Ce jeudi 31 octobre, Donald Trump n’a pas hésité à faire entrer les cryptomonnaies dans sa campagne présidentielle. Dans un tweet très lu et relayé, il a promis que s’il est élu, «la guerre de Kamala contre les cryptos cessera, et le bitcoin sera produit aux Etats-Unis».
Le post a été vu près de 17 millions de fois. Un court rallie s’est produit sur le prix du bitcoin, qui a approché son record de plus de 73'000 dollars, avant de glisser ensuite sous les 69'000 dollars: l’avance de Trump contre Harris semblait se resserrer fin d’octobre, et certains investisseurs en bitcoin prennent leurs précautions en vendant, en cas de victoire de Harris. Mais l’optimisme domine: les membres de la communauté crypto voient le bitcoin monter en flèche en cas de victoire de Trump. A l’instar de Cyrus Fazel, fondateur de Swissborg à Lausanne, qui sur LinkedIn a évoqué un prix de 80'000 dollars, voire une perspective à 150'000 dollars si les Etats-Unis favorisaient ce marché, voire décidaient d’accumuler des réserves en bitcoins.
L’influence des sites de paris
En attendant, il semble que la courbe de prix du bitcoin suive de près celle des chances d’élection du Républicain, devenu l’homme providentiel du secteur. Un site en particulier est très regardé: Polymarket, qui montre les paris présidentiels de la communauté crypto. Selon l’agence Bloomberg, ce site de paris électoraux des crypto-investisseurs a vu son influence augmenter fortement sur Wall Street. Car le monde de la finance est en quête d’indices (autres que les sondages) sur l’issue des élections, afin de se positionner de façon gagnante. C’est ainsi que des stratèges financiers n’hésitent pas à recourir aux probabilités données par ces sites de parieurs cryptos. La banque JP Morgan les utilise par exemple pour proposer à ses clients des paniers d’actions «long/short» («achat/vente») en fonction des probabilités de victoire le 5 novembre.
Ceci dit, il faut garder en tête que les sites pro-cryptos sont probablement biaisés en faveur de Trump, leur candidat ultra-favori depuis quelques mois, et manipulent les perceptions en gonflant ses chances de succès, mettent en garde des chercheurs. En outre, si le site Polymarket est basé à New York, il faut savoir que ses parieurs sont normalement basés hors des Etats-Unis (car les Américains ont l’interdiction de l’utiliser). Les paris qu’on y trouve ne reflètent donc pas les intentions de vote des Américains mais les vues d’une partie de la communauté financière. A ceci près qu’en réalité, l’interdiction de parier est souvent contournée par des traders américains grâce à des VPN (virtual private networks).
Sondages: pas forcément plus fiables
A ce jour, Polymarket donne 67% de chances que Trump gagnera. La plateforme surestime clairement ses chances de succès par rapport aux sondages nationaux, qui donnent Harris et Trump au coude-à-coude, mais les sondages sont également en perte de crédibilité, en raison de leur échec à prédire la première élection de Trump, entre autres. Parmi les autres grands sites de paris sur les présidentielles, on trouve Predictit et Kalshi, qui ne sont pas basés sur les cryptomonnaies, mais qui donnent également Trump gagnant:
Cela fait déjà quelques mois que Donald Trump a retourné sa veste concernant les cryptomonnaies, qu’il critiquait encore fortement en 2019. En juillet dernier, l’ex-président a soudainement adopté un discours très positif au sujet des cryptomonnaies, accusant les Démocrates de leur être hostiles. Il a indiqué par la même occasion qu’il acceptait les donations en cryptomonnaies. Ce qui n’a pas tardé à venir: les milliardaires Tyler et Cameron Winklevoss ont chacun contribué à sa campagne une donation de 1 million de dollars versés en bitcoin. Le tech entrepreneur milliardaire David Sacks, un grand fan des cryptos, a par ailleurs organisé dans sa maison une levée de fonds en faveur de Trump.
L’effet Elon Musk
Ce retournement de veste du candidat républicain au sujet des cryptos peut également s’expliquer par ses liens avec son principal donateur Elon Musk, grand supporter de la finance décentralisée, et qui a décidé de consacrer 120 millions de soutien à sa campagne. Outre l’intérêt évident qu’avait Trump à embrasser la communauté crypto, il a donc rejoint la position de son donateur clé, tout en s’offrant l’opportunité de conquérir un électorat aisé, financièrement éduqué, qui a démontré ses fortes capacités de mobilisation et d’activisme en ligne, et qui penchait jusque-là pour les Démocrates.
Divorce entre démocrates et crypto
Or les Démocrates ont déçu la communauté crypto, l’administration Biden ayant échoué à offrir des conditions cadres claires et attrayantes pour cette industrie aux Etats-Unis. Dans le contexte de l’arrestation de Sam Bankman-Fried, coupable d’une fraude d’ampleur inédite avec sa plateforme FTX, la génération des crypto-investisseurs adeptes des valeurs pro-démocrates de la Sillicon Valley est tombée en disgrâce. Pour Kamala Harris, le marché des cryptos doit être régulé avec prudence et la priorité n’est pas à courtiser ce secteur ni à solliciter des contributions de campagne auprès lui.
L’opportunité laissée à Trump était donc évidente, d’autant que la communauté crypto rejoint celle des libertariens qu’il courtise depuis ses débuts. A l’évidence, investir en cryptomonnaies relève généralement d’une idéologie pro-libertés qui trouve aujourd’hui davantage écho auprès de Trump que de Harris. Ce pari très marqué du marché des cryptos sur Trump signifie aussi un risque élevé d’effondrement du prix en cas de victoire de la candidate démocrate. Ces prochains jours: forte volatilité et fortes secousses au programme!