Le printemps 2023 a montré à quel point un séisme bancaire aux Etats-Unis pouvait venir secouer l'économie mondiale, y compris la Suisse. Après que plusieurs banques régionales américaines se sont retrouvées en grande difficulté, la bourse a spéculé sur une possible chute de Credit Suisse. L'ancienne grande banque suisse a finalement dû être sauvée par l'UBS dans le cadre d'une reprise en urgence. Mais aujourd'hui, de l'autre côté de l'Atlantique, de nouveaux problèmes refont déjà surface.
Une nouvelle étude du National Bureau of Economic Research décrit un véritable scénario d'horreur si la banque centrale américaine (Fed) ne baisse pas bientôt ses taux d'intérêt. «Tant que les taux d'intérêt resteront élevés, le système bancaire américain sera confronté à un risque d'insolvabilité considérable», cite CH Media dans cette étude.
La poudrière de l'immobilier de bureau
Le danger vient cette fois du marché de l'immobilier de bureau, une branche qui a connu un énorme boom. Au début de l'année 2022, les immeubles de bureaux étaient évalués presque trois fois plus haut qu'il y a deux décennies. Puis les taux d'intérêt directeurs ont augmenté de cinq points de pourcentage en six mois, sonnant par la même occasion le glas de cet eldorado de béton. Les investisseurs se sont alors tournés vers d'autres placements.
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Une situation que la pandémie de Covid-19 est venue fragiliser encore davantage. Avec les mesures sanitaires, de nouvelles habitudes de télétravail se sont installées. Les taux d'inoccupation sur le marché de l'immobilier de bureau ont alors grimpé en flèche pour atteindre aujourd'hui encore 20 à 30 % dans certaines villes américaines. Les prix des immeubles de bureaux se sont effondrés, tout comme les ventes de ces surfaces.
Plus de 500 milliards de crédits concernés
En 2024, la situation pourrait devenir particulièrement délicate pour le secteur immobilier. De nombreux groupes doivent renouveler des crédits arrivant à échéance à des taux d'intérêt plus de deux fois supérieurs. Il s'agit d'un volume de 544 milliards de dollars. Selon les auteurs de l'étude, les banques pourraient toutefois fermer les yeux dans de nombreux cas. Pour 45% des biens immobiliers, les crédits dépassent la valeur des biens.
Le tableau est encore plus sombre pour 25% des crédits. Dans ce cas, les frais d'intérêts seraient même plus élevés que les revenus générés par les immeubles de bureaux. Le secteur lutte pour sa survie en 2024. Il représente donc également un véritable danger pour le secteur bancaire américain. Car depuis l'important redressement des taux d'intérêt, les banques sont assises sur des pertes d'obligations énormes, encore théoriques pour l'instant, de 2000 milliards de dollars. C'est ce qui avait déjà déclenché le séisme bancaire aux États-Unis au printemps 2023.
Les banques pourraient être emportées
La crise de l'immobilier de bureau pourrait entraîner des retards de paiement de 10 à 20% des crédits dans les banques. Les auteurs de l'étude prévoient des défaillances possibles de 80 à 160 milliards de dollars. Les banques pourraient être contraintes de vendre une partie de leurs obligations à bas prix. Les pertes sur celles-ci seraient alors soudainement réelles. En cas de vente, la moitié des banques américaines, soit environ 2400 banques, seraient menacées d'insolvabilité.
Un scénario d'horreur qui, comme au printemps 2023, menace les clients des banques d'un bank run, une ruée bancaire. A l'époque, plusieurs banques régionales américaines avaient fait faillite ou avaient dû être sauvées. Les clients pourraient à nouveau mettre leurs dépôts bancaires en sécurité, ce qui aggraverait encore les problèmes des banques. En raison de la grande importance des banques américaines pour l'économie mondiale, cela aurait très probablement aussi des conséquences pour la place bancaire européenne et suisse. En effet, les banques locales et les établissements américains se mettent mutuellement à disposition des liquidités qui ne seraient pas remboursées en cas d'insolvabilité – ce qui pourrait entraîner d'énormes pertes pour les banques européennes et suisses.
Les banques centrales sont donc mises au défi. Si elles abaissent leurs taux directeurs à temps, elles pourraient désamorcer cette situation délicate. Dans le cas d'un éventuel bank run, elles devraient à nouveau prendre des mesures rapides afin de rétablir la confiance des clients.