Il y a deux ans encore, le nom d'Yves Donzallaz n'était connu que dans le cercle des juristes. Puis le juge fédéral s'est retrouvé dans le collimateur de l'UDC. En 2020, le parti voulait l'écarter de son poste parce qu'il ne lui pardonnait pas de s'être prononcé en 2019 en faveur de la remise de milliers de données clients d'UBS à la justice française. Le comble est qu'Yves Donzallaz était lui-même membre du parti conservateur.
Les autres groupes parlementaires du Palais fédéral avaient fait durer le suspens, mais l'homme a finalement été confirmé dans ses fonctions par le Parlement, comme cela est d'ailleurs prescrit tous les six ans pour les juges fédéraux.
Entre-temps, le Valaisan a quitté l'UDC. A 61 ans, une nouvelle carrière s'ouvre devant lui. Lors de la prochaine session d'hiver, le Parlement devrait nommer Yves Donzallaz nouveau président du Tribunal fédéral. Mais cela ne plaît pas à tout le monde à Lausanne.
Sa candidature suscite la méfiance
D'après les informations de Blick, lorsque les 38 juges ont dû décider s'ils soutenaient la candidature d'Yves Donzallaz, quinze d'entre eux se seraient prononcés contre lui. Vingt personnes seulement l'auraient soutenu, tandis que trois personnes n'auraient pas pris part au vote ou se seraient abstenues.
D'où vient donc cette méfiance? En tant que membre de la Commission administrative tripartite du Tribunal fédéral, le Bas-Valaisan a participé à une enquête sur le climat de travail au Tribunal pénal fédéral de Bellinzone. L'investigation portait principalement sur des accusations de harcèlement moral et de sexisme. Mais dans leur rapport, Yves Donzallaz et les deux coauteurs de la publication sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait pas de preuves solides à ce sujet.
Pour ce rapport, la commission administrative a été à son tour vivement réprimandée par la Commission de gestion du Parlement: «Pour la Commission de gestion (CdG), la conclusion de la Commission administrative n'est pas compréhensible, à savoir qu'il n'existe aucun indice d'abus sexuels de quelque nature que ce soit, ni de harcèlement sexuel physique ou psychique.» Ou, pour le dire simplement, les trois juges fédéraux ne considèrent pas les reproches comme sérieux.
Yves Donzallaz n'était-il pas assez sensible? Ou n'avait-il pas tout à fait la tête à l'ouvrage? Il y a en tout cas un autre point qui fait parler dans les couloirs de la Cour suprême. Le juge fédéral a publié en 2021 un traité de droit médical helvético-européen.
Un livre écrit sur ses heures de travail?
Son étude «Traité de droit médical» est pour le moins volumineuse. Il s'agit de trois volumes totalisant 4418 pages. A Lausanne, on s'étonne de la force créatrice du Valaisan. On se demande comment ce collègue a pu y parvenir tout en travaillant à plein temps comme juge fédéral.
Ou alors s'occupait-il de son livre pendant ses heures de travail? Est-il même possible qu'il se soit trop reposé sur les autres pour rendre ses jugements - en apposant simplement sa signature au bas des documents rédigés par les greffiers?
Contacté par Blick, Yves Donzallaz n'était pas disponible pour un entretien, mais il a répondu à nos questions par écrit. Au sujet de l'accusation selon laquelle il aurait rédigé son opus pendant ses heures de travail, l'homme va droit au but. «Personne ne m'a jamais fait ce reproche, qui est factuellement faux. J'ai travaillé à cet essai pendant près de dix ans, durant mon temps libre, mes soirées de travail, mes week-ends et mes vacances. Cela n'exclut pas que j'ai aussi travaillé pour la rédaction sur mon lieu de travail à Lausanne. Cela s'est toujours fait, sans exception, dans le respect de mes devoirs et obligations de juge.»
Des jugements non rédigés par lui-même?
Et que répond le juge fédéral au reproche selon lequel il n'aurait pas rédigé lui-même des jugements? «Ma collaboration avec les greffiers et ma participation aux affaires qui circulent correspondent à ce qui se fait habituellement au Tribunal. Cela signifie notamment que chaque juge ne rédige pas personnellement le projet de chaque jugement.»
Enfin, que pense Yves Donzallaz du fait que pas moins de 15 juges ont voté contre lui en tant que nouveau président du Tribunal fédéral? «Je n'ai pas le moindre problème avec mes collègues. Qu'une minorité d'entre eux n'ait peut-être pas voté pour moi lors du vote qui s'est déroulé à bulletin secret, c'est leur droit le plus strict.»