«La Micheline – Bistronomie». Non mais quel rigolo, mon GPS: il minimise clairement le niveau de cuisine du restaurant d'Andrés Arocena, qui relève de la haute gastronomie plus que de la bistronomie. Pardonnons-lui, c'est un GPS, il n'y connait rien.
Après avoir cloué le bec à cette vulgaire machine, je me suis rendu à l'adresse qu'elle m'indiquait, à la gare des Eaux-Vives à Genève, afin de déguster en avant-première le menu 100% végétarien spécialement mis au point par le chef à l'occasion de la Veggie Week. Organisé du 1er au 16 juin, l'événement réunit 7 restaurants genevois parmi les meilleurs de la ville (6 étoiles Michelin, 100 points GaultMillau). Leur mission: proposer aux clients leur interprétation du végétarisme, version haute gastronomie.
La Micheline au Michelin
La Micheline, c'est une étoile Michelin. Très drôle, oui. Le restaurant n'est habituellement pas végé: d'origine basque, le chef Andrés Arocena aime cuisiner viandes et poissons. Pour lui, participer à la Veggie Week tient davantage «du défi» que du sacerdoce écologique. «Les légumes, c'est plus complexe [que les produits animaux]. Ils représentent une plus large palette de textures, de saveurs et de couleurs. Ça demande plus de temps de réflexion, plus de travail», confie-t-il.
Vérification faite dès les amuse-bouche, servis façon tapas, forcément, avec une sphérification d'olives de variété picual, ultra-puissante, fruitée et herbacée, avec une pointe d'amertume. «Il faut la déguster avec ce vermouth», conseille le maître d'hôtel Louis Badin en servant une lichette de Martini rouge de 1920, peu alcoolisé, au bénéfice d'élégantes notes aromatiques qui rappellent les noix fraîches. On se régale déjà de cette espiègle association qui donne le sourire.
À peine celui-ci effacé, le chef revient avec un somptueux velouté d'amandes à l'ail. Servi glacé, façon gazpacho, il développe de délicieuses notes fumées qui, combinée à quelques (énormes) amandes entières bien croquantes, évoque la viande grillée, la surpassant allégrement. Servi dans une assiette qui rappelle une grande fleur blanche, c'est un plat de haute voltige, plein de couleurs, une vraie promenade printanière qui, couplé à un txakoli, vin blanc basque minéral d'une grande fraîcheur, fait oublier un instant la météo exécrable. Oh, comme j'aurais voulu déguster ça au soleil!
Du bulbe aux feuilles, un dessert tout-céleri
Je ne voudrais pas vous spoiler tout ce qui se trouve dans ce menu Veggie Week, proposé à 135 francs – un œuf parfait d'une époustouflante élégance vous attend, de même qu'un nuage de burrata à la tomate, entre autres joyeusetés – mais disons tout de même deux mots sur le dessert.
Servir une déclinaison de céleri du bulbe à la feuille, c'est déjà d'une audace certaine. Mais régaler les convives avec, c'est du génie! La racine devient une douce ganache crémeuse, les tiges un sorbet frais et acidulé. Quant aux feuilles, elles sont mises à contribution dans un coulis d'un vert intense, frais, avec une finale poivrée. «En Suisse, les gens n'aiment pas le céleri, sourit le chef. Moi, j'adore ça, et j'ai voulu le travailler dans son intégralité.» Végé ou pas végé: ça reste un dessert qu'il sert depuis un an et demi. Mais il justifie à lui seul le déplacement.
Avec ce menu créatif, ingénieux, courageux qui jamais ne souffre de l'absence de viande ou de poisson, Andrés Arocena propose une cuisine végétarienne fraîche, joyeuse, comme on l'aime. On en veut encore! Hélas, ce menu a une vocation éphémère. «Il y a des plats sans viande ni poisson à la carte toute l'année. Et si un client végétarien ou végan en fait la demande, je m'adapte pour le satisfaire. Mais je ne veux pas faire de marketing sur le dos de la cuisine végétarienne.» Dommage: avec une cuisine aussi délicieuse, il aurait pu monter un sacré business!
La Micheline
Av. de la Gare des Eaux-Vives 3, Genève
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