est pas rare de voir des jeunes entamer une formation, puis l’abandonner brusquement pour en commencer une autre.»

Il peut toutefois s'agir d'un couteau à double tranchant: «L’anxiété liée à l’immensité des possibilités qui s’offrent à eux a peut-être remplacé l’angoisse de devoir réussir dans une seule voie», tempère le psychologue. 

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Une carrière parfaitement linéaire

En effet, la vie est loin d'être plus simple pour les Gen Z. «Je ne pense pas que les jeunes générations n'ont plus envie de travailler, mais qu'elles bénéficient de nombreux avantages et de chances, qui impliquent presque automatiquement de nombreux nouveaux défis et parfois d'illusions», analyse le Dr Mettraux. 

En parallèle du conscious unbossing, la presse américaine pointe également le revenge quitting, soit le mouvement des jeunes employés claquant la porte de leur premier job après avoir constaté des conditions de travail «toxiques» ou une structure trop rigide. Le magazine «Forbes» souligne en effet que la loyauté inébranlable n'est plus de mise chez la Gen Z, qui n'hésite pas à bifurquer de sa trajectoire initiale lorsque ses valeurs ou son bien-être ne lui semblent pas suffisamment respectés. 

Une étude américaine réalisée en 2022 démontre en outre que la santé mentale est l'une des causes principales de cette vague de démissions, marquée par une difficulté croissante à «trouver sa place dans le monde», chez les 18-24 ans. L'OFS confirmait par ailleurs que les jeunes sont les plus nombreux à avoir changé d'emploi entre 2022 et 2023. 

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Un manque de flexibilité

Alors que les réseaux sociaux évoquent carrément l'office ghosting (ou «ghosting de bureau»), le télétravail n'est pas suffisant pour combler la Gen Z. Ce qu'elle veut, au fond, c'est la flexibilité, soit un rythme «hybride», souligne «Forbes». Si le contact social est absolument indispensable, surtout après le choc des différents confinements, la simple liberté de pouvoir travailler à la maison reste importante.

Dans un autre sondage réalisé par Kettle juste après la pandémie, la moitié des jeunes actifs américains décrétaient qu'ils quitteraient leur emploi sans hésiter si cette flexibilité ne leur était pas proposée. Preuve que c'est le combo des deux qui séduit la nouvelle génération d'employés.

Est-ce une bonne nouvelle ou pas?

Oui, la Gen Z esquisse de nouvelles limites inspirantes, dans un monde du travail de plus en plus complexe. Mais faut-il s'en réjouir?

Le Dr Mettraux prend un pas de recul: «Le monde du travail est possiblement plus 'dur', mais en même temps, nous n'avons jamais eu accès à autant d'aménagement, de solutions ou d'options comme le temps partiel et le télétravail. Personnellement, je pense que nous vivons surtout une époque de 'surabondance' de choix et nous constatons que cela impacte réellement la capacité à prendre des décisions, à s'y tenir sur la durée, et donc aussi la capacité fondamentale à renoncer.» 

Pour le spécialiste, les limites et le cadre sont de plus en plus attaqués, rejetés, vécus comme essentiellement maltraitants et néfastes pour le développement personnel: «Alors qu'à bonne dose, le cadre aide et permet de faire le tri. Trop de choix tue le choix et augmente clairement le sentiment d'insatisfaction, car il peut donner l'illusion que c'est toujours mieux ailleurs et que tout est accessible – ce qui n'est pas la réalité en fin de compte.»

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