Levé de rideau et projecteurs allumés! La direction de Migros a surpris tout le monde lors de sa conférence de presse annuelle 2024 en quittant les sentiers battus pour s’installer… sous un chapiteau de cirque. Le slogan du jour: «Comedy, Concert & Circus». Une mise en scène inédite dans l’histoire centenaire du géant orange sous la houlette de son patron Mario Irminger.
Derrière cette opération se cachent à la fois du calcul stratégique et beaucoup de marketing. Mais l’événement est aussi chargé de symboles: le cirque itinérant du «Merci Tour» de Migros fait étape sur le site de la caserne de Zurich, là où l’entreprise a vu le jour il y a tout juste 100 ans. Un clin d’œil au passé, et une manière d’effacer une année noire marquée par des pertes importantes et de lourdes dépréciations.
Un numéro d’équilibriste sans filet?
Le décor prêtait aux jeux de mots: «Pourquoi tout ce cirque autour des chiffres de Migros?» Une question légitime quand on sait que le groupe a annoncé mardi une nouvelle charge de 440 millions de francs pour l’année écoulée.
Ces corrections de valeur sont liées à la vente des enseignes spécialisées, finalisée en 2024, parmi lesquelles Melectronics, SportX et Bikeworld. Sans oublier l’arrêt forcé de l’aventure à l’étranger de Migros Zurich avec la chaîne Tegut, un échec coûteux. Tegut est en cours de restructuration et devrait redevenir rentable d’ici 2026, faute de quoi elle sera vendue à perte.
Toutes ces charges exceptionnelles – plans sociaux, ajustements comptables et autres mesures – ont été inscrites dans les comptes 2023, pour permettre à l’exercice du centenaire de démarrer sur des bases assainies.
Les ventes suffiront-elles pour un nouveau départ?
Malgré ces pertes, Migros conserve une assise financière solide. Le groupe affiche des fonds propres de 17,6 milliards de francs, avec un taux de fonds propres proche de 80%.
Son bénéfice a d’ailleurs bondi à 419 millions de francs, contre seulement 175 millions l’an dernier – un résultat sauvé à l’époque uniquement grâce aux performances de la Migros Bank. Cette année, même sans sa branche financière, le groupe est de retour dans le vert.
Reste une question: les ventes des enseignes spécialisées comme les magasins Micasa et la fermeture des enseignes de bricolage Do-it suffiront-elles pour relancer la machine?
La nouvelle Migros s’articule autour de quatre piliers.
Pour rappel, Migros s'était perdue dans des activités annexes, avait connu une croissance sauvage et avait laissé le champ libre aux discounters Aldi et Lidl dans le commerce de détail. La pression de ces concurrents ne faiblira pas.
La direction de Migros est convaincue que la concentration sur l'activité principale avec les supermarchés sera payante à long terme, aussi bien pour les collaborateurs que pour les clients. Ainsi, après la grande transformation, le groupe mise désormais sur un recentrage autour de quatre pôles:
- Food Retail: les supermarchés Migros, Denner, Migrolino, Migrol (stations-service) et l’industrie Migros.
- Non-Food-Retail: Digitec Galaxus, la plateforme d’e-commerce
- Santé: Medbase (centres médicaux) et Movemi (centres de fitness)
- Services financiers: la Banque Migros
Au vu des parts de marché croissantes dans ces secteurs, cette stratégie semble cohérente. Dans les soins médicaux de base, Migros revendique déjà la place de numéro un. Mario Irminger affiche sa détermination: «Nous voulons retrouver l’appétit du succès.»
Pourtant, le chemin du retour au succès ne sera pas facile, confirme Nordal Cavadini, spécialiste du commerce de détail: «Le commerce de détail suisse continuera à faire face à une forte pression sur les prix et les marges dans les années à venir.» Pression sur les prix, parce que les consommateurs sont de plus en plus réticents. Pression sur les marges, parce que les coûts des marchandises, de l'exploitation et autres continuent d'augmenter.
Nordal Cavadini prévient: «De nouveaux gains d'efficacité seront indispensables pour les acteurs du secteur.» Cela vaut aussi pour le géant orange qui, fidèle à son slogan, entend «faire plus pour la Suisse».