De -0,75% il y a moins d’un an, les taux d’intérêts directeurs ont été successivement relevés par la Banque nationale suisse (BNS) à -0,25 puis 0,50 et même 1% en décembre 2022. Cette mesure visant principalement à lutter contre le risque d’inflation n’est pas sans conséquences pour le marché immobilier. En effet, les banques se calquent sur les taux directeurs pour déterminer les taux hypothécaires, c’est-à-dire les taux auxquels elles prêtent les fonds nécessaires à l'achat d'un bien immobilier. Même s’ils sont légèrement redescendus depuis le pic atteint courant 2022, ces taux d’intérêts sur les prêts immobiliers se maintiennent à des niveaux jamais vus depuis 2011.
D’ordinaire, la hausse des taux d’intérêts hypothécaires fait baisser le prix du marché de l’immobilier, mais en Suisse, le déséquilibre entre offre et demande est tel que cet effet peine à se faire ressentir. «Nous n’avons pour l’instant pas constaté de fléchissement des prix de l’immobilier et, si cela se produit dans les prochains mois, cela restera sans doute limité sur l’ensemble du territoire national», confirme Michel Fleury, économiste chez Raiffeisen.
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En outre, la hausse des taux d’intérêt se traduit par un renchérissement de l’emprunt hypothécaire. En clair, l’argent est toujours accessible, mais les prêts seront octroyés moyennant des intérêts plus élevés: «Le crédit hypothécaire est environ deux fois plus cher qu’il y a un an, ce qui rend les achats immobiliers, déjà très onéreux en raison d’une offre largement inférieure à la demande, encore moins attrayants.»
Par ailleurs, il est attendu que la BNS annonce un nouveau relèvement des taux directeurs lors de sa prochaine réunion en mars. «Il s’agira vraisemblablement d’une hausse de 0,25 ou de 0,50 point de pourcentage. Le coût de l’argent va donc continuer d’augmenter ces prochains mois, en particulier s’agissant du taux SARON (qui suit le prix du marché monétaire). «Les taux fixes, déjà très élevés (ndlr: autour de 3% pour une hypothèque à 10 ans) devraient toutefois rester stables ou n’augmenter que très légèrement», estime Michel Fleury.
La tentation de l’immobilier «de rendement»
Pour compenser la hausse des taux d’intérêts à l’achat, ceux qui souhaitent investir dans un bien immobilier pour le mettre en location et en tirer des rendements pourront bientôt augmenter les loyers. Mais cela suppose bien évidemment que l’achat ne serve pas à se loger soi-même. On parle alors d’immobilier «de rendement».
«Le droit du bail prévoit que les loyers suivent l’évolution des taux d’intérêt hypothécaires», rappelle Michel Fleury. En d’autres termes, si les taux hypothécaires baissent, les propriétaires sont censés accorder des baisses de loyer, mais ils peuvent tout à fait augmenter le prix du loyer si les taux montent. En l’état actuel, toutefois, ces hausses de loyer n’interviendront probablement qu’à partir de l’été prochain: «L’adaptation du taux de référence, déterminant pour les modifications de prix de loyer, a pris un retard considérable pour des raisons techniques.»
Acheter à la ville ou à la campagne?
Dans un tel cas de figure, ne vaut-il pas mieux se tourner vers les régions périphériques, où les prix de l’immobilier sont moins élevés? «Pas forcément, cela dépendra de plusieurs facteurs et du risque que l’on est prêt à assumer, nuance Michel Fleury. Il ne faut pas oublier que la hausse des taux d’intérêt n’épargne aucune région, puisqu’elle relève de la politique monétaire nationale, et que les prix de l’immobilier n’ont pratiquement pas réagi, quelle que soit la région.»
Pour le spécialiste, un logement dans un centre urbain est certes plus cher, mais n’a pratiquement aucune chance de rester vacant contre le gré du propriétaire: «Si vous achetez un appartement à Genève, le rendement sera effectivement moins élevé que dans le Jura ou le Valais. Cependant, la demande est nettement moins forte dans les régions périurbaines, tandis que le risque de ne pas de trouver de locataire en ville est quasi-nul.»
En outre, la loi exige davantage de fonds propres pour les achats de rendement que pour les achats d’habitation. En clair, la banque ne peut vous prêter de l’argent que si vous disposez déjà d’une certaine somme, calculée en pourcentage du prix du bien que vous souhaitez acquérir. Dans le cas d’un achat d’habitation, où le propriétaire achète un bien pour s’y établir, ce pourcentage s’élève à 20%. «Dans le cas d’un bien de rendement, il vous faudra au moins 25% de fonds propres. En outre, ces fonds doivent être 'durs', c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être issus de votre 2e pilier.»
Un investissement cher en fonds propres… et en travail!
Les investissements immobiliers restent une forme sûre en matière de valeur et de rendement, mais il existe tout de même quelques écueils à bien prendre en compte.
«D’une part, cela nécessite une somme importante, explique Michel Fleury. Même pour acheter un bien dans une région périphérique, il vous faudra probablement entre 125’000 et 175’000 francs de fonds propres, pour un logement de 100 mètres carrés, ce qui peut se révéler rédhibitoire pour bon nombre de candidats, d’autant que dans ce cas, l’argent ne peut pas être puisé dans les fonds de retraite.»
D’autre part, l’économiste met en garde contre la concentration du patrimoine: «Quelqu’un qui investit dans l’immobilier a de grandes chances que cela devienne une partie considérable de son patrimoine, ce qui revient en gros à mettre tous ses œufs – ou presque – dans le même panier. Or, on sait que les meilleurs investissements sont les plus diversifiés.»
Enfin, mettre un bien immobilier en location, c’est un peu comme un travail à temps partiel, car les tâches inhérentes sont nombreuses et parfois lourdes: «Le propriétaire est responsable des tâches administratives et de l’entretien. Pour les non-spécialistes, ce type de tâches peut prendre beaucoup de temps et d’énergie. On peut bien sûr déléguer le tout à une régie immobilière, mais cela coûte en général assez cher.»
En collaboration avec LargeNetwork