Le Bâlois Yannik Zamboni
«Comment j’ai gagné 1 million de dollars dans la mode»

Vainqueur de l’émission américaine de téléréalité «Making the Cut», le créateur bâlois Yannik Zamboni a touché le jackpot. Après avoir présenté sa collection à la Fashion Week de New York, il s’apprête à lancer sa propre ligne de parfums.
Publié: 21.10.2022 à 08:17 heures
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Dernière mise à jour: 21.10.2022 à 15:14 heures
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Début septembre, Yannick Zamboni a remporté l'émission américaine «Making the Cut».
Photo: James Clark/Prime Video
Trinidad Barleycorn

«L’année dernière, je confectionnais seul, un habit après l’autre, pour ma marque de prêt-à-porter, baptisée Maison Blanche. Aujourd’hui, les commandes affluent par milliers.» Yannik Zamboni, 36 ans, a connu une ascension fulgurante dans le monde de la mode. Le 14 septembre, le créateur bâlois a présenté sa collection 2023 à la Fashion Week de New York. Paper Magazine l’a encensé, qualifiant son défilé de «show le plus cool de cette Fashion Week». Un succès international rendu possible par sa victoire dans l’émission américaine de la top model Heidi Klum, «Making the Cut», qui pour la troisième fois cette année cherchait le «meilleur styliste» au cours de 10 épisodes diffusés sur Prime Video.

En remportant la finale, Yannik Zamboni a gagné un million de dollars et un contrat avec Amazon, qui fournit et gère la plateforme où il vend désormais ses créations. Le géant américain et le styliste suisse ont également créé la marque de prêt-à-porter Rare/Self: il dessine les vêtements, l’équipe d’Amazon donne son avis. «Mais pour Maison Blanche, je décide de tout. La marque m’appartient toujours à 100% et je suis complètement libre», précise Yannik Zamboni.

Ses gains, le couturier les a entièrement investis dans sa marque et sa première collection. On y retrouve certains des looks qui ont fasciné le jury de «Making the Cut» ainsi que les pièces originales que Yannik portait sur le tournage. «Ma marque, c’est mon bébé. Ma priorité, c’est de lui permettre de grandir. J’ai donc fait deux choses immédiatement après ma victoire, j’ai engagé un comptable et un avocat. Je n’ai jamais travaillé avec de telles sommes et je voulais être sûr de ne pas faire d’erreur. Ensuite, j’ai confié mes relations presse à une agence, engagé une assistante et deux stagiaires.»

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Du renfort dont Yannik n’aurait pu rêver il y a tout juste un an, quand il peinait à payer les factures de son atelier, ouvert à Zurich en plein semi-confinement. «J’ai obtenu mon bachelor la veille du premier lockdown. Impossible de se rendre à l’étranger pour travailler dans la mode. Je n’avais que deux options: me mettre à mon compte ou m’inscrire au chômage.» Il crée alors Maison Blanche. Un nom qui lui va comme un gant. Toujours vêtu de blanc, sourcils, maquillage et vernis blanc, Yannik Zamboni ne crée quasiment que dans cette teinte, devenue sa signature: «Je veux convaincre uniquement par le design et la coupe. Les couleurs détournent l’attention.» Ses influences? «Martin Margiela, Rei Kawakubo, Rick Owens, mais aussi des personnes plus jeunes comme Elena Velez. Je porte leurs vêtements quand ils existent en blanc. Sinon, je porte mes créations.»

Des créations non genrées et durables

Sa marque – Yannik qui a souffert de se sentir différent dans le hameau bâlois dans lequel il a grandi – l’a voulue all gender inclusive. Lui-même s’identifie sans préférence aux pronoms il, elle et iel. «Le sexe n’a jamais été binaire, alors pourquoi la mode devrait l’être? Chacun devrait pouvoir porter ce qui le rend heureux ou heureuse. Je ne crée pas pour des hommes ou des femmes, mais pour des humains. Je ne veux exclure aucun genre, ni les intersexes, ni les transgenres.» Pour envelopper tous les corps, Yannick aime l’oversize. Et pour ses pièces qui sculptent la silhouette, il propose différentes versions, disponibles par exemple pour un corps avec poitrine ou sans.

Il qualifie son style d’anti-fashion, anti-standards de beauté et surtout de durable. Un point sur lequel il ne transige pas depuis qu’il a appris durant ses études que la mode représente le deuxième secteur le plus pollueur au monde. «J’essaie d’exclure toute matière synthétique, de ne travailler qu’avec des fibres naturelles. Mon but est d’arriver bientôt à réaliser une collection Maison Blanche où toutes les pièces seraient compostables. Quant à Rare/Self, tout est Climate Pledge Friendly, un label d’Amazon pour les produits qui ont amélioré au minimum un aspect de durabilité.»

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S’associer avec Amazon, le géant de la distribution et du streaming, ne semble-t-il pas contradictoire avec la démarche? Yannik s’en défend avec conviction: «Ils respectent mon point de vue et savent aussi que le «sustainable», c’est le futur. J’espère pouvoir être un modèle et je crois qu’on a davantage d’occasions de changer un système aussi grand de l’intérieur que de l’extérieur.» Le Bâlois a aussi tenu à visiter les lieux de production de Rare/Self en Inde afin de s’assurer qu’ils sont conformes à ses exigences. Il prévoit de se rendre, dans le même but, à Hong Kong où sont confectionnés les articles de Maison Blanche. Dans un futur proche, il lancera une ligne haute couture qui sera, elle, entièrement Swiss made.

En pitchant son projet dans «Making the Cut», Yannik Zamboni avait estimé que Maison Blanche pourrait être un nom important de la mode en 2028. Il semble bien parti pour être en avance sur ses prévisions grâce à la téléréalité américaine, produite par Hello Sunshine, la société de Reese Witherspoon. Et dire qu’il a failli ne jamais s’inscrire: «Je ne connaissais pas ce programme. J’ai jeté le premier mail m’invitant au casting. Quand j’ai reçu le mail pour la seconde fois, je l’ai ouvert et là, j’ai vu que le premier prix était 1 million de dollars! J’avais déjà essuyé huit refus auprès d’organismes de financement. Alors, je me suis inscrit.» Suivent six semaines de sélections au terme desquelles le Suisse, ainsi que cinq candidats américains, une Chinoise, une Anglaise, un Brésilien et un Canadien, sont retenus pour le tournage à Los Angeles qui a eu lieu entre décembre 2021 et janvier 2022. «Je me suis senti bien dès le premier jour. Je recommande cette émission à tous les créateurs, car elle ne ressemble pas à d’autres téléréalités où on fait passer les gens pour des idiots. Il y est uniquement question de business et de design. Rien n’est scripté, tu fais simplement ton travail.»

Nouvelle collaboration avec Heidi Klum

Créer, Yannik Zamboni en avait toujours rêvé. Mais sur le conseil de ses parents, il avait choisi la sécurité et effectué un apprentissage d’employé de commerce dans une assurance. Sans conviction. Après son CFC, une agence de mannequin à Milan lui propose un contrat. Il saute sur l’occasion et parcourt le monde pendant six ans. «Je gagnais de quoi vivre, mais pas de quoi économiser. J’ai eu peur pour mon avenir et, en 2012, je suis rentré en Suisse suivre une formation dans le marketing. J’ai ensuite décroché un poste génial chez Procter & Gamble, mais l’envie de créer était toujours là.» Il démissionne et suit une formation d’un an intensif à l’École suisse du textile, puis décroche un bachelor en design de mode à la Haute école d’art et de design de Bâle.

L’avenir, Yannik Zamboni le voit toujours avec son bébé, Maison Blanche, devenu grand. Mais pas seulement: «Si j’arrive un jour à rassembler une équipe qui gère la marque comme je l’entends, je me verrais bien créer aussi pour d’autres.» Pour l’instant, trois échéances à court terme occupent tout son temps: une gamme de parfums non genrés, mise au point avec un parfumeur à Milan, qui verra le jour début 2023. Une collaboration avec Heidi Klum qui sera prochainement dévoilée. Et la mise au point du costume et du maquillage de cinéma qu’il portera à la soirée la plus courue de l’année: la célèbre fête d’Halloween du top model allemand à New York, où il côtoiera, fin octobre, la crème du showbiz.

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