Un fonctionnaire fribourgeois
«Si les prix continuent d'augmenter, je ne sais pas comment je vais faire»

Inquiétudes, épargne en berne, baisse significative du pouvoir d'achat par rapport à l'année dernière. Voici ce que signifie l'inflation pour ce fonctionnaire fribourgeois, dont le salaire n'a pas bougé depuis cinq ans. Rencontre.
Publié: 30.08.2022 à 08:01 heures
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Dernière mise à jour: 30.08.2022 à 10:29 heures
Celui que nous appellerons François est directement impacté par l'inflation. Malgré son salaire qu'il juge plutôt bon.
Photo: Jean-Paul Guinnard
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Compter ses sous pour les litres d’essence à mettre dans sa voiture et son scooter. Zieuter fébrilement son e-banking pour les sorties au restaurant qu’il s’autorise encore ou pour les trois seuls jours durant lesquels il partira en vacances cet été, à moins de 300 kilomètres de chez lui. Ce n’est pas comme ça que François*, un solide gaillard pas du genre à se plaindre, s’imaginait croquer la vie au crépuscule de sa carrière.

Trois portraits pour mesurer l'inflation

L’inflation. On ne parle que de ça depuis quelques mois. Commençons par les chiffres. «Le Temps» détaillait fin juillet l’analyse de Comparis et du Centre de recherches conjoncturelles de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) sur le sujet. Selon leur calcul, la hausse des prix est de 1,4% sur une année, au premier semestre 2022. Pour la même période, le Secrétariat d'État à l'économie parle, lui, de 0,5%.

Conséquence: sans augmentation des salaires, le pouvoir d’achat des Suissesses et des Suisses plonge. Pour quels impacts humains? Afin de le comprendre, Blick développera cette thématique dans la semaine du 29 août au 2 septembre.

Première étape, des rencontres avec trois personnes au profil très différent: une travailleuse précaire valaisanne, une retraitée genevoise et un employé communal fribourgeois tout en haut de l’échelle salariale depuis cinq ans. Ces deux femmes et cet homme racontent leur quotidien, leurs choix, leurs factures, leurs doutes et leurs craintes face à l'envol du coût de leur vie.

L’inflation. On ne parle que de ça depuis quelques mois. Commençons par les chiffres. «Le Temps» détaillait fin juillet l’analyse de Comparis et du Centre de recherches conjoncturelles de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) sur le sujet. Selon leur calcul, la hausse des prix est de 1,4% sur une année, au premier semestre 2022. Pour la même période, le Secrétariat d'État à l'économie parle, lui, de 0,5%.

Conséquence: sans augmentation des salaires, le pouvoir d’achat des Suissesses et des Suisses plonge. Pour quels impacts humains? Afin de le comprendre, Blick développera cette thématique dans la semaine du 29 août au 2 septembre.

Première étape, des rencontres avec trois personnes au profil très différent: une travailleuse précaire valaisanne, une retraitée genevoise et un employé communal fribourgeois tout en haut de l’échelle salariale depuis cinq ans. Ces deux femmes et cet homme racontent leur quotidien, leurs choix, leurs factures, leurs doutes et leurs craintes face à l'envol du coût de leur vie.

Il veut rester anonyme. Pas question de prendre le moindre risque de perdre son emploi à 60 ans, alors que l’inflation lui complique déjà passablement son quotidien depuis quelques mois. Cet employé communal fribourgeois, en poste depuis 35 ans dans un secteur manuel, fait les comptes: «Si les prix continuent d’augmenter, je ne sais sincèrement pas comment je vais faire.» Sur l'année écoulée, son pouvoir d'achat a largement diminué, estime-t-il. Entre 500 et 600 francs par mois. Pour ne pas être serré à la gorge, il a déjà dû renoncer à certains acquis.

L’inflation fait mal

À deux pas de la Sarine, la vie paraît pourtant douce ce mardi matin, en Basse-Ville de Fribourg. Le café court est bon, pas cher — 3,20 francs, bien en-dessous de la moyenne nationale (4,25 francs). Mais François s’inquiète. Attablé sur une terrasse avec son épouse, il se dit frappé de plein fouet par l’inflation. «Attention, des gens ont une situation bien moins favorable que la mienne, insiste-t-il. J’arrive encore à tourner, j’ai un toit au-dessus de la tête et je peux avoir des loisirs de temps en temps avec ma femme.»

Alors, où est le problème? «J’ai atteint le maximum de l’échelle salariale depuis cinq ans. Tout continue d’augmenter depuis, sauf mon pouvoir d’achat qui, lui, diminue. Ça nous force à faire des choix qu’on aurait jamais pensé devoir faire après une vie de labeur.»

Sur le papier, l’homme qui travaille depuis ses 16 ans gagne «un plutôt bon salaire», glisse-t-il. «Avec environ 7000 francs par mois pour mon 100%, cela me gêne de devoir parler des restrictions que je dois m'imposer, amorce-t-il. Mais c’est la réalité. Mon épouse travaille dans la petite enfance à un taux réduit. Nous avons moins de 10’000 francs par mois pour vivre. On a déjà dû diminuer notre niveau de vie ces derniers temps et cela sera pire à la retraite, vu les rentes que nous aurons…»

Économiser sur sa santé

La première mesure prise à contrecœur par le couple a été de renoncer à son assurance hospitalisation semi-privée. «C’est plusieurs centaines de francs économisées chaque mois, enchaîne-t-il. Ça nous donne un peu d’air, même si c’est absurde de se dire qu’on a payé dans le vide toutes ces années durant lesquelles on allait bien et qu’on doit y renoncer quand les premiers pépins de vieillesse arrivent. Mais c’est justement ce que veut le système, non?»

Car François a des problèmes de genoux. Après s’être renseigné sur une potentielle prothèse, le jeune sexagénaire a la trouille d’aller plus loin. «En cas d’opération, je devrais payer la quote-part de 10% et je préfère ne pas y penser pour l’instant. Nous pouvons parfois mettre de côté 300 ou 400 francs les bons mois, mais nous devons piocher dans notre épargne à chaque imprévu.»

Et il y en a régulièrement. «Nous avons récemment aidé notre fils à reprendre pied après une séparation très douloureuse. C’est normal, quand on est parents. Mais c’était limite-limite pour nous, même si on ne l’a jamais dit. En gros, nous sommes déjà tout juste à l’équilibre et ne pouvons pas nous permettre une potentielle grosse dépense sans basculer dans le rouge. On aidera les autres tant qu’on pourra et, un jour, on ne pourra plus…»

D’après François, des solutions pour faire face à l’inflation existent. Et elles sont politiques. «Les taxes sur l’essence pourraient être diminuées durant cette période difficile, lance-t-il. Mais ça ne suffirait pas. Aujourd’hui, les pauvres sont toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches. Il pourrait y avoir des baisses d’impôts ciblées sur la classe moyenne, une indexation des salaires adaptés au coût de la vie… Aux Communes, Cantons et à la Confédération d’agir maintenant. On ne peut plus attendre!»

*Prénom d'emprunt


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