Une étude de l’EPFL met en lumière la manière dont certaines bactéries s'adaptent pour mieux coloniser nos voies respiratoires. Un équilibre difficile à trouver entre une propagation efficace et le développement d’une tolérance aux antibiotiques pour survivre.
Difficile de s'installer dans un endroit où l'on est constamment attaqué. C’est pourtant ce qui arrive à la bactérie Pseudomonas aeruginosa lorsqu’elle infecte les poumons, a indiqué l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) lundi dans un communiqué.
Connue pour causer des infections prolongées, notamment en milieu hospitalier, cette bactérie forme des biofilms, c’est-à-dire des amas enfermés dans une matrice autoproduite qui lui procure des avantages significatifs, notamment une protection contre les antibiotiques.
Mais les biofilms ont un coût: les bactéries en grappes perdent la capacité de se déplacer, de trouver des éléments nutritifs et de se propager efficacement. Une étude menée par l'équipe d'Alexandre Persat montre comment P. aeruginosa gère ce compromis.
Les bactéries passent pendant l’infection de l'état de biofilm à un état «planctonique» plus mobile pour se propager et accéder aux nutriments, en fonction des pressions environnementales auxquelles elle est confrontée, selon ces travaux publiés dans la revue Nature Microbiology.
Gènes identifiés
Les scientifiques ont cultivé les bactéries sur des «organoïdes», des modèles de tissus recouverts de mucus qui reproduisent les poumons humains. Plusieurs gènes importants pour la survie de la bactérie dans différentes conditions ont été ainsi identifiés: ceux qui contribuent à l’adaptation pendant la colonisation des muqueuses et ceux qui aident à tolérer les antibiotiques.
L’étude a révélé que P. aeruginosa s’adapte au mucus pulmonaire en s’appuyant sur les sucres et le lactate, des nutriments présents en abondance dans les poumons infectés. Cependant, pour survivre sur le mucus, la bactérie doit aussi synthétiser des nutriments essentiels mais moins disponibles, comme les acides aminés.
La formation de biofilms impose un «fardeau métabolique», selon les auteurs. Autrement dit, la production de la matrice collante qui maintient le biofilm consomme des ressources, ce qui ralentit la capacité de propagation des bactéries.
Ce nouvel éclairage sur les coûts métaboliques de la formation de biofilms explique comment la bactérie concilie croissance et tolérance aux antibiotiques. Une fois que les antibiotiques sont administrés, la formation de biofilms devient avantageuse, empêchant les bactéries d’être éliminées. Cette découverte ouvre la voie à l’exploration de nouvelles stratégies thérapeutiques, conclut l'EPFL.