Une action en justice envisagée
Rivella peut-il faire changer de logo à Renovate Switzerland?

Le logo de la campagne Renovate Switzerland rappelle furieusement celui de Rivella. Les écologistes, qui avouent volontiers s'en être inspirés, peuvent-ils être inquiétés? Pas si sûr, selon un expert de la propriété intellectuelle.
Publié: 21.04.2022 à 11:41 heures
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Dernière mise à jour: 21.04.2022 à 18:49 heures
Dernière action en date du groupe: mardi matin à l'entrée de l'autoroute près du Wankdorf, à Berne.
Photo: keystone-sda.ch
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Lausanne, Genève, Berne. À chaque fois le même scénario: une banderole barre l’autoroute en même temps que le chemin des automobilistes. Renovate Switzerland a réussi son tour de force, puisque les actions pascales de ce nouveau collectif climatique ont fait beaucoup de bruit. Et cela devrait se poursuivre ces prochains jours, puisque les militants ont promis de continuer jusqu’à ce que le Conseil fédéral s’engage à rénover un million de logements d’ici à 2040.

Sur les photos publiées par les médias du pays, une ressemblance a frappé l'oeil de nombreux observateurs: le logo choisi pour la campagne écologiste rappelle furieusement celui de Rivella, au point que les autoroutes bloquées ont eu un petit air de zones d'arrivée de courses populaires. Assez ironique, puisque le collectif dénonce l'immobilisme du Conseil fédéral, mais est-ce un hasard? Le suspense est vite levé avec un téléphone à la porte-parole de Renovate Switzerland. «Oui, nous nous sommes bien inspirés de cette marque, confirme Cécile Bessire. Nous voulions une référence à quelque chose que tous les Suisses connaissent et qui jouisse d’un certain capital de sympathie.»

Rivella étudie une action en justice

Qu’en pense l’entreprise? Rivella sponsorise 400 événements sportifs par an en Suisse, mais le blocage d’autoroute n’en fait pas partie. Forcément, être associé aux actions pénalement répréhensibles de Renovate Switzerland est moins au goût du groupe que sa célèbre boisson au lactosérum. «Il ne nous a pas échappé que l’identité visuelle de cette campagne de résistance rappelle fortement le logo de marque du Rivella Rouge, confirme Susanne Widmer, chargée de communication de l’entreprise. Nous ne sommes en aucun cas liés à cette action et nous envisageons des suites juridiques.»

À chaque fois, les activistes ont été vite délogés par la police.
Photo: Keystone

Rivella peut-il obliger Renovate Switzerland à changer de logo? Cela ne s’annonce pas facile, selon Daniel Kraus, professeur à l’Université de Neuchâtel (UniNE). Pour ce spécialiste de la propriété intellectuelle, il est «clair pour tout le monde» qu’il s’agit d’une parodie, Renovate Switzerland ne cherchant pas à se faire passer pour Rivella. Le collectif écologiste n’évolue par ailleurs pas du tout dans le même registre que le fabricant de boissons basé à Rothrist, dans le canton d’Argovie, et ne cherche pas à en faire un usage commercial. «Il faut cependant noter que la parodie existe dans le droit d’auteur mais pas dans le droit des marques», relève le cofondateur du Pôle de propriété intellectuelle à l’UniNE.

«Nous estimons être à l'abri»

La seule marge de manoeuvre possible pour Rivella serait d’argumenter que Renovate Switzerland viole la personnalité de sa marque. «Chaque entreprise, en tant que personne morale, dispose d’un droit à la personnalité, rappelle Daniel Kraus. Rivella pourrait alors se tourner vers un juge pour obtenir des mesures provisionnelles et forcer les défenseurs du climat à modifier l’identité visuelle de leur campagne.» Du côté de Renovate Switzerland, on ne se formalise pas trop de cette éventualité. «Nous avons fait des vérifications avant de lancer notre campagne et nous estimons être à l’abri sur le plan juridique», assure Cécile Bessire.

Certains militants n'ont pas hésité à se coller la main sur le bitume.
Photo: Keystone

Ce n’est pas la priorité de la porte-parole et de ses camarades: d’autres blocages sont prévus dans un futur proche, a déjà averti Renovate Switzerland. Le groupe n’espère qu’une chose: que Simonetta Sommaruga et le Conseil fédéral aient une «revelazione», comme le terme italien qui a donné l’inspiration à Roland Barth au moment de baptiser sa marque. Un dérivé de Riva San Vitale, commune tessinoise où il se trouvait en vacances au moment de réfléchir, en 1950, au nom de la boisson qui sera exportée par la suite dans de nombreux pays. Le jeune étudiant en droit d’alors, qui avait créé le produit dans sa salle de bains, ne pensait sans doute pas créer une controverse juridique 72 ans plus tard.

Les locaux de l'entreprise en 1954 à Rothrist (AG). Ils s'y trouvent toujours.
Photo: Rivella
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