Robert Dubler a de l'essence et du chocolat dans le sang. En Suisse alémanique, on l'appelle «le roi de la tête de n...». C'est à Waltenschwil, quelque part en Argovie, qu'il fabrique avec une bonne douzaine d'employés la fameuse sucrerie: 36 grammes, 150 calories et une bonne dose d'indignation.
Voilà des décennies que le conflit couve autour du nom de la pâtisserie, rebaptisée tête au choco. Mais Robert Dubler est une tête brûlée. Pas question de changer quoi que ce soit (article en allemand). Ni la recette, ni l'appellation. «Aussi longtemps que je serai vivant, le nom original va rester», promet-il.
L'homme est têtu. Robert Dubler sort du lot parmi les patrons, traditionnellement plutôt lisses. Sa grosse moustache de phoque — sa marque de fabrique — et ses cheveux longs en font un mélange entre un hippie et l'ancien patron de Daimler, Dieter Zetsche. Un homme brut de décoffrage qui a dû reprendre l'entreprise au pied levé après le décès prématuré de son père lorsqu'il avait 23 ans. Il paie toujours ses employés en liquide et les cartes de crédit ne sont pas acceptées dans son magasin. Coronavirus ou pas.
La Corvette de Steve McQueen
Dubler a eu deux mariages et un fils, Robert Junior (41 ans), qui va reprendre un jour l'entreprise. Mais aussi longtemps que son régime d'une tête au choco — ici, c'est nous qui choisissons le nom — le maintiendra en forme, c'est lui qui se tiendra derrière le comptoir. Il est tout aussi fidèle envers sa passion: les voitures de course, auxquelles il consacre un site internet. Robert Dubler a plusieurs bolides dans son garage, dont une Corvette de 1968. Steve McQueen en personne l'a conduite dans le film «Le Mans».
Le roi de la tête au choco n'a pas de temps à perdre et préfère ne dépendre de personne. Pour construire sa maison, il s'est borné à engager un maçon et un ferrailleur. Résultat: devant chez lui, on a l'impression d'être dans le dessin animé «La famille Pierrafeu» ou dans les «Teletubbies»...
Les surprises redoublent une fois la porte d'entrée de ce monticule de terre franchie: une tête de taureau aux boucles dorées est suspendue au-dessus de la cheminée, la baignoire est perchée sur un piédestal et dans la cuisine trône une statue en métal que son fils a façonnée à partir d'une vieille moto...
Mais l'Argovien s'y sent bien, et il ne déménagerait pour rien au monde. Les murs en pente ne le font pas broncher, pas plus que lorsqu'il conduit à 250 km/h. Robert Dubler est l'indépendance incarnée. Il n'aime ni les politiciens ni les banques, qui «arnaquent plus de 90% de la population». Il critique le modèle économique «tout droit sorti de HEC Saint-Gall» tout en se prélassant dans le jacuzzi planté au milieu de son jardin. De là, il a une vue imprenable sur son usine, au-dessus de laquelle sa seconde épouse s'est installée dans son propre appartement.
En discutant entre collègues des deux côtés de la Sarine, nous avons constaté les immenses disparités de notoriété des personnalités en fonction de leur région linguistique.
Or, c'est l'une des raisons de l'arrivée de Blick en Suisse romande: donner une image plus juste de ce qu'est notre pays. En tant que média national, nous voulons autant que faire se peut «décloisonner» la Suisse à notre échelle.
Chaque semaine, nous vous présenterons une ou un Alémanique qui ne nous évoque pas grand-chose de notre côté de la Sarine, tandis que les lecteurs germanophones de Blick découvriront une ou un Romand(e) qui en vaut la peine.
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