Vous avez accumulé votre épargne sur votre compte en banque. Peut-être cet établissement a-t-il fait crédit à votre entreprise. Dans quelle mesure votre argent est-il en sécurité? Dans quelles circonstances une banque peut-elle faire faillite? Tour d’horizon des différents cas pouvant menacer ou fragiliser la solvabilité d’une institution financière.
Quels risques pour les comptes des clients?
En Suisse, si une banque se déclare en faillite, votre dépôt en tant que client(e) est garanti jusqu’à 100'000 francs. En d’autres termes, vous avez la certitude de récupérer vos premiers 100'000 francs d’avoirs déposés. Ensuite, pour tout ce qui va au-delà de 100'000 francs par compte, il n’y a pas de garantie.
Ces avoirs tombent dans la masse de la faillite de la banque, et pourront être récupérés par les clients lors de la répartition du produit de la faillite, mais sans certitude que cet argent puisse être entièrement recouvré. Pour que les banques puissent assurer cette protection de l’épargne des clients jusqu’à 100’00 francs par compte, elles sont tenues de détenir en permanence une réserve de capital à hauteur de 125% des dépôts assurés, selon la Finma (l’autorité qui régule les banques en Suisse).
Si les liquidités de l’établissement insolvable ne suffisent pas à couvrir l’obligation de garantie de la banque, il existe une «caisse» de garantie des dépôts créée par le secteur bancaire, appelée esisuisse, qui versera le complément. Elle dispose au maximum de 6 milliards de francs, ce qui lui permet de couvrir 60'000 comptes à 100'000 francs.
Exposition aux marchés financiers
Une banque qui n’est pas exposée aux marchés financiers (qui n’est pas active dans le trading sur les bourses internationales) sera préservée d’un risque important: le risque de marché. En effet, la prise de risques excessive sur les marchés boursiers représente l’un des principaux périls pour la solvabilité d’une banque, à savoir sa capacité à repayer ses dettes ou à couvrir ses pertes.
En 2008 par exemple, la débâcle d’UBS a été causée par sa forte exposition au marché américain des subprimes, ces crédits immobiliers risqués, qui se sont effondrés suite à la hausse des taux d’intérêt. Lorsqu’on parle d’«exposition», il s’agit dans ce cas du montant qu’avait investi la banque, pour son propre compte, dans ces titres défaillants.
C’est donc le montant qui peut être perdu, en partie ou en totalité. Ce montant figurait parmi les actifs du bilan. Lorsque la valeur de cet actif a chuté, les pertes ont englouti le capital de la banque, qui n’avait plus assez de capitaux (fonds propres) pour les couvrir. La Banque nationale suisse (BNS) avait alors procédé au sauvetage d’UBS en 2009, en sortant les actifs défaillants du bilan de la banque, afin de les gérer séparément. Débarrassé des actifs toxiques, le bilan d'UBS avait retrouvé une situation assainie.
Exposition de crédit
Un autre type d’exposition des banques peut mettre à mal leur solvabilité: leur rôle de créancier. Rares sont les banques qui n’ont pas d’exposition de crédit. Mais il y a des débiteurs beaucoup plus risqués que d’autres. Une banque peut par exemple avoir prêté de l’argent à un gros fonds spéculatif qui a fait faillite, à un pays au bord du défaut de paiement, ou à une plateforme de cryptomonnaies en faillite.
Ces trois cas se sont présentés ces dernières années. En 2020, Credit Suisse et d’autres banques ont prêté jusqu’à 80 milliards de dollars, sous forme d’instruments dérivés, à un fonds spéculatif nommé Archegos, afin qu’il puisse spéculer sur des titres technologiques. Les banques détenaient les titres en son nom. Les titres ont chuté, et le fonds a fait faillite en mars 2021. Goldman Sachs a pu liquider ses parts à temps, mais Credit Suisse y a perdu 5,5 milliards de dollars. Sa solvabilité n’a pas été sérieusement mise en cause, car la banque avait assez de capital pour couvrir ses pertes, mais des rumeurs d’insolvabilité ont suffi à générer des départs de clients de la banque.
Insolvabilité des banques européennes
En 2010-2012, la crise de la dette grecque a fait craindre l’insolvabilité des banques européennes, car elles avaient prêté beaucoup d’argent à Athènes. Mais l’intervention du FMI pour aider la Grèce, et celle de la Banque centrale européenne (BCE) pour stopper la spéculation agressive des hedge funds contre les titres des banques européennes, a permis à ces dernières de rester suffisamment capitalisées pour couvrir leurs pertes. Elles ont mis quelques années à reconstituer un capital suffisant.
Enfin, la faillite spectaculaire de la bourse de cryptomonnaies FTX cette année n’a pas été sans conséquences pour les banques. Fin janvier 2023, on apprenait que plusieurs grandes banques avaient prêté de l’argent à FTX. Reste à connaître la taille de l’exposition. Des établissements comme BNP Paribas, Société Générale, Goldman Sachs ou Deutsche Bank pourraient être fragilisés par ces pertes, même si le risque de faillite reste éloigné. Des prêteurs de petite taille ont en revanche dû déposer le bilan après la faillite de FTX.
Qualité du bilan
Lorsqu’on dit qu’une banque est fragilisée, de quoi parle-t-on? De la qualité de son bilan. Lorsqu’une banque encourt des pertes, c’est le capital dont elle dipose (sur son bilan) qui lui permet de couvrir ces pertes. Si ce capital est insuffisant, la solvabilité est menacée. C’est alors une spirale négative qui s’enclenche. Des actionnaires perçoivent un risque de faillite, et vendent l’action de la banque. Or souvent, les actions font partie des fonds propres qui composent le capital d’une banque. Plus la valeur de ses actions baisse, moins son bilan est capitalisé.
Un bilan de bonne qualité contient des actifs solides. La catégorie de capital la plus sûre est le cash. Ensuite viennent les obligations et les actions. Puis il existe des variétés de capital autorisées, mais moins sûres, qui permettent de répondre aux exigences réglementaires, sans être aussi solides.
Un exemple: les «CoCos », ou obligations convertibles conditionnelles. Cette catégorie de capital a été autorisée après la crise de l’euro de 2010-2012, pour aider les banques européennes à se recapitaliser. Il s’agit d’emprunts que la banque émet à destination d’investisseurs externes et qui, en cas de besoin, peuvent être convertis en actions pour absorber les pertes. Comme c’est une dette moins bien notée, le taux d’intérêt est plus élevé.
En émettant des CoCos, les banques paient donc des taux plus élevés, mais transfèrent le risque de crédit à des investisseurs externes au lieu de le porter elles-mêmes. Quant aux investisseurs qui détiennent ces obligations, ils touchent un coupon régulier, mais en cas de crise, ils risquent de recevoir des actions de la banque qui baissent, et ils ne seraient pas considérés comme créanciers prioritaires en cas de faillite de la banque. En outre, il est difficile pour les investisseurs de vendre ces CoCos quand ils le veulent, car le régulateur peut s’y opposer pour des raisons de solidité financière de la banque concernée.
Les actifs hors bilan
Le bilan d’une banque est un reflet de sa santé financière. Mais il faut également regarder ce qui n’est pas comptabilisé au bilan. À savoir les actifs «hors bilan».
On trouve généralement ces actifs dans les notes et annexes des rapports annuels des banques. Pourquoi s’intéresser au hors-bilan? Car ces actifs, en cas de crise, engageront la banque à un niveau ou un autre. C’est donc un risque caché. Typiquement, les instruments dérivés peuvent être comptabilisés hors-bilan. Or, ils peuvent représenter un risque de liquidité (rapidité à les vendre), un risque de marché (variations de prix) ou de contreparties (santé de l’autre partie à la transaction), des risques pouvant s’avérer fatals.
Par exemple, une banque peut détenir des actifs qui deviennent soudain illiquides, c’est-à-dire invendables. C’était en ignorant les engagements hors-bilan de Lehman Brothers que le monde est passé à côté de la montagne de risques à l’origine de la plus grande faillite du secteur. Les actifs hors bilan sont désormais mieux contrôlés qu’en 2008, mais ils continuent de poser d’importants risques. Enfin, si l’on est un client de banque suisse, il n’est pas inutile de regarder l’exposition de celle-ci à des banques internationales qui, elles, seraient moins responsables ou moins bien dotées en capital.