Bon plan immobilier?
Comment devenir propriétaire grâce au viager

À quoi faut-il faire attention lorsque l’on achète un bien en viager? Les explications de Christophe Andrié, agent immobilier spécialiste de ce marché.
Publié: 15.02.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 15.02.2023 à 09:48 heures
Dans le business du viager, les vendeurs sont généralement âgés de 70 ans et les acheteurs d'au moins 20 ans de moins.
Photo: Shutterstock
Erik Freudenreich

Vendre un bien immobilier en échange d’un paiement unique et d’une rente régulière, tout en continuant d’y habiter jusqu’à son décès, c’est le principe de base du viager. Une formule qui demeure peu pratiquée en Suisse, mais qui suscite néanmoins un intérêt croissant.

«La hausse des taux hypothécaires et du coût de la vie, couplés à l’allongement de la durée de vie, jouent certainement un rôle dans le fait que davantage de propriétaires âgés se tournent vers cette solution, constate Christophe Andrié, expert-courtier chez l’agence Bien en Viager, basée à Yverdon-les-Bains (VD) et à Genève. Je réalise aujourd’hui entre trois et quatre transactions en viager par mois et notre société enregistre une croissance annuelle de 20%.»

Les éléments techniques

Lorsque l’on achète un bien immobilier en viager, il y a différents termes à comprendre. Le bouquet désigne un paiement unique, que le débirentier (l’acheteur) verse au crédirentier (le vendeur) au moment de la vente. Le bouquet représente une partie du prix d'achat total, en général environ 30% de la valeur du bien. Cette somme doit provenir des fonds propres de l’acheteur, car les banques prêtent rarement de l’argent pour ce type de transactions (le bien ne pouvant pas être saisi en cas de défaut de paiement en raison du droit d’habitation du vendeur).

La rente constitue un paiement régulier, par exemple 1500 francs par mois, que l'acheteur va verser au vendeur tant que ce dernier est en vie. Son montant est généralement déterminé en fonction de l'âge et de la situation du vendeur (couple, personne seule), de la valeur de la propriété et du taux d'intérêt au moment de la vente. Si l’acheteur meurt avant le vendeur, les héritiers légaux deviennent débiteurs de la rente viagère.

Les types de viager

Il existe deux principaux types de viager: le viager occupé et le viager libre. Dans le premier cas, le vendeur bénéficie d’un droit d’usage et d’un droit d’habitation pour la propriété et reçoit une rente mensuelle (dont seule une partie est imposable) jusqu'à son décès, moment où le bien devient la propriété de l'acheteur. «Le viager occupé représente le type le plus courant, et concerne 95% des transactions que nous effectuons», précise l’expert. Le vendeur doit en général être âgé d’au moins 70 ans, et l’acheteur avoir préférablement au moins vingt ans de moins. Le vendeur demeure responsable de l’entretien courant du bien durant cette période. L’acte notarié, établi au moment de la vente, protège des manquements de l’une ou l’autre partie.

Le viager libre désigne une variante dans laquelle le vendeur ne vit pas dans la propriété, qui peut alors être louée à autrui ou occupée par l’acheteur, qui devient responsable de son entretien. Là aussi, l’acheteur verse en principe une rente régulière au vendeur jusqu'à son décès, moment où la propriété change de mains. Dans le viager libre, le bouquet et la rente sont généralement plus élevés que dans le viager occupé, étant donné que la transaction n’est pas couplée à un droit d’usage et d’habitation.

Les deux types de viager ont des conséquences fiscales différentes pour le vendeur et l'acheteur, et qui varient par ailleurs entre les cantons. «Il est important de consulter un conseiller fiscal ou un avocat pour comprendre les répercussions financières et fiscales potentielles de chaque type de viager avant de procéder à l'achat», souligne une présentation réalisée par des spécialistes de la Chambre genevoise immobilière sur le sujet.

Les biens proposés

Chalet en Valais, villa dans le Jura ou appartement au centre-ville de Lausanne: on trouve de tout sur le marché du viager, et pour tous les goûts. «Les biens que nous proposons pourraient tout à fait se retrouver sur le marché traditionnel, souligne l’agent immobilier. À la différence qu’ils sont proposés entre 40% et 60% moins cher.»

Pour les vendeurs, se tourner vers le viager est souvent en premier lieu une question de confort. «Les personnes âgées n’ont pas à vivre le grand chamboulement d’un déménagement dans un plus petit logement, souvent compliqué dans ces années. D’autant que la remise induite par un viager ne leur coûte en définitive pas plus cher que le loyer d’une nouvelle location.»

Le profil des acheteurs

Les acheteurs en viager peuvent être des fonds de pension qui souhaitent diversifier leurs portefeuilles, des investisseurs institutionnels ou des privés qui cherchent à acheter une propriété pour leur propre usage ou pour générer des revenus locatifs à terme, ou encore acquérir une nouvelle propriété en vue de leur succession. Aussi, un fonds d'investissement dédié à ce type de biens, baptisé Viage, a été lancé récemment en Suisse romande.

«Certains acheteurs considèrent uniquement l’aspect financier, et investissent dans plusieurs bien à la fois, d’autres se permettent un achat coup de cœur qu’ils ne pourraient pas se permettre en payant le prix plein», précise Christophe Andrié. Mais l’aspect éthique entre aussi régulièrement en ligne de compte: «Pouvoir réaliser un investissement tout en permettant à une personne âgée de continuer à vivre comme elle l’entend est un élément qui revient souvent dans les discussions que nous menons. Il s’agit alors plutôt de gens dans la vie active, disposant d’un certain capital et pouvant se permettre d’attendre dix à quinze ans avant de bénéficier du revenu locatif de ces objets.»

Le potentiel du marché

La Suisse est un pays avec une population vieillissante, ce qui veut dire que la part des personnes cherchant à vendre leur propriété en viager pour générer des revenus pendant leur retraite va continuer à augmenter: «Le potentiel de croissance est là, même si cela va rester un marché assez spécifique.»

Du point de vue de l’acheteur, il est essentiel de bien faire ses calculs, savoir ce que l’on va investir et être sûr de pouvoir assumer les charges, même s’il est toujours possible de revendre un viager. «Il faut pouvoir réaliser un tel investissement sans se fixer d’impératifs, de la même manière que des versements effectués dans un 3e pilier, illustre Christophe Andrié. Aussi, il est indispensable de faire appel à des professionnels pour préparer et réaliser un tel achat, pour être sûr que tout soit fait dans les règles, que cela concerne la fiscalité, le montant du bouquet ou le versement de la rente.»

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