Le Ministère public a requis une peine privative de liberté de neuf mois avec sursis. «Ce drame aurait pu être évité si des mesures avaient été prises», a déclaré la procureure Victoria de Haller. Selon elle, le prévenu «a fait l'autruche» en ne s'intéressant pas au système mis en place vers 2010 contre les renards sur la propriété de sa mère où il vivait depuis plus de 30 ans et qu'il gérait depuis 2014.
Bricolée par les jardiniers, l'installation consistait en un fil de fer à nu tendu à l'intérieur du poulailler, à quelques centimètres du grillage. Ce fil était connecté au réseau électrique par un long câble branché dans une prise murale située dans une annexe. «J'ai découvert ce fil le jour de l'accident», a déclaré le septuagénaire au tribunal.
Le 31 août 2018, la victime est allée voir les poules dans la propriété voisine avec sa nounou et son frère, comme elle le faisait régulièrement. Elle s'est vraisemblablement appuyée sur le grillage et a reçu une décharge de 230 volts, ce qui a provoqué un arrêt cardio-respiratoire et un anéantissement de ses capacités cérébrales.
Des besoins immenses
«Cette enfant est une miraculée. Elle a des besoins immenses», a indiqué sobrement son père dans la matinée. Et d'expliquer que sa fille doit être assistée pour tous les actes de la vie quotidienne en raison de son infirmité cérébrale et de ses incapacités physiques. Malgré les soins, ses séquelles ne se sont pas résorbées.
«Le contexte familial a été bouleversé», a témoigné le père de deux autres enfants, la voix brisée. Aux déplacements de la fille, à la coordination de ses thérapies et à la transmission des informations, s'ajoute la charge mentale, a détaillé la mère, qui a précisé avoir «du mal à faire le deuil de la vie d'avant.»
Garantie de sécurité
Pour le Parquet comme pour la partie plaignante, le prévenu occupait la position de garant. Il avait d'ailleurs déclaré à la police qu'il savait que l'installation électrique n'était pas aux normes, a relevé Eric Maugué, avocat des parents. «Il aurait dû la mettre immédiatement hors d'usage, quelle que soit la force du courant», a-t-il souligné, critiquant ses explications confuses et fluctuantes.
Sans nier la souffrance de la victime et de ses parents, les avocats du prévenu ont plaidé l'acquittement. Pour Guillaume Etier et Yvan Jeanneret, aucune faute ne peut être reprochée à leur client. Un contrôle périodique de l'électricité avait été réalisé dans la propriété en 2011. Sur cette base, il avait fait corriger les défauts et obtenu un certificat garantissant la sécurité.
«Sur le plan subjectif, il avait la conviction que tout était conforme. Il n'a jamais imaginé que ce maudit câble pouvait avoir du 230 volts», a conclu Me Jeanneret. Pour Me Etier, «le coupable évident» est l'employé de la société qui a effectué le contrôle périodique, mais il bénéficie de la prescription.
Pensée quotidienne
Alors qu'une procédure civile est en cours pour obtenir des dommages pour la victime, Me Maugué a demandé 177'000 francs d'indemnité pour tort moral pour chacun des parents. Concernant le volet civil, la défense a assuré que l'enfant sera indemnisée «à la hauteur de ce qui est attendu». Mais il reste à savoir qui doit payer, selon elle.
En fin d'audience, le prévenu s'est tourné vers les parents: «J'ai été bouleversé par votre récit. Sachez que, depuis le jour de ce tragique accident, je pense quotidiennement à vous. Je suis enthousiasmé par votre force et votre courage.» Le tribunal a gardé la cause à juger et transmettra son jugement aux parties dans quelques semaines.