Renoncer à la viande ou à d'autres produits d'origine animale pour l'environnement peut générer des sources de conflits lors du repas de Noël. Ronia Schiftan, psychologue de l'alimentation et des médias, nous explique dans une interview comment désamorcer de telles situations.
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Ronia Schiftan, pourquoi les familles se disputent-elles facilement à propos du repas de Noël?
Pour de nombreuses familles, un repas de fête doit être un moment particulier, le point culminant de l'année, le soir où toute la famille au complet se réunit. Cette attente élevée est souvent source de tensions et de stress. Différentes générations se réunissent, avec des valeurs, des identités et des états de santé différents. Par exemple, si le fils dit qu'il veut manger végétarien ou végétalien à Noël, cela peut déclencher une anxiété sociale chez les parents et les grands-parents. La peur que le fils s'éloigne de la famille, que celle-ci s'effondre. C'est une peur existentielle qui peut facilement donner lieu à des disputes.
Comment gérer des propos tels que «Tu mangeras ce que je te servirai» pour éviter d'en arriver à une dispute?
On se demande ce que la personne qui tient ces propos cherche vraiment à faire à ce moment-là. Parfois, une personne veut simplement entrer en contact et essaie de le faire en créant des frictions. On peut dire quelque chose comme: «Je vois que tu veux discuter de mon alimentation, je ne veux pas le faire aujourd'hui. Mais je suis content de te voir et de passer du temps avec toi.»
D'un point de vue psychologique, que se passe-t-il de positif lorsque la famille mange la même chose à Noël?
Le fait de manger ensemble une raclette, une fondue chinoise ou un filet en croûte est un moment de partage fort sur le plan émotionnel. C'est un rituel bien connu qui apporte au groupe soutien, orientation, sécurité et contrôle. Il est toutefois important de savoir que ce sentiment de convivialité tant attendu peut également se créer même si tout le monde ne mange pas la même chose.
Comment créer un sentiment de cohésion quand tout le monde ne mange pas la même chose?
La famille peut se demander ce qui les unit? Qu'est-ce qui fait plaisir à tout le monde? Est-ce le fait de jouer ensemble à un jeu de société, de recevoir des cadeaux? Partager de vieilles histoires de famille? Le plaisir de manger avec une fourchette à fondue? Cela peut aussi être le cas s'il y a deux caquelons à fondue différents.
Afin d'éviter les conflits autour du repas de Noël, on entend souvent ce dicton de l'ancienne génération: «On mange ce qu'on a sur la table.» Qu'est-ce qui se cache derrière cette expression?
Chaque culture alimentaire a un contexte historique et montre des évolutions sociales. Ce dicton reflète la réalité d'une génération qui a connu des pénuries alimentaires, comme pendant la guerre. Cette expression faisait tout son sens à l'époque, car il n'y avait que ce qui était servi. Manger ce qui était disponible était une question de survie.
Aujourd'hui, la pénurie alimentaire n'est plus un problème dans la plupart des familles. Pourquoi ce dicton n'a-t-il pas disparu?
L'attitude des gens à l'égard de la nourriture se forme très tôt, même inconsciemment, dès l'enfance. Changer d'attitude vis-à-vis de la nourriture est difficile, surtout en vieillissant, mais c'est possible.
Quels sont les défis actuels en matière de culture alimentaire?
Nous n’avons plus affaire à la pénurie, mais à l’abondance. Nous devons apprendre à écouter notre corps lorsqu'il exprime des besoins. La nourriture est un magnifique vecteur de culture. Mais il est important que nous ne menions pas de guerre de tranchées à ce sujet. Au contraire, nous devons partager ces moments conviviaux autour de la table dans le respect, le plaisir et la joie.