Une opération coup de poing
QoQa invente l'abonnement mobile qui paie ses utilisateurs

L'entreprise QoQa souffle seize bougies et annonce une offre choc dans Blick, quelques heures avant de la lancer. Le truculent Pascal Meyer, son directeur, explique les contours de cet abonnement mobile «révolutionnaire» et fait son examen de conscience. Interview.
Publié: 15.12.2021 à 17:17 heures
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Dernière mise à jour: 15.12.2021 à 17:35 heures
Pascal Meyer, directeur de QoQa, est un habitué des coups d'éclat.
Photo: Keystone
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

QoQa s’apprête à lancer une nouvelle opération coup de poing. Pascal Meyer, la loutre en chef — comme il se qualifie lui-même avec humour — de la société vaudoise spécialisée dans les ventes flash communautaires sait comment s’attirer la lumière des projecteurs.

Rappelez-vous. En 2011, pour ses 6 ans, la boîte installée à Bussigny avait mis en vente des Porsche 911… à moitié prix. Deux ans plus tard, en 2013, c’était cette fois des Rolex qui étaient bradées à 50%.

Pour ses 10 ans, l’entreprise star en Suisse romande marquait une nouvelle fois les esprits avec un abonnement mobile sans frais d’itinérance pour 40 pays. Le tout, à un prix — évidemment — imbattable. Aujourd'hui, au moment de célébrer le 16e anniversaire de son entreprise, Pascal Meyer veut aller encore plus loin dans le domaine de la téléphonie mobile, dévoile-t-il à Blick. Et le Jurassien compte bien secouer la branche comme personne avant lui.

Beaucoup de questions surgissent déjà. Pousser les gens à la consommation, comme le fait QoQa, n’est-ce pas un procédé qui fera très bientôt partie des vestiges du passé? Dans une société toujours plus consciente des enjeux environnementaux et qui exige une économie plus juste, peut-on toujours vendre tout et n’importe quoi grâce à une armée de pushs et d’actions choc? Interview du mythique entrepreneur au verbe coloré, qui détonne dans le petit monde de l’économie romande.

Vous allez lancer, selon vos propres mots, une offre «révolutionnaire». Dites-nous en davantage.
Dès ce mercredi 15 décembre à 22h, et durant 24 heures, nous allons offrir un abonnement de téléphonie mobile premium qui vous rémunère quand vous ne quittez pas la Suisse ni ses alentours. Je m’explique: aujourd’hui, avec un abonnement digne de ce nom, malgré les efforts des opérateurs, beaucoup de services sont toujours surtaxés: appeler quelqu’un qui se trouve à l’étranger, le roaming, etc. Notre idée, en partenariat avec Sunrise, c’est d’enlever tous ces soucis en proposant un abonnement qui vaut normalement environ 130 francs au prix de 39 francs. Cette offre, valable à vie, inclut un peu plus de 40 pays dans lesquels vous pouvez appeler et voyager sans aucun problème. Mais nous allons encore beaucoup plus loin. Vous toucherez 10 francs par mois si vous restez en Suisse ou dans les pays voisins. C’est tout simplement le premier abonnement, probablement au monde, qui vous paie.

Récapitulons. Un abonnement mensuel qui «vaut» 130 francs vendu au prix de 39 francs et qui en plus rémunère ses clients s’ils restent en Suisse ou dans les pays limitrophes. Où est l’arnaque?
Il n’y en a évidemment aucune. Et c’est ça qui est gênant aujourd’hui. Quand on essaie de faire quelque chose d’un tout petit peu innovant, d’un tout petit peu disruptif, tout le monde a des gros soupçons. Heureusement, dans le cas de QoQa, les gens nous connaissent. Ils savent que nous sommes là depuis seize ans et qu’avec nous ils ne sont pas bullshités.

Sur les 890’000 personnes qui composent votre communauté d’acheteurs, 100’000 ont déjà souscrit un abonnement mobile et/ou internet via QoQa moins avantageux que le nouveau. Votre nouvelle offre risque de faire grincer quelques dents, non?
Mais comment osez-vous me poser une question pareille? (Rires) Vous pensez vraiment que nous laisserions tomber les QoQasiens qui ont déjà acquis un abonnement? Bien évidemment qu’ils sont totalement éligibles pour cette nouvelle offre et qu’ils peuvent switcher. Nous avons prévu une quantité assez large d’abonnements, plus de 10’000 au total. Mais le but est aussi d’attirer de nouveaux QoQasiens. Donc si nous voyons qu’une très grande majorité des intéressés émane de notre communauté, nous pourrons encore en augmenter le nombre. Cependant, l’action, quoi qu’il arrive, sera uniquement valable durant 24 heures.

Avec cette offre, Pascal Meyer veut attirer des nouveaux «QoQasiens».
Photo: Keystone

Il est dur d’imaginer comment vous allez faire de l’argent avec cet abonnement à prix cassé. C’est un coup marketing? Un buzz orchestré?
Non. C’est lié à notre philosophie: nous voulons faire plaisir à un maximum de monde et pas uniquement à quelques-uns, avec un petit coup très restrictif par-ci par-là. Nous avons d’ailleurs refusé des offres plus lucratives qui ne correspondaient pas aux attentes de notre communauté. Mais attention. Si je vous disais que nous ne voulions pas faire d’argent, ça serait bien évidemment des conneries. Toutefois, quelqu’un qui aujourd’hui ne pense qu’au cash et veut juste s’en mettre plein les fouilles peut peut-être faire un coup une fois, mais mourrait très rapidement.

Comment faire pour durer alors?
Je préfère être honnête et dire qu’avec notre manière de faire nous gagnons vachement moins que d’autres, mais que nous arrivons à faire plus d’actions bénéfiques pour beaucoup de monde. Nous protégeons nos QoQasiens en les accompagnant individuellement et en les aidant au moindre pépin. C’est une histoire d’amour. Nous n’avons pas la vision standard du e-commerce, qui est de vendre son truc et puis «ciao bonne!»

En suivant cette philosophie et si ce modèle d’abonnement est véritablement rentable pour les sociétés qui le proposent, ne devrait-on pas espérer qu’il devienne un jour la norme?
C’est difficile pour une entreprise de téléphonie de se dire «je divise mes prix d’abonnement par quatre sur toute ma base clients» avec la qualité du réseau à assurer et les différents frais de fonctionnement. En Suisse, les gens veulent une certaine disponibilité et sont prêts à mettre le prix. Avec QoQa, l’avantage, c’est qu’ils ont le premium à prix QoQa. Mais c’est très éphémère et limité à un certain nombre. Nous ne sommes pas là pour bousiller le marché ou pour affirmer que la téléphonie est trop chère, que ce que les gens paient c’est de l’arnaque et de la merde. Loin de là. Ce n'est pas notre philosophie.

En regardant dans le rétroviseur, on constate que vos grands coups consistaient à rendre des produits de luxe accessibles à la classe moyenne. Vous êtes notre Robin des Bois?
J’adore ce titre! (Rires) Mais ce n’est pas du tout ce que je prétends être. Moi, ce que j’essaie de faire, c’est rendre accessible ce qui ne l’est d’ordinaire pas à Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Nous l’avons déjà très bien démontré à plusieurs reprises. Notamment lorsque 25’000 personnes avaient acheté ensemble un Picasso. Nous l’avions exposé pour la première fois au Musée d’art moderne et contemporain de Genève et une dame, une des premières à être entrée dans la salle, était en pleurs. Elle trouvait cette aventure collective merveilleuse et n’en revenait pas d’avoir un petit bout du tableau. C’est beau! Et c’est la réflexion qu’il y a derrière qui me plaît. On se met tous ensemble et on arrive à faire quelque chose d’historique.

Aujourd’hui, vous vous attaquez à un domaine dont tout le monde dépend, certes, mais qui est beaucoup moins sexy. C’est sur ces biens de première nécessité que vous êtes aujourd’hui attendus par vos clients?
Oui, clairement. Pour ne rien vous cacher, nous avons même été approchés pour des trucs tout cons comme l’assurance maladie de base. On nous demande si on peut utiliser notre grosse communauté pour faire baisser les coûts. Ce sont des pistes que nous étudions mais c’est monstre compliqué, c’est un domaine hyperprotégé.

Votre entreprise a une image très fun, très innovante. C’est vous, le Monsieur Idées de l’entreprise?
Ce serait complètement faux de le prétendre, nous sommes une équipe. Je peux donner des impulsions mais énormément ont été transformées par mes collègues en idées beaucoup plus lumineuses. Et heureusement! J’en suis très fier. C’est tellement mieux de laisser de l’autonomie aux gens. Quand quelqu’un commence chez nous et me demande ce qu’il doit faire, je lui réponds: «Bah, je ne sais pas. Comment est-ce que tu ferais? Et si tu te plantes, c’est pas grave! Mais vas-y, plante-toi.» C’est logique pour nous de fonctionner comme ça, nous avons toujours essayé d’avoir cette agilité. Et on nous la reconnaît.

Malgré les louanges, un site internet qui fait «poper» tout et n’importe quoi dans le but de provoquer un achat compulsif, c’est pas un peu le monde d’hier?
Ouais, je pense que vous avez en partie raison. C’est là que QoQa doit être innovant. Nous travaillons sur beaucoup de nouvelles solutions en échangeant avec notre communauté, qui a une moyenne d’âge relativement jeune. Vous, moi… Tout le monde se pose des questions sur le monde de demain. Cela a été peu dit mais, pendant la crise Covid, QoQa a généré plus de 100 millions de francs d’aide pour les commerces locaux avec les opérations direQt et welQome. Parallèlement, nous avions mis de côté tous nos projets, c’est comme ça. Nous sommes conscients de ce que nous pouvons apporter et de ce vers quoi nous devons tendre. Et nous ne le faisons pas que pour nous. Nous sommes convaincus que cela peut servir d’inspiration à d’autres.

On vous entend. Vous êtes un jeune quadragénaire sensible aux enjeux environnementaux de notre époque, à ce fantasme d’une économie plus humaine. Mais comment pouvez-vous véritablement l’être puisque votre business consiste aussi à vendre des tas de choses dont les gens n’ont pas besoin?
C’est une bonne question. Mais, d’abord, Monsieur et Madame Tout-le-Monde ne sont pas forcés d’acheter ce que nous proposons, personne n’a de flingue sur la tempe. Nous faisons des suggestions. Quand nous tombons sur un truc fun, nous le partageons. Si vous allez lire notre forum, vous verrez qu’on est parfois très critique sur ce point-là: si vous n’avez pas besoin de ce machin, ne le prenez pas. Où je vous rejoins totalement, c’est qu’on a un super-challenge devant nous.

Avez-vous les épaules pour le réussir?
Je pense que QoQa est suffisamment petite et agile pour innover dans l’espace qui est le nôtre et pour proposer des choses qui sont plus respectueuses de l'environnement et de l'humain. Par exemple, après avoir acheté et utilisé un article, on pourrait imaginer de le remettre dans le circuit d’une manière ou d’une autre. Nous y travaillons. Mais je ne veux pas vous faire de grandes déclarations à la sauce greenwashing concernant ce que nous faisons déjà de bien, ces choses sont juste normales. Vous nous jugerez sur nos actes et sur notre impact. Nous devons nous bouger le cul, être toujours plus juste avec notre communauté et avec ce que nous lui proposons.

Au fond, avez-vous l’impression de défendre les droits des consommateurs?
Je pense que nous le faisons naturellement. Nous sommes très proches de la Fédération romande des consommateurs et nous n’avons quasi aucun litige. Si vous en parlez avec notre avocat, il vous dira: «Mon gars, je n’ai jamais vu ça dans l’e-commerce». Les rares cas concernent des gens qui n’ont même pas pris la peine de nous contacter avant d’actionner leur protection juridique et qui sont en tort neuf fois sur dix. Mais ce n’est pas grave, ça arrive! Nous réglons chaque problème de façon personnalisée. Nous privilégions l’accompagnement individuel. C’est juste normal. C’est ça, le respect des gens. Même si ça prend un peu de temps, il faut le faire!

Malgré tout, si on est un peu plus critique, on pourrait plutôt dire que vous êtes le défenseur du consumérisme… Cette assertion vous fait-elle bondir?
Non, mais je ne vois pas les choses de cette manière. Comme je le disais avant, je pense que nous ne forçons personne à acheter quoi que ce soit et nous faisons aussi suffisamment d’actions pour montrer que ce n’est pas le cas. Après, je ne peux pas nier que QoQa sélectionne des produits et les partage avec sa communauté. Mais nous ne sommes pas uniquement là pour vendre.

Vous voulez vraiment nous faire croire ça?
Croyez-le ou non, nous voulons faire des choses qui ont du sens. C’est toujours une question de perspective. Par exemple, vous pouvez venir au bureau et constater que nous avons une machine à laver et à sécher le linge pour notre équipe, une table de ping-pong et d’autres trucs sympas...

Désolé de vous couper. C'est super! Et comme ça, plus personne ne quitte son bureau et son ordinateur...
Vous avez deux options: soit vous pensez que c’est une manigance pour garder les gens plus longtemps au travail, soit vous considérez que tout ça répond à une vraie demande. À votre avis? Quand vous êtes au travail, à 16h30, et que vous vous dites: «Mince! L'ancienne de l’immeuble, elle a mis son linge dans la machine commune et je n’ai pas le temps de faire l’aller-retour», c’est pas une réalité? Donc oui, cela dépend de comment chacun voit les choses. Mais ce sont les faits qui comptent. Rien d’autre. Je suis assez droit dans mes bottes, mes collègues aussi, et c’est le bon sens qui doit primer. Et nom d'une pipe, continuons de faire des trucs cool!

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