Un projet étouffé dans l'œuf?
Une motion veut mettre fin au lobbying au Parlement

Le projet de limiter l'influence des associations et des lobbies au sein du Parlement semble rallier une majorité d'élus. Une motion du conservateur Beat Rieder a été approuvée dans ce sens. Est-elle réellement suffisante pour régler le problème?
Publié: 24.10.2021 à 17:43 heures
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Dernière mise à jour: 24.10.2021 à 18:42 heures
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Les lobbyistes les plus efficaces sont les parlementaires eux-mêmes.
Photo: Keystone
Camilla Alabor

C’est une petite révolution que le conservateur Beat Rieder a déclenchée au Parlement: le conseiller aux États valaisan, connu pour son combat contre le changement de nom de son parti, le PDC, devenu Le Centre, veut faire barrage au pouvoir des lobbies au sein du Conseil.

Le politicien a demandé que les membres des différentes commissions ne puissent plus accepter des mandats rémunérés de la part d’organisations qui sont directement visées ou affectées par des projets de lois que lesdites commissions traitent et votent.

Par exemple, toute personne siégeant à la Commission de la santé ne devrait plus être autorisée à l’avenir à accepter un mandat auprès d’une compagnie d’assurances maladie. Aujourd’hui, cette pratique est courante et il existe même un terme pour la désigner: le «shopping parlementaire».

Un rapport de l’ONG d’origine allemande «Transparency International» a montré où cela pouvait mener, en s’appuyant sur l’exemple de la Commission de la santé du Conseil des États: une majorité de ses membres ont reçu des mandats du secteur des assurances ou d’un groupe apparenté au cours de la dernière législature.

Des représentants du peuple achetés?

Cela soulève la question de l’indépendance de nos représentants et de l’étendue de l’influence des groupes de pression financièrement puissants sur la législation.

Beat Rieder veut empêcher de tels excès à l’avenir. Toutefois, sa proposition prévoit des exceptions: les mandats qu’un conseiller «exerce dans le cadre de son occupation à plein temps» ne devraient pas être affectés. Il en va de même pour les mandats qu’un conseiller a déjà exercés pendant un an avant d’occuper un siège dans la commission concernée, ainsi que pour ceux qui sont rémunérés à moins de 5’000 francs suisses par an. Il s’agit de permettre aux politiciens de continuer à exercer une profession parallèlement à leur fonction politique.

Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les commissions des institutions politiques (CIP) des deux chambres du Parlement ont approuvé la motion du membre du Centre. La semaine prochaine, la commission du Conseil des États se penchera plus précisément sur le projet.

Une loi qui vise les mauvaises personnes?

Malgré la bonne réception de la motion, plusieurs élus doutent que cette dernière soit une vraie solution au problème. Le conseiller aux États PLR Andrea Caroni pense qu’il est «juste d’aborder la question», mais il ne s’agit pas forcément de la meilleure manière de faire.

Selon lui, «la difficulté réside dans la mise en œuvre. Tel qu’il est formulé, le projet de loi ne fait qu’empêcher le shopping parlementaire, c’est-à-dire l’attribution de mandats à des politiciens dès leur élection à une commission. En revanche, les parlementaires qui exercent des activités de lobbying à plein temps – par exemple en tant que fonctionnaires d’associations – seraient toujours autorisés à siéger dans les commissions correspondantes. Cela signifie que, de toutes les personnes, les professionnels ne seraient pas affectés par les projets de loi en discussion, mais que tous les autres le seraient.»

Des doutes aussi du côté de la gauche

Mathias Zopfi, conseiller aux États des Verts, comprend également la demande de Beat Rieder. Il pense toutefois que ce «sera difficile de mettre en œuvre la proposition de telle sorte que le problème soit résolu et que les 'bonnes personnes' soient arrêtées. Je ne suis pas sûr qu’elle y parvienne».

Tous les mandats ne se valent pas, pointe l’écologiste. La représentation des associations fait partie d’un parlement de milice. Toutefois, l’appartenance aux conseils consultatifs, où les parlementaires sont payés une somme rondelette pour assister à quelques réunions par an «sans assumer aucune responsabilité», est une question délicate.

Face à ces doutes il est donc tout à fait possible que le Parlement arrive à la conclusion que le problème ne peut être résolu de cette manière, et que finalement, rien ne change.

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